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7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 06:19

Au précaire du seuil, de Jean-Louis BERNARD, 43 pages, Cahiers du Loup bleu, éditions Les Lieux-Dits, Strasbourg, 4e trim. 2023,

ISBN : 978-2-493715-41-8

 

            Poésie très pure qui s’articule autour du silence et du temps, lequel s’allonge, s’étire, insaisissable, immatériel ou presque. Son gardien est un vigile guettant les ondulations de l’oubli.

                                        les marées font mémoire

                                        le passé n’a plus d’âge

                                        lors même que les heures

                                        s’obstinent

 

            À l’instar du titre, ce recueil s’inspire de transhumances, d’oracles, d’inabouti, de vertiges nomades, d’yeux vagabonds, d’innommé. Toujours, Jean-Louis BERNARD est aux antipodes des certitudes, des affirmations péremptoires.

 

            Seule une majuscule signale le début d’un poème qui coule telle une source et s’affranchit de toute ponctuation, laquelle est remplacée avec bonheur par la mise à la ligne et la mise en pages.

 

            Les vers sont en prise directe avec une nature plutôt lunaire faite d’épines, de brumes et de halliers…

 

                                        posée

                                        sur un embrun

                                        une mouette volage

                                        guette

                                        l’archaïque du vent

 

            Et l’écrivain de conclure cet opuscule lourd de sens, tout à la fois humblement et provisoirement sur son seuil précaire :

 

                                        mais l’encre

                                        trébuche sur les pages

 

                                        parole démembrée

                                        comment trouver le silence

                                        juste

 

         J’ai envie de dire que ces textes ne font qu’un dans une recherche cohérente, continue et en quelque sorte infinie de l’âme humaine et de la résonnance des mots. De plus, l’ensemble de l’œuvre chez Jean-Louis BERNARD constitue un remarquable et homogène continuum pour notre passion du verbe.
 

©Claude Luezior

      
 
 
 

 

 


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18 février 2024 7 18 /02 /février /2024 07:52

Adam et Ève chassés du Paradis terrestre * Auteur : Charles-Joseph Natoire (1700-1777) * Date : 1740 * Lieu : New York, Metropolitan Museum of Art Adam et Eve
 


La poésie est-elle oracle ou plain-champ de grands-prêtres, druides ou chamans ?

Leur parole cryptée, si vulnérable, serait-elle  délivrance d’un état second que nous portons tous en nous ?

Porteurs d’inachevé, en rupture avec leurs semblables, les poètes sont-ils ces êtres désignés qui tentent désespérément de traduire une langue rescapée du bannissement et que nous aurions  héritée d’un inconscient originel ?

 

©Claude Luezior  

Extrait du recueil « Au démêloir des heures » éditions Librairie-Galerie Racine, Paris                   
 

 

 

 

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 07:35

 

conte, illustrations de Sandrine Besnard, 83 pages, éditions Stellamaris, ISBN : 978-2-36868-833-5

 

 

 

            Délicieux ! Gérard Le Goff, qui est aussi à l’aise en prose qu’en poésie, nous propose ici un conte pour enfants qui ravit tout autant les adultes que nous sommes. Les dessins signés par Sandrine Besnard sont parfaits et suscitent à la fois fraîcheur et rêves.

Tout d’abord, les protagonistes, caractérisés par des patronymes savoureux : l’ogre Croquemouflet, le garçonnet Jean Jolicoeur et sa maman Alice, le copain Léandre Coquet, le chat Balthazar, l’instituteur Compas… Et puis, tout un Petit Peuple de nymphes, fées, elfes et autres personnages minuscules, étranges et truculents. Les lieux : le village de Saint-Anthelme, la forêt de Bételgueuse, les Hauts de Golconde, résidence de l’affreux géant. Le décor est planté. On se croirait un peu à Brocéliande (comme son nom l’indique, l’auteur est éminemment breton) !

            L’intrigue rappelle celle du boucher qui séquestre des enfants, les dépèce en son saloir et les dévore dans son antre au fond des bois. Le but, comme dans la légende de Saint Nicolas, est de les sauver et de vaincre l’affreux cannibale… S’organise une troupe hétéroclite à cet effet. Atmosphère type Clan des Sept de la bibliothèque Verte tant chérie de notre enfance.

            Là s’arrêtent les réminiscences, car la magie est ici subtile. Pas de jeu de force ni de bataille. La mère va proposer à Croquemouflet un plantureux repas de végétaux concoctés au domicile du géant afin de l’apprivoiser, de l’enivrer et de délivrer trois enfants sur le point d’être sacrifiés. La gourmandise du récit et de la recette nous fait penser que l’auteur doit être lui-même bon vivant ou fin cuisinier ! Délivrance et fuite des protagonistes. Ce qui suit ne manque pas d’être original : Croquemouflet se convertit résolument, devient végétarien et se nomme désormais Croquechou ! La chute est non seulement cocasse, mais Le Goff ajoute un Epilogue interpellant le lecteur de manière humoristique.

         La bonhomie du récit, de ses détails et dialogues très réussis, le faux suspens de l’action (on se doute bien de l’issue de ce conte mais on ne devine pas la manière !), une langue parfaitement maîtrisée, donnent ici une ambiance poétique et rendent la lecture délicieuse. Pour tous, y-compris pour les grands-parents, à savoir les enfants que nous sommes restés en ces périodes de Noël.
 

©Claude Luezior      
 
 
 

 

 

 


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28 novembre 2023 2 28 /11 /novembre /2023 07:17


 

en meutes carnassières
des cauchemars inassouvis
sans cesse à la maraude
traquent mes chairs

chiens de chasse
à l’automne ensanglanté
ils vagabondent et mordent
toute pensée en fuite

loques et outrages
ici se contorsionnent
et démembrent par lambeaux
les caresses espérées

suis-je moi-même gibier
charogne en sursis
ou acteur insensé
d’une fureur vive ?

en voilà qui halètent
de leur langue rugueuse
encadrée par des crocs
d’écume et d’ivoire

se hérissent les hurlées
de louves en gésine
dans un clair de nuit
que je crains hostile

pourtant ma petite chienne
s’est enroulée sur moi-même
apaisée sous ma main
tout près, en un soupir tiède
 

©Claude Luezior  
Extrait du recueil « Au démêloir des heures » éditions Librairie-Galerie Racine, Paris     
 
 
 
 
 
 
 

 

 

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18 octobre 2023 3 18 /10 /octobre /2023 09:33

Héritage du souffle, de Jean-Louis BERNARD, Ed. Alcyone, Coll. Surya, 73 p., Jonzac (Charente-Maritime), 2023, ISBN : 978-2-37405-107-9

        

         On ne peut qu’être médusé par la poésie de Jean-Louis BERNARD. Les mots y éclosent dans une sorte de véracité primitive d’avant l’anthropocène.

grand silence blanc

du poème

où guette furtive

l’harmonie d’avant le monde

 

         Comme si la parole, sans doute pré-biblique, était née directement du labeur des étoiles. Quand, dans une nuit fondatrice, chantaient  l’impermanence du rivage / et la clarté / des abysses.

          Tropisme vers des mots-gemmes (j’allais dire des mots rares ou précieux, mais cette poésie n’est ni maniérée, ni précieuse), souvent au pluriel, sans doute issus de quelque météorite langagière : lamaneurs, guipures, aménités, biffures, glyphes, chablis…

         Proximité instinctive avec la nature :

                                    l’orage tissait

                                    de longs poignards

                                    sur la blanche obscurité

                                    des pierres

 

         Ou bien :

 

                                    Suivi

                                    la puissance du fleuve

                                    au plus intense

                                    de sa lenteur

                                    comme un frisson

                                    sur les eaux fauves

 

         L’absence, l’inachevé, la pliure de l’aube, les soleils apatrides, un songe démembré, la mémoire des berges, le dénuement des mortes-eaux, l’air haché de givre font partie constitutive de tout un monde où doutes, volcans, mystères, mais aussi douceur et bienveillance sont les incandescences poétiques chez Jean-Louis BERNARD.

         L’écrivain conclut son recueil par :

                                    et l’ombre que nous

                                    abandonnons

                                    arpente pérenne

                                    les seuls chemins qui mènent

                                    à ce qu’on ne voit pas

 

         Foisonnement d’images, dans une mise en perspective dénuée de tout artifice, sans ponctuation ni titre, avec juste une majuscule au début de chaque poème. On remarquera également une mise en page impeccable sur un magnifique papier nacré.

           Oui, tout au long de son œuvre, le présent auteur a du souffle. Héritage (selon l’adage latin : on naît poète, on ne le devient pas) ou patient labeur à l’écoute de son subconscient ?

 ©Claude LUEZIOR  

 

                                                           
 

 

 

 

 

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11 septembre 2023 1 11 /09 /septembre /2023 06:31

Couverture du récent recueil de Claude Luezior : Diana Rachmuth, une artiste-peintre et architecte d'origine roumaine. Cf : Peau d'âme, le kimono dans tous ses états - Cercle Suisse Japon

 


 
pas le temps !
 
même de rêver
temps perdu
temps mort
à contre temps
intempérie
pour la pensée
depuis longtemps
 
même de penser en rêvant
n'est-ce perte de temps ?
même temporairement
juste le temps
de prendre le pouls
de l'intemporel
qui a fait son temps
 
et même de tempêter
contre le temps qui passe
et s'amasse
le temps d'un printemps
le temps des lilas
le plus clair de son temps
depuis quelque temps
 
même par gros temps
ou temps de paix
à quatre temps
le temps d'un rien
d'un amour, d'un plaisir
le temps de se perdre
de suspendre son vol
 
même le temps
d'une concordance
des rêves
je voulais dire... des temps
même
de temps
en temps
 
tant pis : pas le temps


 
©Claude Luezior      
 
 
 

 

 

 


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1 août 2023 2 01 /08 /août /2023 06:56

Les Poètes Français, 160 p.

 

     
       Peindre les mots. Ecrire les couleurs. Et par les uns et les autres, sceller le mariage du tableau et du poème, donner forme à l’intime(…) L’introduction de Hafid Gafaïti est superbe et invite à la contemplation de cet ouvrage à quatre mains.


      Au gré des turbulences du verbe et du pinceau non figuratif sous lequel émergent pourtant çà et là un visage, le Mont St-Michel, un soleil, une forêt des brumes, nous oscillons dans les frémissements de créations multiples. D’aucuns auraient attendu une relation davantage évidente entre le texte et les tableaux, mais il est vrai que les premiers ne sont pas là pour expliquer les seconds.  Il s’agit donc à mon sens, la plupart du temps, d’une potentialisation assumée par les auteurs, plutôt que d’une synergie. Cela dit, on est interloqué par la beauté qui fascine.


         Les toiles d’Eliane Hurtado ont ce quelque chose de mystérieux, sans artifice ni mièvrerie, tant le trait est vif, le sujet mouvementé, les fréquents camaïeux de bleus, aériens mais également profonds. Ils s’inscrivent, au deuxième degré, parfaitement dans la geste de Michel Bénard et constituent une manière de chorégraphie stellaire propice aux mirages et aux rêves. Ces élans graphiques et ces éclipses sans cesse nourrissent, peut-être sans même le vouloir, les textes de Bénard.  Notons que la peintre est également poète. En attestent sa biographie mais également les titres de ses œuvres : fulgurance acrylique, gestuelle, gouttes d’or, grisaille azurée…


       Se dégage de ce recueil, sous la plume confirmée de l’écrivain, un étirement du temps et du recueillement (La lettre en majuscule se pose / Sur un fond de silence ) : non pas dans la solitude mais en une sorte de sérénité ciselée, voire de transcendance créative :


Le souffle d’un recueillement m’effleure
Un silence contemplatif me transporte
Sur le seuil d’un autel d’extase


   Sachant que l’amour est un constant axe de vie dans la poésie de Michel Bénard :


Buvons les eaux lustrales
Jusqu’à l’ivresse extrême,
Consumons-nous lentement
Dans les feux de la passion


          Légendes et mythes s’embrasent au fil des pages, parfois en prières laïques. Errances d’enluminures en reflets de ces vers insondables.


          Talismans partagés.


       Ecriture maîtrisée, chaleureuse, qui rejoint crayons et pinceaux de l’artiste-peintre dans ses arabesques, ses tourbillons et ses harpes, pour un plus haut, pour un plus beau, avec une infinie minutie, un point rouge définissant l’horizon, l’inaccessible.


   Véritables miroirs mutuels : encre et pigments, comme l’éloquence d’un intemporel.

 

 

                                                              

©Claude Luezior  

 
 
 
 
 
 
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10 mai 2023 3 10 /05 /mai /2023 06:45

Le visage de la guerre, Salvador Dali

 

 
 
Se dénouent à mes yeux les pages
d’Histoire, à la fois exigeantes et cruelles.
 
Que l’on quémande l’humain, et voici
batailles, traîtrises et massacres. Que se décante
la civilisation et l’on bute sur quelque gloriole,
rapine ou soif insensée. Tant de dévoration,
tant de haches, piques et bombardes !
 
Surtout ne pas venir nous parler de l’art
de la guerre quand règnent en maîtres absolus
plaies et désespoirs. Surtout cesser de célébrer
le tombeau et la dépouille d’assassins. Et le soi-
disant génie militaire, alors que grouillent les
amputés. Avec l’avis cynique de grands clercs
évoquant le « contexte historique » et le « roman
national » : sous nos yeux gémissent affres et
tragédies.
 
Suis-je l’héritier de ces incandescences ?
 
©Claude Luezior  
Extrait du recueil « Sur les franges de l’essentiel suivi de Écritures, Claude Luezior » éditions Traversées, 2022      
 
 
 
 
 
 
 
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31 mars 2023 5 31 /03 /mars /2023 06:44


 

 


fleurir
    quand le fiel de leurs bavardages
    transmute mon génome

pourquoi fleurir ?

rugir
    ma révolte devant le troupeau de
    leurs inepties

pourquoi rugir ?

courir
    après ce destin où s’humilient mes
    espérances

pourquoi courir ?

souffrir
    face aux décrépitudes qui sonnent la
    charge dans mes viscères

pourquoi souffrir ?

vieillir
    en ces haillons d’existence
    alors que s’égarent les sourires

pourquoi vieillir ?

mourir
    pour rien : tant qu’à faire
    pourquoi ne pas vivre

pour ton Empire ?


©Claude Luezior  

Extrait du recueil « Sur les franges de l’essentiel suivi de Écritures, Claude Luezior » éditions Traversées, 2022      
 
 
 

 

 

 

 

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22 février 2023 3 22 /02 /février /2023 07:42


 


    Allaiter cette page comme le peintre
donne ses becquetées de couleurs au tableau.

    Obstination tendre, idée insensée :
que mes mots fassent un jour synapse avec la
rétine d’un hypothétique lecteur. Qu’ils soient
complices de ses émotions. De ses cicatrices. A
l’extrême fin de sa pensée.

    Que mes images deviennent siennes,
comme assimilées par une partie infinitésimale
de son être. Qu’elles fassent éclore, le temps
d’un parfum, les bourgeons de ses jardins.

    Terres communes, ancrages d’un instant.

    Microscopiques expérience de vie.


©Claude Luezior
 
Extrait du recueil « Sur les franges de l’essentiel suivi de Écritures, Claude Luezior » éditions Traversées, 2022
 
 
 
 

 

 

 

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