Vue sur les kiosques des allées du Président-Roosevelt. 1952. Jean Dieuzaide - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 47Fi313.
La lumière baisse, faible à reflet, elle n’est plus faite que de petits yeux aveugles. Le froid transpire de ces prunelles muettes collées aux vitres. La lumière baisse, le froid se perd en brumes ; l’eau court la pente du carreau.
Lumière en larmes, vie de la vitre sous l’eau-forte d’un regard.
Feuilles en tas, bois coupés, le réel déposé. Vient l’hiver qui efface, d’un trait de pluie, d’un trait de neige. Vient l’hiver qui retranche et pièce à pièce déconstruit le jour.
Ligne floue, l’œil ânonne son alphabet, mot à mot de l’hiver et pièce à pièce construit le silence.
Le silence est tel le vent bousculant la cage des yeux. À l’œuvre sous
les paupières, par le sel et l’eau, il recrée le monde. Tempête aux
regards, le réel n’a plus terre. Tempête, la barque du jour oscille.
Sans attache, légèreté d’être silence, une brise infime rejoignant hors
le temps la mémoire du monde : ses œuvres vives où se rêvent chaque
arbre, chaque herbe, tous les souffles à naître.
Lente hésitation du rien, ce vide à l’écoute de l’heure : crépuscule de l’œil avant même toutes fins, toutes naissances de lumière.
Rien en espérance qui prend au monde l’ombre : des nuages, des arbres, des chairs ; qui prend et qui restitue à l’âme le goût de dire.
Hier, banal perchoir, aujourd’hui, bouquet d’ailes, deux visages d’un même arbre. De lui à nous, sa voix, toujours. Entre lui et nous, la surdité des jours. Arbre connu, ami oublié.
Prémices aux regards : la lumière raconte et passant l’huis de nos corps, tombent les bâillons.
L’œil essuie le grain du monde et, dans l’encrier des paupières, pleure son limon d’images. Eau et sable, sel et chair sont les encres du temps ; écrire avec pour être entendu jusque dans nos silences.
Silences à dire, histoires tues, volatils prémices surpris dans l’alchimie des feuilles, frisson de l’instant.
Avant tout poème, une image dérobée aux chemins. Fragile, elle donne le mot. Début du voyage, à je-perdu l’incertitude. Sans fin se renouvellent les pas.
Temps déroulé, vie en suspens, s’ouvre la fenêtre monde. Quiétude de l’œil, écoute du corps, ne plus seulement voir mais sentir de tout son être.
Lumière sur l’heure vacante, une écriture du rien sinue aux marges ; prémices des horizons de l’œil où le vide fait sens.
Herbier d’ombres, des heures choisies : cahier buissonnier du jour et du soir. Cahier aux pages pleines du temps où la vie dépose : limons d’absence, voies du vide et le silence en vérité.
D’eux tous en bouquet naît l’ombre compagne de l’heure, mesure du jour, cette part de nous-mêmes.
Il faudrait trier, effeuiller, mettre à nu les pages. Resterait alors, l’ombre portant l’empreinte du cahier. Il faudrait polir l’empreinte, la nourrir, l’amender. Resterait l’ombre sans tain, vierge de nous.
L’ombre en signet, une pliure au coin du temps, herbier remarquable de nos heures.
Le matin verse aux vertes cimes. La forêt prend visage. Coiffe d’Iroise, chevelure d’algues, glauque est sa robe. La brume murmure blanche de nuit. Le feuillage brille de mille écumes.
Sur l’ailleurs, trouble réel, le poème porte visage.
Une lune en bouton perle sur la nuit. Telle l’aube, elle éclos pâle de senteur. Le silence est plein du déchirement des bourgeons qui éclatent mûris d’astres. Le vin doux de la vie court sous l’écorce et l’arbre étourdi de sève rêve à ses fruits
Nuit d’odeurs, la floraison soupire.
Le verger appelle. La forêt espère.
Aux branches de l’ombre le poème mûrit.
Des mots tels des fruits, une récolte à dire et au-delà, la voix, son visage, sa musique : champ du vrai.
Souffle irradiant le vide, vibrations des lèvres sur l’espace, la voix, ses prémices balbutiants : enfance du Mot pour être toujours en lumière et silence.
Jachère de l’instant, à l’aveugle prendre le chemin. De bleu ou de pluie coiffer son ciel, de goudron ou de terre revêtir sa peau. Être en lui comme il est en nous. Être son voyage comme il est le notre.
Plénitude du rien, le chemin marche en nous et pas à pas donne son ailleurs
Incendiés,
Les miroirs peuplés ne sont plus des refuges et fléchissent sous les visages.
Incendiés,
Les miroirs moqueurs volent plus qu’ils ne donnent et ternissent sous l’inassouvi.
Incendiés,
Les miroirs bavards content jusqu’à l’oubli et s’aveuglent sous l’attente.
Dans les regards absents,
Aux corps défiant,
L’incendie.
Il pleut.
Le matin a des larmes,
Des larmes comme un vin ;
Une pluie de corps incendié.
Il pleut à ma peau où le matin crépite d’un sanglot.
L’averse lave,
L’averse emporte,
Jusqu’au souvenir du matin.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...