Vouloir faire l’éloge du père
une étrange idée que j’ai eue là.
Comment faire l’éloge
de ce qu’on ignore ?
Je ne le connais pas ce père
qui m’aurait ouvert les bras
pour que petite je m’y blottisse,
celui dont la maturité insolente
aurait intimidé mes amours
d’adolescente
celui dont j’aurais bravé l’autorité
sans pour autant cesser de l’admirer.
Je ne connais rien de ce père
si ce n’est le visage d’un jeune homme
qui sourit sur une photographie
heureux d’avoir donné la vie
et qui ignore qu’elle lui sera
bientôt ravie
Face à l’absence, au vide sans fin
qu’aucun souvenir ne peut combler,
mes rêves ont façonné
un père à ma mesure
un héros sans reproche
qui mérite mon éloge
le seul que je connaisse
et que la mort ne m’a pas volé.
De quoi avais-je donc peur ?
De quelles trahisons,
de quels abandons
ne me suis-je pas remise
au point de fuir
les instants de bonheurs
que la vie voulait m’offrir.
Un ou deux échecs,
une trahison, suffisent parfois
à nous faire renoncer à l’amour.
Alors on reste seul
pour continuer la route
avec dans ses bagages
quelques sombres souvenirs…
Ce petit copain de vacances
qu’enfant, on retrouvait chaque été
avec tant d’impatience
jusqu’à l’arrivée de l’autre.
Plus tard, cette autre encore
qui brisa des fiançailles,
à dire vrai, déjà bien fragiles.
Et puis nos propres choix
parfois dévastateurs,
comme renoncer à la tendresse
pour d’improbables
et flamboyantes conquêtes.
Et le temps passe
avec son quotidien de solitude.
Peut-être est-on responsable
Comment ne pas s'interroger ?
Tu es rentré si tard dans la nuit
que je me suis endormie en t’attendant.
Dans un demi-sommeil,
j’ai cru sentir ta déception
en éteignant la lampe,
en repliant le livre.
Ne m’en veux pas
de ce retour sans étreinte,
de nos retrouvailles manquées.
Réjouis toi au contraire
que ma confiance l’ait emporté
sur mes craintes.
Vois-tu, en m’endormant,
je t’ai donné ma plus belle preuve d’amour.
Ce soir, ne rentre pas trop tard,
mon amour.
Sait-on jamais ?
Le sommeil, c’est capricieux…
comme l’amour
Devenir artiste ou écrivain
un rêve né dès l’enfance
et qui m’a longtemps accompagnée.
Il m’arrive encore parfois de sentir
le battement furtif de son aile frôler ma joue.
Mais il ne fait que passer.
Maintenant que le temps
est censé m’appartenir
j’ai le droit de m’amuser.
Alors je joue la comédie ou la tragédie
pour le seul plaisir de partager l’instant
avec ces quelques-uns dont les rêves sans âge savent
nous réunir.
Et puis aux heures creuses du jour
je prends le stylo ou le clavier
comme en prenant la plume
et j’écris.
J’écris des poèmes
pour composer une musique de mots
comme d’autres se mettent au piano.
Le devenir n’ayant plus d’intérêt
seuls comptent l’immédiateté,
l’éclosion de l’idée
le résultat du geste
la seule vraie possibilité d’être, enfin.
Gérard BEAULIEU « La FEMME portant l’homme qui porte le monde »
L’enfer, ce n’est pas les autres…
L’enfer, c’est être seul
condamné à l’absence de regards
derrière des paupières closes.
C’est la parole qui se perd dans écho
dans le silence étouffant du moi.
C’est l’errance quotidienne du geste
qui cherche en vain son but.
Les autres,
c’est la promesse d’une éclaircie
sous un ciel de pluie,
un air qui devient plus doux
sous la chaleur d’un regard.
C’est l’éclosion d’un sourire
que l’on cueille au bord du chemin.
C’est le dialogue aux paroles gourmandes
que l’on échange au festin des rencontres.
Les autres, ce n’est pas non plus le paradis,
non, juste de petits bonheurs au quotidien,
des îles inattendues
s’offrant au navigateur solitaire…
Le pire de l’ennui
est certainement la honte qu’il suscite.
La vie serait par nature
riche d’innombrables bonheurs et malheurs.
On ne cesse de le proclamer.
Honte à celui
qui prétend souffrir d’ennui…
Il se verra, tel le lépreux,
banni du monde des vivants.
Mais soyons honnêtes,
qui n’a pas connu,
parfois dès son enfance,
l’étirement douloureux et infini du temps ?
Et de se demander soudain
pourquoi ici, pour quoi faire ?
Pour l’oeuvre à accomplir,
pour l’amour donné et reçu,
pour les enfants, à naître… ?
Pas toujours facile d’échapper
à la sournoise attraction du vide.
De quoi est-on alors coupable,
si ce n’est de s’être trop penché
à la fenêtre de la vie
au risque de tomber…
dans le vide.
Je ne peux plus dire Maman
et personne ne pourra jamais me le dire.
Je n’ai jamais dit Papa.
Je n’ai jamais dit mon mari.
On ne m’a jamais dit Mami.
Ajouté à cela, ni frère ni soeur
Pas étonnant que je sois un peu perdue
au milieu du temps comme au milieu du désert
sans repère.
Quelqu’un n’a-t-il pas écrit
« Famille je vous hais ? »
Au temps où j’en avais encore une
j’ignorais qu’on puisse la haïr avec bonheur !
Je ne suis pas vraiment une pauvre orpheline
seulement la dernière feuille
d’un arbre en automne…
Heureusement il y a la parole des autres
une brise douce et tiède qui me réconforte
en attendant que le vent m’emporte
à la rencontre de mes rêves
Bruit lancinant
mouvements presque hypnotiques,
les essuie-glaces sur le pare-brise
lustrent l’onyx de la nuit
où scintillent les lumières de la ville
Pourquoi ce souvenir ?
Un banal retour à la maison
un soir d’hiver,
ma mère au volant
joyeuse, vivante
et moi toute jeune mais triste
Pourquoi ?
Le saurai-je jamais ?
Dans tous les albums de souvenirs
il y a de ces images
dont on a perdu le sens.
Pourtant même muettes
elles nous hantent, nous questionnent
comme ma tristesse
si soigneusement cachée
au plus profond de ma vie.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...