! PRÉCAUTION ORATOIRE :
aucune considération politique dans mon texte de 2019 !
PROPRIÉTÉ PRIVÉE : matérielle ET intellectuelle
Une question m’est revenue, celle du « partage » littéraire.
L’usage benoît de ce mot a le don d’éveiller ma méfiance.
Et quand ma méfiance est éveillée, ce n’est jamais à tort, en tout cas c’est souvent à raison.
N’est-il pas hypocrite et facile de décréter que des écrits dont certain(e)s font plus que s’inspirer sont gracieusement offerts et partagés par leur auteur ?!
Si l’on me vole un bijou (c’est un exemple, car je n’en porte pas), le voleur ou la voleuse pourraient ainsi dire que je l’ai partagé ! Ils peuvent alors arborer fièrement le bijou et en être félicité(e)s.
C’est un communisme (une mise en commun) intellectuel qui envoie les plagié(e)s au goulag de la non reconnaissance.
Et des chœurs, tout aussi benoîts, ânonnent la bouche en cul de poule une litanie à la gloire de ce n’importe quoi.
Et, du temps de Rimbaud, aurait-il été possible ou seulement imaginable de donner « Le Bateau ivre » comme plus que modèle ?
Arthur aurait pris son épée pour pourfendre cet enfer pavé de benoîtes intentions.
Autre chose, des thèmes proposés à des auteurs dans le cadre d’une revue. Mais je pense que mon propos est clair. Que ceux qui ont des oreilles entendent.
Ce matin de janvier 2024, recherchant un souvenir de l’enfance de ma fille à propos de son enthousiasme pour les films de Zorro, je retrouve un ancien fichier, oublié.
J’ai donc, dans la fenêtre Finder, tapé Zorro sur la case illustrée par une loupe. Le fichier ouvert, même recherche en tapant le mot-repère. Le souvenir est apparu.
La curiosité me prend de parcourir tout ce long fichier qui relève à la fois du journal et du mélange de choses intéressantes que j’avais écrites en des genres différents.
Et me voici mesurant combien il est vain de vouloir ENFERMER dans tel ou tel genre, dans telle ou telle forme, la matière subtile de son âme.
Je retrouve des passages que j’avais reproduits ailleurs. Ils y avaient bien leur place, dans la mesure où je compose justement, et de façon moins planifiée qu’intuitive : ma logique interne ou ma rime intrinsèque*.
Je retrouve aussi des pages que j’avais laissées inédites, et ces inédits me pèsent soudain.
Ces pages mûries et méditées, je veux maintenant les extraire de mon oubli pour les hisser à ma conscience.
J’ai tant d’écrits qu’il me faut parfois un hasard pour tout retrouver, hasard qui a donc été cette fois ma recherche d’un souvenir de l’enfance de Véronique.
Je me rappelle une autre de mes recherches pour laquelle aucun mot-repère ne m’était revenu. Je gardais seulement en mémoire la précision nuancée de ma description, mais j’avais oublié ce que je décrivais, or c’est cela que je recherchais ! Non pas un fait, mais une atmosphère, comme dans certains rêves nocturnes… ou musicaux…
Présentement, dans mon long fichier oublié, je retrouve surtout, avec émotion, des souvenirs que ma mère me confia après la mort de mon père…
Souvenirs que j’avais notés en 2006, en 2009, en 2010 et au début 2011.
Auparavant, en 2002, j’avais écrit un récit autour de la mort de mon père, et d’autres livres.
13 février 24, je titre mon rassemblement de souvenirs : Un passé multiple.
Rassemblement recueillant intemporellement des bribes plus ou moins longues.
Mais ces bribes font partie de pages écrites en continu.
Ce recueil ne se veut donc pas une somme !
Il assemble modestement des moments qui ont marqué ma vie.
* La rime intrinsèque est une des dix collections de M o n é v e i L.
UN PASSÉ MULTIPLE fait partie de la Collection P a s s a g e.
Un poème de mon adolescence. Publié avec d’autres d’alors au « Non-Dit » en 1994, soit 31 ans après, dans mon recueil Feuilles mortes glissant dans l’eau claire.
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L’intérieur ressemblait de moins en moins à celui d’une maison. Ça devenait une espèce de grotte aux multiples galeries, elle s’y enfonçait donc sans appréhension et avec détermination.
Son avancée lui soufflait : Tu te cherches une histoire ! Non pas : des histoires, mais : une histoire.
Elle en était consciente, et se répondait : Je suis moins le fil d’une histoire que celui d’une musique, comme à un opéra dont les paroles indistinctes parlent moins que les notes.
Où allait-il donc, cet homme pressé et tant désiré ?
Lui aussi poursuivait quelque chose, à défaut de quelqu’un ou quelqu’une.
Invariablement ce quelque chose se nommait :
Solution !
Quel problème qui le préoccupât, il en cherchait :
La solution !
Tandis qu’elle courait après les problèmes.
Elle se sentait question, elle le sentait réponse.
Il était donc assez logique qu’elle lui courût après. Comme il était cohérent qu’il harcelât ce qui lui échappait, à savoir : La-So-lu-tion !
Mais, à la femme, cette tension de l’homme paraissait fuite. Pourquoi me fuit-il ? se morfondait-elle.
La solution qu’il cherchait présentement était celle de mettre en bouteille le soleil, afin qu’il éclairât partout et toujours. En quelque sorte, il voulait faire provision d’énergie pour le cas où la solaire viendrait à s’épuiser.
À ce stade de mon récit, l’on peut se demander qui se trouvait en bouteille : l’astre ou la recluse.
2008. Extrait de mon roman : LE FRUIT D’ÉDEN…
Publié en 2009 à mes Autoéditions M o n é v e i L.
Le début de mon roman en question a été reproduit sur Couleurs Poésies 2 le 08/10/2022.
Le présent extrait se situe un peu plus loin, soit à la page 14 de mon livre.
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RESTER SOI-MÊME !
Une interview écrite parue dans la regrettée revue « Remue-Méninges » en décembre 2003.
Salvatore Gucciardo : Tu conjugues admirablement l'écriture et la peinture. Comment expliques-tu cette effervescence créatrice ?
Monique Thomassettie : La réponse se situe peut-être dans les astres... Mon thème astrologique révèle deux trigones. Ceux-ci expliquent-ils mes deux arts ? Ce qui est certain, c'est qu'un impérieux besoin d'expression m'anime, et cela depuis mon enfance. Ma peinture et mon écriture sont des formes différentes d'une même aspiration, d'une même tension, d'un même désir spirituel et gourmand (« le bon goût ») de découvrir, de recréer ou de créer un sens, une harmonie, un équilibre qui me comblent. Qui me comblent dans la mesure où ma forme (peinte ou écrite) est artistique.
S. G. : Ta démarche a une structure insolite. On est subjugué par ta vision. De quel courant artistique te réclames-tu ?
M. T. : Je ne me réclame d'aucun courant : j'aime tout ce qui est artistique ! Des écrivains, comme des peintres, très différents me parlent et me touchent, à des niveaux divers. Nous sommes multiples et ouverts. Ma vision... Je vois en moi, je lis en moi. C'est une introspection où l'acquis et l'inné se mêlent. Introspection où je me dépasse, où je rencontre l'univers et ce que l'on nomme « inconscient collectif ». En Soi.
S. G. : Quels sont les poètes et les peintres qui te sont sensibles ?
M. T. : Étant sensible, c'est-à-dire réceptive, aux génies, je pourrais en citer beaucoup. Différents artistes (peintres et poètes sont ARTistes) m'ont parlé et aidée, et continuent de le faire, à différents vécus de mon cheminement. Plutôt que des noms, je devrais présenter les œuvres qui me réconfortent et m'émeuvent. Elles me reviennent parfois dans mes écrits, non comme références ou points de départ de ma créativité, mais soit comme réponses à mes désarrois, soit comme confirmation de ma propre intuition.
S. G. : Liberté et épanouissement sont les maîtres mots de l'art contemporain. Y a-t-il une dérive dans la noblesse créative ?
M. T. : Trop d'« épanouissement » peut aboutir à un relâchement qui demanderait une forme pour le contenir. Forme. Et composition : la dispersion, les débordements, la démesure demandent aussi d'être composés. La liberté créative devient noblesse dans la rigueur, l'authenticité, l'autocritique inlassable. Si c'est un jeu exaltant, c'est aussi un travail qui fatigue.
S. G. : L'art est une fonction décorative, ou salutaire ?
M. T. : Pour Oscar Wilde, l'art est « tout à fait inutile ». Pour Yehudi Menuhin, l'art est « espoir pour l'humanité ». Pour moi, l'art est foi en la création, il est création, et amour. La décoration ? Je préfère choisir la couleur de mon salon en fonction d'un tableau, plutôt que l'inverse. Néanmoins, je confesse avoir un jour peint une grande toile (170 cm x 150 cm) dans les tons de mon intérieur : une commande passée à moi-même dont je me suis félicitée ! Le titre de ce tableau : Repos.
S. G. : Quel est le rôle de l'artiste dans notre société de consommation ?
M. T. : Rester soi-même. Dire « je » face aux modes et aux engouements.
S. G. : La femme est devenue une force créative qui s'exprime à l'égal de l'homme. Comment perçois-tu ces deux sensibilités ?
M. T. : Je répondrai par le concept d'androgyne... Je puis parler de moi au masculin comme au féminin, car la créativité n'est ni masculine ni féminine. Elle relève d'une Totalité. La différence se situerait dans la qualité de l'aspiration à cette totalité : « féminine » ou « masculine », ou ceci ou cela. Ici, l'on serait dans les genres, et plus particulièrement dans les styles. Les sujets étant secondaires : ce n'est pas le sujet qui fait l'œuvre d'art, c'est la manière de le présenter. Et la manière reflète moins le sexe de l'artiste que son caractère ou son tempérament, que sa personnalité profonde, que la sublimation sans laquelle l'artiste ne serait pas artiste.
S. G. : La société a perdu le sens des valeurs humaines et spirituelles, elle cherche une nouvelle raison de vivre, quelle est la raison de sa crise ?
M. T. : Est-elle vraiment en crise ? Ou en mutation ?
S. G. : Ton écriture et ta peinture sont-elles une même expression, un complément, ou deux langages différents ?
M. T. : Exprimant le même univers, ma peinture et mon écriture inévitablement se rejoignent. Elles sont donc une même expression. S'il m'est arrivé et s'il m'arrive encore parfois d'écrire à partir d'un de mes tableaux, ce n'est pas pour le « compléter », c'est pour formuler ce que je vivais en le peignant. Je me laisse aller à ces confidences lorsqu'elles ont une place précise dans le cours de mes écrits qui me les rappellent soudain. Oui, ma peinture et mon écriture sont une : c'est moi ! Je suis peintre dans mon écriture. Je suis écrivain dans ma peinture.
S. G. : Dans une société en pleine mutation, quel est le devenir de l'art ?
M. T. : Les âges d'or et les décadences ont toujours existé. Allons-nous vers un âge d'or ou vers une décadence ? La Nature résoudra-t-elle ce problème Culturel ? Dans tous les cas, l'âme de l'art, ce qui l'anime, demeurera.
S. G. : Te sens-tu plus proche d'un Fernand Khnopff ou d'une Leonor Fini ? De Marcel Proust ou de William Blake ? De Valentine Hugo ou de Marguerite Yourcenar ? De Rabindranath Tagore ou d'Octavio Paz ?
M. T. : Marcel Proust ! Sa lecture me fut révélation ! Je le découvris à 23, 24 ans, et le relus plus tard. Il reste mon maître en écriture, et mon maître à sentir. De William Blake, j'ai lu une dizaine de poèmes. Je me rappelle leur riche tréfonds. Et la reproduction d'un dessin, vue il y a très longtemps : Dieu et Diable y étaient les deux aspects d'un même être. La seule image de cette dualité valait pour moi des volumes de philosophie. (Il est beaucoup de dualités). En ce sens, Blake m'est resté, en partie, un maître à penser.
J'admire le métier, la révolte et l'atmosphère de Leonor Fini. Je vibre à la touche picturale, ineffable et noyée de Fernand Khnopff. Je me souviens d'un intérieur, une cheminée, exposé à Bruxelles face à une autre cheminée de James Ensor. Je les aimais toutes les deux. J'avoue, non sans honte, mes lacunes : je ne connais pas Valentine Hugo et je n'ai pas lu Octavio Paz. De Tagore, j'ai lu, voici plus de vingt ans, deux pièces de théâtre. Et de M. Yourcenar, quelques poèmes, des réponses à une interview et les merveilleuses « Nouvelles orientales ».
S. G. : Es-tu Thérèse D'Avila ou Simone de Beauvoir ?
M. T. : Ni l'une ni l'autre. Ou les deux à la fois ! (L'une n'empêche pas l'autre). C'est-à-dire femme mystique et femme devant se situer à côté de son Sartre de compagnon. Dualité !
S. G. : Si Monique Thomassettie devait choisir la plume ou le pinceau, quel serait son choix ?
M. T. : Depuis des années, mon énergie créatrice passe dans ma seule écriture, quelques dessins mis à part qui sont d'ailleurs, comme le disait déjà Cocteau, des écrits. En 1994, je chantais :
La matière m'habite
Plume et pinceau croisent leur fer
pour imposer la forme
à mes dociles doigts
La plume m'a ravie
En son intarissable vol
elle m'emporte
Lettre parue en été 2003 dans la regrettée revue « Remue-Méninges » à propos du beau livre* consacré à la peinture de Salvatore, analysée par Anita Nardon.
* « Traces de l’art », Éditions Art in Belgium, 2002.
Le 29 janvier 2003
Cher Salvatore,
À peine sortie de mes visions, de mes intérieurs et extérieurs voyages (il y a un an, je me trouvais en Inde du Sud), me voici invitée à celles, à ceux de ton livre !
Je ne puis y entrer qu’avec mon propre regard, ma propre entente. D’éminent(e)s critiques ont analysé ta peinture. Aussi, est-ce en tant que seule peintre et seule poète que je la contemplerai.
Hier soir, quand tu m’as téléphoné pour une autre invitation, celle de t’envoyer quelques dessins et poèmes pour « Remue-Méninges », je venais de vivre un épisode poétique, de ceux qui créent des légendes.
Sur le plus grand des deux tablas indiens (achetés en Inde du Nord en 1978) décorant un coin de ma demeure, j’avais pianoté, puis tambouriné avec cette colère qui est l’autre versant de mon énergie.
Aussitôt, le vent au-dehors se leva. Un orage éclata.
Ces coïncidences me remplissent toujours d’un immense bonheur.
Quelle ne fut ma surprise de voir ensuite tomber la neige ! Des éléments du ciel se mêlaient. Le vent, le tonnerre, la neige : l’air, le feu, l’eau. Tous trois dans des états extrêmes.
De ma fenêtre, je voyais avec ravissement le sol blanc tandis que la foudre se canalisait dans quelque paratonnerre. Et ma colère, et mon énergie extrême, étaient au ciel ! C’est le cas de le dire.
Alors, tu me téléphonas. Je repris ton livre aux beaux tableaux dont les ciels aussi mêlent différents éléments. Je passai la soirée à le redécouvrir, c’est-à-dire à le mieux découvrir.
• « La spirale de la vie »...
Dans le conte (La Source d'Incandescence, 2002 Bruxelles et Inde du Sud) que je viens d’écrire, encore inédit, un taureau, terrienne monture de Shiva, s’envole. Dans ta vision, la corne est d’or ; son or, d’abord de la Terre, devient solaire en s’effilant. Un croissant de soleil !
À l’image de ton nom – Salvatore –, ce croissant sauve. Il semble sauver la ronde harmonie de notre planète. Il la sauve, la contient, la maintient hors des crevasses et des abruptes chutes, telle une main émergeant encore de marais enliseurs qui voudrait sauver une étincelle de vie. Dans ta sphère, cette étincelle est le soleil. Combien, cher Ami, je suis sensible à ces images, étant sans cesse animée, habitée, par de pareilles ! Cette étincelle, ce feu, est d’ailleurs le départ de mon dernier conte. Que l’on me pardonne de parler à nouveau de moi, mais c’est dans le cadre d’un dialogue de visions.
Ta spirale qui est spire, est-elle involution ou évolution ? Elle me semble repli méditatif en un monde qui s’effrite, se fissure, se brise. La bonne Terre, symbolisée par l’animal le plus terrien : le taureau, est enlisée dans une destruction, un écroulement. Une seule corne en émerge qui peut-être deviendra cosmique. Si tu as voulu cette corne de bélier, on peut espérer un bond, un saut par-dessus les abîmes.
Dans mon conte, j’ai doté d’ailes l’animal.
Mais la Terre, chez Gucciardo, est massive et opiniâtre, elle a d’autres moyens, d’autres envols.
• Dans « La destinée humaine », un Ange féminin apparaît, discrètement, qui désigne du doigt une voie hors cadre, tandis qu’un musclé humain montre le centre du tableau, un couple au pied duquel est assis un serpent apprivoisé – et ailé !
Cette « destinée » place résolument l’Humain au milieu, sa rédemption est dans le couple. Dans l’androgyne, peut-être, car trône au-dessus, telle une divinité, presque une idole, un homme au visage de femme.
• Le nuage compact du « Jugement dernier » est-il vraiment tragique ? Il semble plus contenu qu’atomiquement explosif... Ne sortirait-il pas du cerveau de l’accusé, de celui montré du doigt par le représentant d’une foule dans l’ensemble plus passive qu’effrayée ? Assis comme le « Penseur » de Rodin, le désigné n’est-il pas incompris des gens agglutinés de part et d’autre de lui ?
Bordé par tout ce monde, un chemin relie le solitaire à la perspective de sa création : à un jugement ?
Les solitaires et créatifs artistes sont-ils jugés dans leur vision ? Dans leur pensée ?
De quelle sorte d’explosion sont-ils accusés ?
Salvatore, je ne connais pas les dates de tes tableaux. Mais, même si « Le jugement dernier » est postérieur à la « Traversée flamboyante », l’accusé du premier pourrait être l’homme rivé de la seconde. Rivé à sa planète, en formant un croissant, gravitant sans errance au-dessus d’un paysage doux et suave qui, telle une rose, comporte quelques épines, des tours ou collines acérées. L’homme aux mains absentes fut-il ainsi condamné ?
Dans cette éventuelle condamnation, est-il aussi heureux que celui ou celle enfermé(e), protégé(e), dans la translucide sphère de « La joie sacrée » ? Sans doute, car sage et serein est le profil de son visage. Si la métallisation de son corps est un vestige de la robotisation d’une ancienne période de Gucciardo, elle l’a coulé en sculpture, dans un alliage de terre et de feu.
Voici, cher Salvatore, quelques étapes dans le voyage que je viens de faire au sein de ton livre.
Lorsque, naguère, tu me fis découvrir de tes tableaux, je restai abasourdie devant nos affinités cosmiquement visionnaires.
Mon conte La Source d'Incandescence, écrit en 2002, est paru en 2004 aux regrettées Éditions de la Page. Il vient d’être réédité aux Éditions M.E.O., en 2022.
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La scène est soudain balayée de lumières de couleurs agressives, fluo. Durant ces flashes, par l'autre côté des coulisses arrive Dogre. Il s'assied au bout du banc et se met à jouer sur un harmonica. Arrive le père, d'un pas lourd. Il s'affale à côté de Dogre, se couche, recroquevillé, et tourné vers le public ; il ferme les yeux. Entre Aimée par l'autre côté des coulisses. Elle tient un carnet de croquis. Les flashes s'arrêtent.
Aimée :
Je vais dessiner les mendiants de la ville. Ils retrouveront leur dignité. (À Dogre :) Voulez-vous poser pour moi ?
Dogre(Il arrête de jouer, baisse son harmonica, rigole) :
Entre artistes, il faut s'entraider !
Aimée : Continuez de jouer... Restez naturel...
Dogre place l'harmonica devant sa bouche, mais ne joue pas. Il pose. Le père ouvre un œil.
Le père(D'une voix lasse qui se veut ironique) :
Naturel ? Naturelle misère ? Pas contagieuse au bout de ton crayon, fillette !
Le père se tourne vers les maisons, se rendort. Aimée a soudain l'air abattu, mais Dogre cligne comiquement les yeux, lui fait un signe de tête approbateur et joue sa musique. Aimée, encouragée, le dessine avec zèle. Elle a terminé.
Aimée : Merci !
Dogre : C'est moi qui vous dis merci !
Aimée sourit, lui glisse discrètement quelque chose dans la main, et quitte la scène par les coulisses. Le père s'assied lourdement.
Le père(À Dogre) :
À votre place, j'aurais refusé. Profiter de notre misère !
Dogre : J'ai donné et j'ai reçu !
Dogre se lève, quitte la scène par les coulisses.
Le père : Reçu ? Donné ?
Intrigué, il quitte la scène à son tour. De l'autre côté des coulisses, arrive la mère.
Parfois, le soir avant de fermer mes volets, je me dis que chaque être derrière sa fenêtre éclairée est ami parce que je le considère comme tel. La ville alors me devient plus accessible, et ma solitude abolie grâce à ce sentiment, cet élan contemplatif, ce désir communiant.
Mais ceux qui n'ont pas de fenêtre derrière laquelle se réchauffer ?
Il me revient ici l'errance d'une vieille femme croisée un hiver dans la rue, il y a longtemps. Elle était terriblement voûtée et seule, avait l'air perdue. Avait-elle conscience de son état ? Elle s'arrêtait devant les fenêtres illuminées des bistrots, y plongeait son regard comme pour chauffer son pauvre cœur. Je n'avais pas écouté le mien qui me disait de l'inviter dans un des cafés devant une boisson réconfortante, tant ce soir-là je me sentais moi aussi abandonnée et tant je craignais de me reconnaître dans son image.
Aujourd'hui, la regardant dans ma mémoire, je reconnais ma solitude. Mais avec quelques nuances. S'il est des remèdes à la solitude sociale, la solitude artiste est incurable car elle est condition créative même au sein de la plus généreuse reconnaissance. Et, surtout, en ce qui me concerne, condition prophétique, laquelle reste, je le crains, incomprise.
1999. Extrait de mon roman LA PORTÉE D’EXIL (page 46)
(Éditions LUX 2001)
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...