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27 septembre 2024 5 27 /09 /septembre /2024 08:53

 

Voilà bien un élixir d’impertinence et de jouvence ! Et nous en avons bien besoin !
Le livre s’ouvre sur ces quelques mots de Boris Pasternak :

« Il siérait aux étoiles de rire aux éclats
Mais quel trou retiré que ce monde »

Et Jeanne Champel Grenier va pourtant s’employer avec brio et l’humour qu’on lui connaît, dans quarante-trois nouvelles aux univers très différents, à semer dans ce vide sidéral tendresse, rires, lucidité, chaleur et rébellion –sans jamais cesser d’interroger l’humain, sans jamais cesser de porter sur lui un regard d’ironie tendre.
On peut lire ainsi page 43, dans la nouvelle intitulée Doutons un peu :

«  Au commencement sur la terre, il n’y avait que des huches à pain, des huches à pain en pin, du nord au sud en passant par les Mistiches. Un beau jour, l’une d’entre elles dit :
-Et si on faisait un homme ? »
Et de conclure dans cette chute succulente comme une miche bien chaude :
« En résumé, si on regarde de plus près, le tout tendrait à prouver, même si l’exégèse est toujours par nature exagérée, que l’homme descendrait plus de la huche à pain que du singe ; ce qui expliquerait en partie le grand vide sidéral qui s’ouvre en lui lorsque son boulanger est fermé. »

Jeanne Champel Grenier enchante, célèbre et égratigne avec talent et générosité.

Une mention spéciale pour l’univers aussi beau qu’étriqué de la poésie avec un grand P, chasse gardée de quelques grands pontes autoproclamés et d’amis d’amis de ces mêmes pointures, dans la nouvelle La poésie : un lien indestructible, traité de tolérance et d’ouverture toute feinte qui se termine en pugilat. La poésie doit-elle vraiment être faite par tous ? Que nenni ! On comprend bien les intérêts à la maintenir dans ses cercles restreints !

Enfin, j’aimerais aussi mentionner (et le choix de l’une ou l’autre de ces nouvelles a été difficile) le délicieux dialogue tenu dans la chambre 310 d’un hôpital entre notre auteure et une patiente rebelle de quatre-vingt-dix-huit ans qui s’obstine à voir des cerisiers blancs dans la vallée de l’Eyrieux, là où s’étendent à perte de vue des pêchers roses. La mémé Vernet a fait le mur pour rejoindre son ancienne école, pour vivre encore. Et c’est la leçon que l’on retient entre toutes.
La vie est plus forte que tout.

Refermant ce livre plein d’ardeur et d’humour je pense à ces vers de René Char qui siéent si bien à Jeanne Champel Grenier :

«  la lucidité est la blessure la plus proche du soleil. »


Barbara Auzou

 

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19 août 2024 1 19 /08 /août /2024 06:51

Sculpture de Francine Hamelin

 


Vivre est autre chose
que des modulations de coma
et des démangeaisons de source
sur des chandails de laine
tu sais
et je te dirai mon enfance
lestée de flancs conciliants
d’un océan sonore
mon enfance encore à voir le fond
à en soulever les pierres
pour trouver l’or des merveilles
mon sens aigu de la traversée
mon dos d’écume ma bouche cousue
pour des raisons qui m’appartiennent
je te dirai aussi mon indiscipline première
née sur des croupes d’enchantement
solitaire et dépareillée comment
je me demande par quelle grâce
et à la faveur de quelles circonstances
tout cela tient aujourd’hui
à la proue d’un seul soleil

© Barbara Auzou.                  
Extrait du recueil « L’envolée mandarine » aux « éditions 5 sens »      

 

 

 

 

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9 juillet 2024 2 09 /07 /juillet /2024 06:49

 

ton rire m’a réveillée ce matin
il était ce soleil clandestin cerclé de vérités toutes neuves
qui se jouent des embûches de la lumière pour rendre
un supplément aux saisons
prendre ta main et aller donner à manger au vivant
m’a semblé soudain la plus haute des urgences

© Barbara Auzou

Extrait du nouveau recueil de Barbara Auzou « Grand comme » au éditions unicité.                                 
 

 

 

 

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26 mai 2024 7 26 /05 /mai /2024 07:10



tu l’as vu passer comme moi
ce nuage tout à l’heure
on aurait dit un visage qui feint d’être ailleurs
une géométrie jusqu’à l’éclatement
où s’agglomèrent à la fois l’impatience
et le mûrissement des choses
pourtant rien ne naîtra de son grand corps de cendres
je suis en dehors de lui maintenant

© Barbara Auzou
Extrait du nouveau recueil de Barbara Auzou « Grand comme » au éditions unicité.
                  
         
 
 
 

 


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21 février 2024 3 21 /02 /février /2024 08:02

Lac Matka - Macédoine Photo B. MUFFAT

 

as-tu remarqué que dans les rêves en plein ciel
on ne voit jamais le soleil son au revoir chaviré
son grand tambour endeuillé de réel
seulement une lumière plus vive qui n’appartient
plus déjà au bal masqué de la vie
et tout de moi-même remue d’envie
de ne pas être cette idole en retard
sur les brumes du lac lissant sa surface
de ses propres ailes
sa douceur jusqu’à l’excès à n’en paraître plus naturelle
une parole d’amour en chaque poème totalement se dévêt
suit donnée et nue le vol heurté des bartavelles

 

© Barbara Auzou.                

Extrait du recueil « Mais la danse du paysage » Barbara Auzou-5 Sens Editions Genève( Suisse)                
 
 

 

 

 

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22 décembre 2023 5 22 /12 /décembre /2023 08:01

Une île au ponant
 

à force de le caresser le temps devient soleil
même sous un vent breton tu sais
ma belle durée d’abeilles noires bourdonne
toujours dans les cavités de l’espoir en langues de fête
je te donnerai l’autre lenteur du monde celle qui naît
dans la main de mémoire et l’heure exacte aux matins des
fenêtres
je mettrai au jour ce que l’on ne comprend pas mais que
l’on rêve
les yeux ouverts une île au ponant les splendeurs sur ton
front
que la plaine ronde libère la chaux blanche de notre maison
des champs de céréales l’ajonc debout narguant le schiste
un phare
pour que tu te sentes mariée à une joie et une lumière
permises

 

© Barbara Auzou.                
Extrait du recueil « Mais la danse du paysage » @( Poèmes)-Barbara Auzou-5 Sens Editions Genève( Suisse)          
 
 
 

 

 

 

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7 novembre 2023 2 07 /11 /novembre /2023 07:54

Pétra - Jordanie

 

je te donne le grès rose de mes rêves caravaniers
prends aussi la peau-papier le parchemin
le poids des murs de toute une ville de vélin
je suis cet animal déchaussé qui écoute passer les épices
au loin
dans l’éternité sans cesse déroutée la terre se souvient
de ces yeux trop grands qui tournaient leur alphabet autour
d’un soleil
j’ajuste mes liens et je repose mes moissons dans la charrette
de tes yeux
y germe le mot muet sans autel autre que la pierre levée
le silence aussi a le droit à son temple de beauté

 

© Barbara Auzou.                

Extrait du recueil « Mais la danse du paysage » @( Poèmes)-Barbara Auzou-5 Sens Editions Genève( Suisse)        
 
 

 

 

 

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19 septembre 2023 2 19 /09 /septembre /2023 06:42

Sculpture de Francine Hamelin

 


malgré la perche effarée
sertie de dorures
que vous avez bien voulu me tendre
et son atroce caresse à rebours
je suis restée cette ouverture
intime plongée au plus profond de soi
je suis devenue ce que je vis
le rêve et le nid rééquilibrant l’amour
les papillons mystérieux de l’âme qui tournoient
ne connaissent pas les limites du corps
pas plus que les pensées aux abois
sur la hampe des morsures
et les calendriers incertains sont des bateaux
qui tirent sur leurs câbles jusqu’à la déchirure
j’ai la peau dure qui nuage dans l’aigle de l’œil
mille chevaux d’orgueil frappent mes vallées sans âge
mes oreilles sont sourdes au trop de bruit du monde
et mon cri d’humilité vous ne l’entendrez pas
il n’y a pas de plafond pas de fond
seulement cette solitude délectable de mûres
où s’étire le corps d’une femme
et la joyeuse altitude d’une enfance terrible
et calme qui croît
inlassable
dans la pierre
 

© Barbara Auzou.                  

Extrait du recueil « L’envolée mandarine » aux « éditions 5 sens »          

Source : https://lireditelle.wordpress.com/2021/08/08/la-reveuse-une-sculpture-de-francine-hamelin-accompagnee-de-mon-poeme-et-de-sa-mise-en-voix/  
 
 
 

 

 

 

 

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5 août 2023 6 05 /08 /août /2023 06:53

 


25 juin 2021

 

je t’écris comme tout ce qui coule de source se jette dans la mer
et dans le désordre d’un monde étrange et marchandé
je t’écris des choses rondes percées de traits solaires
la poésie est une parole d’échappée au plus près de soi
elle a cessé de faire semblant et elle s’expose nue au tremblant
de ce qui est
elle est la fleur absente de tout ravin
la fleur démente de tout bouquet
l’iris turbulent d’un ciel qui marche sur la terre
l’enfant guérie d’un coeur têtu sur un chemin qui demeure
invaincu
et moi je t’aime comme une invitation musicale vous prend la
main
pour vous envelopper l’âme d’un paysage orange
parce que s’élève au-dessus des fontaines ton rire d’eau sauvage
que dans la surenchère de clarté que suscitent tes yeux se
pressent
les dernières forêts ourlées de chaleur animale
et tout ce qu’il reste d’utopie tendre à caresser
je l’inventerai pour toi

 

© Barbara Auzou.                  

Extrait du recueil « Tout amour est épistolaire » aux « éditions Z4éditions »            
 
 
 

 

 

 

 

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23 juin 2023 5 23 /06 /juin /2023 06:47

 

Racines vagabondes / Jeanne Champel Grenier

France Libris 2023.

 

C’est un véritable manifeste pour la beauté et la tolérance que nous offre Jeanne Champel Grenier avec Racines vagabondes.

Le recueil s’ouvre sur ces mots d’une grande poétesse chez qui le thème de l’exil est tout aussi majeur : Andrée Chédid.

 

«  La poésie nous pousse à ruiner nos citadelles, à détruire l’enclos, à reconnaître que nous vivons d’un même cœur, mourrons d’une mort semblable.

Cette mort plus affranchie que nous qui sait que nous sommes fils d’un même exil. »

 

Et nous suivons Jeanne Champel Grenier dans chacun des lieux qui ont fait d’elle ce qu’elle est. Une femme dont la générosité sait si bien habiter le mot et la vie dans ce qu’elle a de plus charnel et pour qui la fraternité serait le nom d’une fleur des champs.

 

C’est l’Ardèche que la poétesse célèbre tout d’abord, son pays de cœur, son lieu de vie :

 

«  Je suis de ce pays entre Rhône et Ardèche qui accueille l’Ailleurs et qui tatoue la France sur la peau et le cœur de l’humble voyageur » p8.

 

Les pages 9, 10 et 11 nous plongent, comme un instant suspendu dans la vie quotidienne de nos ancêtres de la grotte Chauvet. Des scènes de vie tout à fait splendides s’y succèdent :

 

«  Les enfants barbouillés de myrtilles et de lait étaient allongés sous les fourrures et les peaux nouvelles. Au sein de cette odeur rassurante et familière de graisse rance, de miel sauvage et de lait caillé, ils dormaient. »

 

Il y a de Colette chez Jeanne Champel Grenier. (Elle est pour moi l’éternelle joie de vivre pieds nus dans les violettes.) Elle en a en commun l’amour et la parfaite connaissance de la nature qui l’entoure mais cette sororité se poursuit jusque dans les figures tutélaires, des femmes presque toujours qui hantent –mais devrais-je sans doute dire qui illuminent sa poésie.

Sa mère d’abord, « émigrée sans tambour ni trompettes du pays catalan » dont elle a hérité du sens de la danse

Puis sa grand-mère avec laquelle nous allons au bois, «  Nem el bosc », celle qui est :

 

« Partout et nulle part

Debout au four et au moulin »

Et nous dénouons avec Jeanne les racines vagabondes, les racines familiales qui nous mènent en Espagne majoritairement. Partout y résonnent le timbre et l’ambiance :

 

«  Un écrasant soleil de sang

Pèse de tout son poids de feu

Sur les grenades éclatées

Il faut à tâtons chercher l’ombre

Comme un aveugle sa pitance »

(Souvenirs de Burgos, p54)

 

Ou encore :

 

« Seul dans un corps en feu

Danse un cœur Carmen

Et son éventail qui vibre

Au filigrane orgueilleux

Du dangereux équilibre

Entre olé et Amen »

(Chaleur hispanique. P50)

 

 

 

Y plane aussi la lumière de chers amis disparus, magnifiques déracinés eux aussi, dont un magnifique hommage à l’ami poète Miloud Keddar, «  L’ami de l’infini, poète migrant, homme du désert touareg venu à pied en France en contournant la méditerranée » p81.

Et de nomades magnifiques, gitans, manouches, roms dont les beaux portraits tissent le beau et puissant réseau de l’humanité.

 

A noter que le recueil est illustré de six portraits peints par notre poétesse qui a reçu nombreux talents en héritage. C’est cela avoir un pays.

La poésie de Jeanne Champel Grenier est lumineuse, toujours animée de sentiments nobles et de lucidité. Elle est sourire et bienveillance posés sur le monde.

 

Refermant ce merveilleux recueil, j’ai eu envie de danser, me sentant de nulle part et de partout à la fois ;

Gratitude à Jeanne Champel Grenier.

© Barbara Auzou.                

 

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