avec leurs rites
de la pensée
les souvenirs barbares
rugissent en moi
d'inépuisables courbes
telles des blessures
ne cessant leur agonie
me voilà confronté
au vivre qui s’épuise
à cet appel trépignant
ses impatiences
aux indicibles aveux
quand chuinte encore
le va-et-vient du tourment
pour avoir donné le feu
Prométhée souffre l’aigle
qui lacère son ventre
et savoure ses entrailles
pour avoir trop aimé
le voici proie
de l’implacable loi
être la plaie furieuse
qui enfle, machinale
au souvenir du temps
façonner le gouffre
s’y couler, s’y noyer
une nuit dernière
en résines d’éternité
l’épaisseur du noir
monte et m’envahit
suis-je encore homme
au parapet des vertiges
ou châle que l’on jette
quand s’inscrivent
Grouillent et s’accumulent ses paroles, remplissant chaque silence, chaque parcelle d’espace. Dissertant sans cesse à propos de tout, mais essentiellement sur elles-mêmes. Comme pour se rassurer encore un peu davantage. Inépuisable caléidoscope du verbe qui s’effrite et se délite, pour finalement ne rien dire, ou si peu.
A ses persiennes tout juste entrouvertes, nos souvenirs de défroqués, une étreinte qui s’effiloche comme un drapeau usé par les vaines révérences du vent, deux-trois mouchoirs pendus sur une corde à l’italienne, une nuisette désormais inutile, quelques orgasmes, quelques serments, ses paradoxes devenus chauves-souris, bien des caresses que les heures ont momifiées, une poignée d’attentes, un encore trop futile, des silences, beaucoup de silences tels des miettes que même les étourneaux dédaignent, un tout dernier espoir évanoui, des ombres, beaucoup d’ombres sécrétées à la va-vite par un soleil en vadrouille, toute une vie : la mienne, la sienne, sur ce rebord de fenêtre à jamais desséché.
Au cadastre de la pluie, un escargot toutes
antennes déployées, consciencieusement étale ses
transparences.
Les salades semblent alignées pour l’inspec-
tion.
Parade ou défilé de mode ?
Seule la première semble l’élue, sur ces terres
vierges du potager.
Frileuse caresse : là, l’escargot et son désir
pour une feuille.
Juste pour elle, un baiser vernissé.
Pour elle seule : une toute petite morsure
d’amour.
Authentique aventure de l’esprit : la poésie
m’habite et me quitte : comme ma chienne,
elle s’enfuit, hume quelque herbe folle et
revient à pattes de mamours, tout museau
gorgé de senteurs, se câliner de moi…
Il s'est échappé. Oui, mon mot d'amour : échappé !
Je l'avais pourtant peaufiné, caressé, cajolé. Entre deux fièvres, il s'était blotti dans ma paume. Tel un chiot nouveau-né, il humait mes lignes de vie, devinant celle qu'il allait suivre, malgré quelques arborescences.
Dans le brouhaha de mes doigts qui pianotaient leurs phrases, il s'est fait la belle, clopinant sans doute vers quelques lettres que je n'ai pas écrites, sur un billet déchiré à la volée ou sur l'écran d'un portable jamais allumé.
Les mots d'amour sont des êtres bien étranges. Je crois que le mien n'avait pas encore les yeux ouverts...
Il était tout rose, potelé à souhait, trop bien nourri, sans doute. Aux mamelles du rêve où se concentrent les étoiles, les anneaux des planètes pour de vives fiançailles.
Un mot d'amour tout seul, perdu dans les jungles urbaines : ce n'est pas raisonnable. Si vous le trouvez, frigorifié au coin d'un square ou sous le linteau d'un porche, parlez-lui tout doucement. Racontez-lui mes paupières qui ne cessent de cligner à sa recherche, mes lèvres entrouvertes, mes bras en déshérence. Rassurez-le un peu, beaucoup, et surtout, surtout, passionnément. Dites-lui que les arborescences de ma paume ne sont que des dessins post-modernes commis par un gaillard qui se voulait artiste. Et qu'en fait, il n'y a qu'une seule ligne de vie à suivre...
Les mots d'amour sont des petites choses, susceptibles parfois. Le mien avait un domicile fixe, niché au creux de ma main.
En bocaux, nous avons mis quelques mots. Comme ces confitures à l'automne des récoltes. Fruits d'une attention pur sucre, de soins que seule une marmite enceinte peut donner à sa progéniture. Brûlure des mots, brûlures des baies. Oui, la précieuse mixture est là, si bouillonnante qu'elle s'avère presque dangereuse. Elle requiert tout à la fois respect et savoir-faire, doigté et zeste de folie olfactive. D'un coup, le branlebas de combat va précipiter le concentré d'amour dans un bataillon de verreries disparates, soudainement transformées en coffres à trésor.
Et le verbe de se cristalliser en phrases, les adjectifs de luire tels des grains précieux, les ponctuations de gonfler une fois dernière en bulles d'or. Ici et là se coagulent poèmes et proses en laves chatoyantes, images nées du feu et de l'ombre, senteurs langagières tout droit échappées d'un bedonnant dictionnaire, fumets régionaux et grands crus d'assonances, moutonnements de rimes en vadrouille et rougeoiements d'italiques comme autant de sucs au bord de chemins perdus.
Dompté par la flamme, voici le graal des mots, tel un concentré de saveurs. Comme si le jardin de la pensée voulait exprimer ses bouquets avant une très longue pause, celle d'une claie ou d'une bibliothèque. Avant l'ultime renaissance sur rétine ou sur papille en extase.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...