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21 septembre 2024 6 21 /09 /septembre /2024 06:59

La sortie d’un nouveau recueil de Claude Luezior est toujours une prime à la beauté poétique, un hymne d’amour pour la vie et l’humanité. Voici le premier poème de son nouveau recueil intitulé « L’itinéraire » publié chez Librairie - Galerie Racine à Paris


L’Inde
sous les paupières closes
d’un seul enfant

au panthéon de leurs dieux,
leurs rues sont miennes
en cette seule ferveur
où se côtoient d’infinis rituels :
amours, braises et épices

cet enfant de toutes les dynasties
futur maharaja, brahmane
ou intouchable, peut-être
sa mère le sait déjà
sur les marches des ghats

tourbillonnent sur son sari
transes pour d’obscures castes
et bûchers où crépitent
misères et blasphèmes

Shiva veille

le couple déambule
sur les arêtes d’un miracle

à l’unisson, des murmures
tentent de s’approprier
leur infinie tendresse

s’enchevêtrent çà et là
une trame de dévotions
rituels et taudis

l’architecture
descend infiniment
vers le fleuve des prodiges

rue, esplanade, escaliers
sont aussi miens
parce que je suis homme
en cet itinéraire de crémations
juste avant le cycle
des renaissances

enfant en bois de santal
mille fois sacré
sur le dos de maman

mon enfant
juste avant le Gange

 

©Claude Luezior


 
Extrait du nouveau recueil « L’itinéraire » aux éditions Librairie - Galerie Racine à Paris

 

 

 


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10 août 2024 6 10 /08 /août /2024 08:25

Ragnarök, recueil de Dana Shishmanian, 94 pages, éditions L’Harmattan, coll. Accent Tonique, avril 2024, Paris, ISBN : 978-2-336-45748-2

 

         Souffrance d’une poétesse face aux mondes d’injustices, de trahisons, d’indifférences, meurtres et conspirations. Voilà ce que suggère dans un premier temps ce brûlot.

         Dana  Shishmanian, que l’on connaît par ailleurs pour sa courtoisie et son ouverture d’esprit en son site littéraire Francopolis - Francosemailles, monte ici au créneau, fustige les crimes actuels et ceux de l’Histoire, se hérisse, scande sa prose à la verticale, implore Dieu et les dieux. On est dans un indicible Guernica, dans un Cri de Munch, dans un bouleversement des perspectives, des consciences et des cœurs. Comme le dit l’autrice, le poète (…) devient un apprenti chaman aspirant à la maîtrise des éléments et du vol par-dessus les nuages.

         C’est à coup de mots, de verbes endiablés, de mises à la ligne surprenantes, de rythmes, de répétitions voulues et dénudées de toute ponctuation, d’incandescences, d’images au goût de sang et de sueur que l’écrivaine exprime sa révolte envers tout système de pouvoir et de cruauté, qu’il soit communiste, capitaliste, théocratique ou même anarchiste. Elle va plus loin dans sa quête : je crois que le politiquement correct déconstruit l’humain et ronge les démocraties tel un ver empoisonné, ce dont les dictatures profitent pour faire de la tradition un nouveau dogme totalitaire.

         On est cependant loin d’une démonstration politique, sociologique ou philosophique. Ces mots sont ceux d’un pinceau jeté sur la toile, brûlants d’un feu tout à la fois intérieur, instinctif et profond.

         Dans la deuxième partie de ce livre, Shishmanian fait place à une écriture davantage onirique, évoquant Ragnarök, bataille finale dans la mythologie germanique et, en quelque sorte crépuscule des dieux. Ah, chaman, quand tu nous tiens !

         Qu’en est-il d’une solution, d’une issue pour notre triste humanité, peut-être ? Je crois que la beauté ne sauvera pas le monde mais, qu’alliée à la vérité, elle peut aider quelques âmes à se sauver du monde.

         Mais s’il lit attentivement cette jetée de braises jusqu’à la fin, le lecteur survivant trouvera, malgré tout, des signes d’espérance dans l’un des ultimes textes, Une larme d’amour :

 

Croire jusqu’à la trame

et jusqu’à la déchirure de la trame

et au-delà de la désolation et du désarroi (…)

sans point d’appui dans l’abîme

juste une larme vive toujours brûlante

luisant dans le noir – une larme d’amour

inextinguible

 

         Oui !


 
©Claude Luezior

      
 
 
 

 

 


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8 juillet 2024 1 08 /07 /juillet /2024 06:47


 

 

à l’échancrure
d’un destin
cette épitaphe


ci-gît
un poète
qui a risqué sa vie
pour nous (en)chanter

©Claude Luezior  

Extrait du recueil « Au démêloir des heures » éditions Librairie-Galerie Racine, Paris                         
 
 

 

 

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24 mai 2024 5 24 /05 /mai /2024 07:05


 

dans ma torpeur
souterraine
s’enchevêtrent
vouivres et succubes

ne plus être la proie
de cet inconscient
qui me transperce

de toutes mes forces
m’extraire
de cette gangue

à tout prix
réinventer
le soleil

ressusciter l’alliance
avec la Pâques
avec un dieu
en quelque sorte

©Claude Luezior  
Extrait du recueil « Au démêloir des heures » éditions Librairie-Galerie Racine, Paris                   
 
 
 

 

 

 

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7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 06:19

Au précaire du seuil, de Jean-Louis BERNARD, 43 pages, Cahiers du Loup bleu, éditions Les Lieux-Dits, Strasbourg, 4e trim. 2023,

ISBN : 978-2-493715-41-8

 

            Poésie très pure qui s’articule autour du silence et du temps, lequel s’allonge, s’étire, insaisissable, immatériel ou presque. Son gardien est un vigile guettant les ondulations de l’oubli.

                                        les marées font mémoire

                                        le passé n’a plus d’âge

                                        lors même que les heures

                                        s’obstinent

 

            À l’instar du titre, ce recueil s’inspire de transhumances, d’oracles, d’inabouti, de vertiges nomades, d’yeux vagabonds, d’innommé. Toujours, Jean-Louis BERNARD est aux antipodes des certitudes, des affirmations péremptoires.

 

            Seule une majuscule signale le début d’un poème qui coule telle une source et s’affranchit de toute ponctuation, laquelle est remplacée avec bonheur par la mise à la ligne et la mise en pages.

 

            Les vers sont en prise directe avec une nature plutôt lunaire faite d’épines, de brumes et de halliers…

 

                                        posée

                                        sur un embrun

                                        une mouette volage

                                        guette

                                        l’archaïque du vent

 

            Et l’écrivain de conclure cet opuscule lourd de sens, tout à la fois humblement et provisoirement sur son seuil précaire :

 

                                        mais l’encre

                                        trébuche sur les pages

 

                                        parole démembrée

                                        comment trouver le silence

                                        juste

 

         J’ai envie de dire que ces textes ne font qu’un dans une recherche cohérente, continue et en quelque sorte infinie de l’âme humaine et de la résonnance des mots. De plus, l’ensemble de l’œuvre chez Jean-Louis BERNARD constitue un remarquable et homogène continuum pour notre passion du verbe.
 

©Claude Luezior

      
 
 
 

 

 


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18 février 2024 7 18 /02 /février /2024 07:52

Adam et Ève chassés du Paradis terrestre * Auteur : Charles-Joseph Natoire (1700-1777) * Date : 1740 * Lieu : New York, Metropolitan Museum of Art Adam et Eve
 


La poésie est-elle oracle ou plain-champ de grands-prêtres, druides ou chamans ?

Leur parole cryptée, si vulnérable, serait-elle  délivrance d’un état second que nous portons tous en nous ?

Porteurs d’inachevé, en rupture avec leurs semblables, les poètes sont-ils ces êtres désignés qui tentent désespérément de traduire une langue rescapée du bannissement et que nous aurions  héritée d’un inconscient originel ?

 

©Claude Luezior  

Extrait du recueil « Au démêloir des heures » éditions Librairie-Galerie Racine, Paris                   
 

 

 

 

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 07:35

 

conte, illustrations de Sandrine Besnard, 83 pages, éditions Stellamaris, ISBN : 978-2-36868-833-5

 

 

 

            Délicieux ! Gérard Le Goff, qui est aussi à l’aise en prose qu’en poésie, nous propose ici un conte pour enfants qui ravit tout autant les adultes que nous sommes. Les dessins signés par Sandrine Besnard sont parfaits et suscitent à la fois fraîcheur et rêves.

Tout d’abord, les protagonistes, caractérisés par des patronymes savoureux : l’ogre Croquemouflet, le garçonnet Jean Jolicoeur et sa maman Alice, le copain Léandre Coquet, le chat Balthazar, l’instituteur Compas… Et puis, tout un Petit Peuple de nymphes, fées, elfes et autres personnages minuscules, étranges et truculents. Les lieux : le village de Saint-Anthelme, la forêt de Bételgueuse, les Hauts de Golconde, résidence de l’affreux géant. Le décor est planté. On se croirait un peu à Brocéliande (comme son nom l’indique, l’auteur est éminemment breton) !

            L’intrigue rappelle celle du boucher qui séquestre des enfants, les dépèce en son saloir et les dévore dans son antre au fond des bois. Le but, comme dans la légende de Saint Nicolas, est de les sauver et de vaincre l’affreux cannibale… S’organise une troupe hétéroclite à cet effet. Atmosphère type Clan des Sept de la bibliothèque Verte tant chérie de notre enfance.

            Là s’arrêtent les réminiscences, car la magie est ici subtile. Pas de jeu de force ni de bataille. La mère va proposer à Croquemouflet un plantureux repas de végétaux concoctés au domicile du géant afin de l’apprivoiser, de l’enivrer et de délivrer trois enfants sur le point d’être sacrifiés. La gourmandise du récit et de la recette nous fait penser que l’auteur doit être lui-même bon vivant ou fin cuisinier ! Délivrance et fuite des protagonistes. Ce qui suit ne manque pas d’être original : Croquemouflet se convertit résolument, devient végétarien et se nomme désormais Croquechou ! La chute est non seulement cocasse, mais Le Goff ajoute un Epilogue interpellant le lecteur de manière humoristique.

         La bonhomie du récit, de ses détails et dialogues très réussis, le faux suspens de l’action (on se doute bien de l’issue de ce conte mais on ne devine pas la manière !), une langue parfaitement maîtrisée, donnent ici une ambiance poétique et rendent la lecture délicieuse. Pour tous, y-compris pour les grands-parents, à savoir les enfants que nous sommes restés en ces périodes de Noël.
 

©Claude Luezior      
 
 
 

 

 

 


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28 novembre 2023 2 28 /11 /novembre /2023 07:17


 

en meutes carnassières
des cauchemars inassouvis
sans cesse à la maraude
traquent mes chairs

chiens de chasse
à l’automne ensanglanté
ils vagabondent et mordent
toute pensée en fuite

loques et outrages
ici se contorsionnent
et démembrent par lambeaux
les caresses espérées

suis-je moi-même gibier
charogne en sursis
ou acteur insensé
d’une fureur vive ?

en voilà qui halètent
de leur langue rugueuse
encadrée par des crocs
d’écume et d’ivoire

se hérissent les hurlées
de louves en gésine
dans un clair de nuit
que je crains hostile

pourtant ma petite chienne
s’est enroulée sur moi-même
apaisée sous ma main
tout près, en un soupir tiède
 

©Claude Luezior  
Extrait du recueil « Au démêloir des heures » éditions Librairie-Galerie Racine, Paris     
 
 
 
 
 
 
 

 

 

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18 octobre 2023 3 18 /10 /octobre /2023 09:33

Héritage du souffle, de Jean-Louis BERNARD, Ed. Alcyone, Coll. Surya, 73 p., Jonzac (Charente-Maritime), 2023, ISBN : 978-2-37405-107-9

        

         On ne peut qu’être médusé par la poésie de Jean-Louis BERNARD. Les mots y éclosent dans une sorte de véracité primitive d’avant l’anthropocène.

grand silence blanc

du poème

où guette furtive

l’harmonie d’avant le monde

 

         Comme si la parole, sans doute pré-biblique, était née directement du labeur des étoiles. Quand, dans une nuit fondatrice, chantaient  l’impermanence du rivage / et la clarté / des abysses.

          Tropisme vers des mots-gemmes (j’allais dire des mots rares ou précieux, mais cette poésie n’est ni maniérée, ni précieuse), souvent au pluriel, sans doute issus de quelque météorite langagière : lamaneurs, guipures, aménités, biffures, glyphes, chablis…

         Proximité instinctive avec la nature :

                                    l’orage tissait

                                    de longs poignards

                                    sur la blanche obscurité

                                    des pierres

 

         Ou bien :

 

                                    Suivi

                                    la puissance du fleuve

                                    au plus intense

                                    de sa lenteur

                                    comme un frisson

                                    sur les eaux fauves

 

         L’absence, l’inachevé, la pliure de l’aube, les soleils apatrides, un songe démembré, la mémoire des berges, le dénuement des mortes-eaux, l’air haché de givre font partie constitutive de tout un monde où doutes, volcans, mystères, mais aussi douceur et bienveillance sont les incandescences poétiques chez Jean-Louis BERNARD.

         L’écrivain conclut son recueil par :

                                    et l’ombre que nous

                                    abandonnons

                                    arpente pérenne

                                    les seuls chemins qui mènent

                                    à ce qu’on ne voit pas

 

         Foisonnement d’images, dans une mise en perspective dénuée de tout artifice, sans ponctuation ni titre, avec juste une majuscule au début de chaque poème. On remarquera également une mise en page impeccable sur un magnifique papier nacré.

           Oui, tout au long de son œuvre, le présent auteur a du souffle. Héritage (selon l’adage latin : on naît poète, on ne le devient pas) ou patient labeur à l’écoute de son subconscient ?

 ©Claude LUEZIOR  

 

                                                           
 

 

 

 

 

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11 septembre 2023 1 11 /09 /septembre /2023 06:31

Couverture du récent recueil de Claude Luezior : Diana Rachmuth, une artiste-peintre et architecte d'origine roumaine. Cf : Peau d'âme, le kimono dans tous ses états - Cercle Suisse Japon

 


 
pas le temps !
 
même de rêver
temps perdu
temps mort
à contre temps
intempérie
pour la pensée
depuis longtemps
 
même de penser en rêvant
n'est-ce perte de temps ?
même temporairement
juste le temps
de prendre le pouls
de l'intemporel
qui a fait son temps
 
et même de tempêter
contre le temps qui passe
et s'amasse
le temps d'un printemps
le temps des lilas
le plus clair de son temps
depuis quelque temps
 
même par gros temps
ou temps de paix
à quatre temps
le temps d'un rien
d'un amour, d'un plaisir
le temps de se perdre
de suspendre son vol
 
même le temps
d'une concordance
des rêves
je voulais dire... des temps
même
de temps
en temps
 
tant pis : pas le temps


 
©Claude Luezior      
 
 
 

 

 

 


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