L'auteur travaille actuellement sur un 4eme roman : "L'Homme qui n'existait plus"
Présentation de l’auteur par Jeanne Champel Grenier : Léafar IZEN est un poète de valeur dont les désormais célèbres recueils :'' La forme et le temps, Souvenirs du présent, Souvenirs du néant, L'Hypothèse du Tout (Précis de (méta)physique) ont conquis un lectorat de qualité. Cet auteur s'illustre désormais aussi dans le roman de science-fiction d'un genre nouveau tels que GRAND CENTRE publié par Les Éditions du Bord du Lot, ouvrage dont le succès n'est plus à démontrer.
Désormais, Léafar IZEN est publié chez Albin MICHEL ; son premier livre édité dans la belle collection : ''Albin Michel imaginaire'', s'intitule LA MARCHE DU LEVANT . Il s'agit d'un livre très original mi polar, mi science-fiction, original tant par sa forme que par le fond, un livre qui vous emporte loin des préoccupations quotidiennes grâce au choix du sujet, au sens du suspense et à cette écriture jeune, attachante, particulière à l'auteur, une écriture où la poésie et la pensée jouxtent toujours l'infini des possibles.
Salutaire, cette ''MARCHE DU LEVANT'' ! Ou comment s'extraire du quotidien morose tout en s'ouvrant l'esprit et l'âme de fort belle façon !
J’ai longtemps hésité à parler de tout cela à mes amies. Je pensais : je suis trop spéciale, les autres gouttes ne me croiront jamais. Cependant un beau jour, en compagnie de ma meilleure amie, alors que nous bavardions des mérites respectifs du chêne et du hêtre, que nous comparions l’agilité du faucon et de l’hirondelle, nos regards se sont croisés et nous avons compris : nous étions pareilles ! Elle aussi savait se fondre en toute chose, elle aussi avait souvenir de tout ! De fait, nous les gouttes d’eau, sommes toutes pareilles : nous avons mémoire de tout. En comprenant cela, toutes les gouttes furent saisies d’un immense fou-rire. Les humains n’ont rien entendu bien sur... La plupart ne savent pas reconnaître une eau qui pleure d’une eau qui rit...
Cependant, faute de comprendre vraiment les humains, beaucoup d’entre- eux me fascinent. Les enfants surtout, car ils connaissent « le secret ». Les problèmes viennent en grandissant, ils l’oublient... J’ai ce souvenir d’une petite fille blonde aux yeux verts. Elle est toute jeune, elle joue sous une pluie battante, un jour de tempête. Elle a quitté tous ses vêtements, elle ne porte plus qu’une paire de bottes rouges. J’arrive de l’océan, elle rit tant et plus, lève la tête au ciel, ouvre la bouche et avale la pluie... Et me voilà ! Nous jouons comme des folles à sauter dans les flaques, nous n’avons pas froid, nous rions, nous hurlons de joie... Une journée comme celle-ci vous réconcilie avec le genre humain.
Les plus sages d’entre-eux prétendent qu’une seule goutte d’eau leur suffit pour se souvenir de tout. Mais selon moi, le plus important, c’est de se souvenir « du secret » : la vie n’est qu’un songe, et, en rêvant très fort on peut en faire une fabuleuse histoire...
Le vivant et son évolution : ecollège de Haute-Garonne
Depuis mon arrivée sur la terre, il s’est passé des milliers de millions d’années, et j’ai vu apparaître et disparaître des créatures tellement fantastiques que tu n’en croirais pas tes yeux. J’ai fusionné avec toutes ces bêtes et toutes les plantes, et de chacune, j’ai conservé la mémoire : leurs expériences, leurs sensations, leurs émotions. Je ne suis peut-être qu’une petite goutte d’eau, mais je me souviens de tout. Ha, je me souviens de ce jour où un puma est venu boire ce torrent d’eau pure qui dévalait les Andes... C’était moi ! A l’intérieur de son corps je me suis sentie sauvage et puissante. Voler avec les oiseaux, c’est quelque chose de merveilleux, c’est encore plus excitant que de tomber du ciel. Avec les aigles, on peut planer très haut.
Puis, un beau jour, est apparu un animal fort étrange, et bien différent des autres. Au sujet de celui-ci, il y aurait beaucoup à dire. Mais je n’aime pas trop parler et je ne suis pas sûre d’avoir bien compris cet animal là. Il marche sur deux pattes, comme les poulets, mais ne ressemble guère à un poulet. Il est capable d’accomplir les choses les plus extraordinaires mais la plupart du temps, il se comporte de façon plutôt stupide. Ça me dépasse complètement. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé de le comprendre, du dehors et du dedans... Ils se nomment eux-mêmes « humains ». Car c’est leur grande manie : inventer des noms pour chaque chose. Des mots, ils en ont tellement inventés, qu’on se demande comment ils peuvent encore retrouver toutes les choses qui sont rangées dessous.
Depuis leur arrivée, ils ont sali à peu près tout. Ça, je ne pourrai jamais le comprendre. Par leur faute, me voilà obligée de nager dans des rivières polluées. C’est un peu dégoutant, mais moi, Gotita, je reste toujours pure, même quand la rivière est sale. Ils ont même réussi à salir le ciel et les nuages ! Ils feraient mieux de faire comme moi : se laisser porter par la rivière. Enfin, ils changeront... Quant à moi, j’ai tout mon temps.
Parfois, j’en rencontre qui sont si tristes, si épuisés de se battre pour rien et de lutter contre eux-mêmes. J’entre alors dans leur corps, j’en ressors sous la forme d’une larme en emportant avec moi un peu de leur peine.
J’ai vécu tant de choses depuis. J’ai vu apparaître ce qu’ils appellent les plantes. Oh, bien sur, au début ce n’était pas grand chose, juste des petites poussières vertes et microscopiques qui flottaient sur l’eau. Je crois bien qu’ils appellent cela le « plancton ». Mais les mots, moi, vous savez... Néanmoins, ces petites choses insignifiantes se sont bien débrouillées : comme les bactéries, elles se sont transformées, adaptées. Et c’est ainsi que sont apparues les algues puis les plantes sur la terre. Les fougères, les mousses, les herbes, les fleurs, les arbres... On en trouve de toute sorte maintenant. Et moi, Gotita, je sais comment entrer en elles, car les plantes sont faites avec beaucoup d’eau. Quand j’habite dans une plante, je me sens bien, le vent caresse les feuilles, tout est si calme. Les plantes sont comme moi : elles raffolent de la pluie.
A mesure que la terre s’est refroidie, j’ai redécouvert la sensation d’être un petit glaçon. Dans les nuages les plus froids, il m’arrive de me transformer en flocon de neige, plus beau qu’un diamant taillé. Ils appellent cela cristallisation. Ce n’est qu’un mot. Pour moi, c’est comme vêtir un habit de lumière. Descendre du ciel dans cette somptueuse tenue : quel honneur ! C’est un ballet majestueux. Les prairies, les montagnes, les forêts deviennent blanches, pures et silencieuses.
J’ai beaucoup voyagé sur la planète, et sans cesse arrivaient d’autres astéroïdes de glace, pareils au mien. Tant et si bien qu’apparurent des lacs, des mers, des océans. Avec l’aide de mes amies gouttes, nous avons modifié le paysage, creusant des rivières de plus en plus larges, des mers et des océans de plus en plus vastes. Et la terre se froissait et faisaient surgir de splendides montagnes, et nous y dessinions des vallées. Ils nomment ce phénomène érosion. Ce n’est qu’un mot, j’aime mieux dessiner que parler.
En rejoignant l’océan, je me laisse flotter tranquillement, prenant un peu de repos, en attendant que le soleil réchauffe mon corps et me transforme en gaz. C’est ainsi que je peux me rendre invisible et légère comme l’air. Ils appellent ça l’évaporation. Ce n’est qu’un mot, ce qui me plait avant tout, c’est disparaître et changer de corps. Ainsi va ma vie, entre ciel et terre : m’envoler, rêver, chuter, dessiner, m’envoler, rêver, chuter, dessiner... C’est ma destinée.
Dans les nuages où je me réfugie, on voit parfois passer des éclairs fracassants. Quel bruit! Certains disent que c’est ainsi que s’est produit le miracle, d’autres prétendent que ce fut plutôt grâce aux volcans qui font bouillir le fond des mers. Qu’est-ce que j’en sais ?! Néanmoins, un beau jour, flottant dans l’océan, je tombe nez à nez avec une chose étonnante et minuscule, plus petite que moi, c’est vous dire. Ils les appellent bactéries, nous, on ne les appelle pas, on les regarde et on s’émerveille. Elles passent leur temps à s’agiter et à se diviser en deux, pour donner naissance à des petites sœurs jumelles qui s’agitent et se divisent à leur tour. Elles se sont tant et tellement divisées que bien vite, il fut impossible de les compter. Non contentes de se reproduire, elles se mirent à se transformer. Certaines apprenaient à nager, d’autres à se dévorer entre elles, d’autres s’unissaient pour construire une forme plus complexe... Quelle bizarrerie !
Le temps passait et passait encore, et à chaque promenade sous la surface des océans, je découvrais des créatures de plus en plus étranges : des vers, des coquillages et enfin des poissons ! C’est un poisson qui m’a bue pour la première fois. Ça me fit un drôle d’effet. Entrer dans la bouche d’un animal, vous pensez... Mais je n’ai pas souffert, bien au contraire, c’était merveilleux. Car j’ai senti comment c’était d’être un poisson : J’ai su tout ce que savait ce poisson, j’ai senti tout ce qu’il sentait, j’ai pensé tout ce qu’il pensait ! Mais ça, comment le décrire à ceux qui ont oublié « le secret »...
J’ai beaucoup voyagé sur la planète, et sans cesse arrivaient d’autres astéroïdes de glace, pareils au mien. Tant et si bien qu’apparurent des lacs, des mers, des océans. Avec l’aide de mes amies gouttes, nous avons modifié le paysage, creusant des rivières de plus en plus larges, des mers et des océans de plus en plus vastes. Et la terre se froissait et faisait surgir de splendides montagnes, et nous y dessinions des vallées. Ils nomment ce phénomène érosion. Ce n’est qu’un mot, j’aime mieux dessiner que parler.
En rejoignant l’océan, je me laisse flotter tranquillement, prenant un peu de repos, en attendant que le soleil réchauffe mon corps et me transforme en gaz. C’est ainsi que je peux me rendre invisible et légère comme l’air. Ils appellent ça l’évaporation. Ce n’est qu’un mot, ce qui me plait avant tout, c’est disparaître et changer de corps. Ainsi va ma vie, entre ciel et terre : m’envoler, rêver, chuter, dessiner, m’envoler, rêver, chuter, dessiner... C’est ma destinée.
Dans les nuages où je me réfugie, on voit parfois passer des éclairs fracassants. Quel bruit! Certains disent que c’est ainsi que s’est produit le miracle, d’autres prétendent que ce fut plutôt grâce aux volcans qui font bouillir le fond des mers. Qu’est-ce que j’en sais ?! Néanmoins, un beau jour, flottant dans l’océan, je tombe nez à nez avec une chose étonnante et minuscule, plus petite que moi, c’est vous dire. Ils les appellent bactéries, nous, on ne les appelle pas, on les regarde et on s’émerveille. Elles passent leur temps à s’agiter et à se diviser en deux, pour donner naissance à des petites sœurs jumelles qui s’agitent et se divisent à leur tour. Elles se sont tant et tellement divisées que bien vite, il fut impossible de les compter. Non contentes de se reproduire, elles se mirent à se transformer. Certaines apprenaient à nager, d’autres à se dévorer entre elles, d’autres s’unissaient pour construire une forme plus complexe... Quelle bizarrerie !
Le temps passait et passait encore, et à chaque promenade sous la surface des océans, je découvrais des créatures de plus en plus étranges : des vers, des coquillages et enfin des poissons ! C’est un poisson qui m’a bue pour la première fois. Ça me fit un drôle d’effet. Entrer dans la bouche d’un animal, vous pensez... Mais je n’ai pas souffert, bien au contraire, c’était merveilleux. Car j’ai senti comment c’était d’être un poisson : J’ai su tout ce que savait ce poisson, j’ai senti tout ce qu’il sentait, j’ai pensé tout ce qu’il pensait ! Mais ça, comment le décrire à ceux qui ont oublié « le secret »...
Mon histoire est fantastique, elle n’a ni début ni fin, elle se perd dans la nuit des temps. Il faut pourtant bien commencer quelque part. Il y a quelques milliards d’années, j’habitais un astéroïde de glace et de poussière voyageant à travers le cosmos silencieux. Je passais mon temps à méditer, rêver et me perdre dans la contemplation des étoiles. Depuis l’espace, elles ressemblent à de magnifiques joyaux. Je suis une goutte d’eau, c’est pour cette raison que mes amies m’appellent « Gotita ». Inutile de préciser qu’à cette époque, j’étais une gouttelette tout à fait congelée.
Un jour, l’astéroïde percuta la terre, quel choc! La planète qui bouscula ma vie était très différente de celle que l’on connait aujourd’hui. Ils ne lui avaient pas encore donné de nom : rien qu’une sphère envahie de volcans et de lave. Quant à l’eau, on en trouvait bien peu. La collision fut si forte, que toute la glace de l’astéroïde se transforma instantanément en une vapeur légère. Ils appellent ça vaporisation. Ce n’est qu’un mot, et... Il n’y a pas de mot pour décrire ce moment prodigieux.
Ainsi, ma vie de terrienne débuta dans les nuages. De temps à autre, je m’efforçais d’atteindre le sol, mais pas moyen ! Cette planète était un véritable enfer. Impossible de poser un pied sur sa surface. La chaleur était plus forte, elle me renvoyait toujours vers les nuages.
Mais la planète refroidissait, et j’appris un nouveau jeu : accrochant mon petit corps de vapeur à un grain de poussière, je réussis à me transformer en une véritable goutte d’eau. Ils appellent ça condensation. Ce n’est qu’un mot, et aucun mot ne peut décrire cette sensation extraordinaire.
C’est depuis cette époque qu’on me surnomme Gotita. Être plus lourde est un avantage lorsqu’on on veut chuter jusqu’au sol. Ils appellent ce phénomène précipitation. Ce n’est qu’un mot, et moi, ce qui me plait avant tout, c’est la pluie.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...