Ne cherchez pas ce que sont exactement les mots, salive, battements de coeur, réactivité, peu importe, conservez-les comme je les garde précieusement, habitez-les comme je m'y love, croquez-les comme je m'en nourris, laissez-les fondre dans la sensualité de votre bouche.
Mots, île secrète, où s'ouvrent les tabernacles et se cassent les éperons, où vit le dire, où s’obscurcit le banal et s'enlumine l'essentiel,
île aux poètes ceux qui s'égarent rebelles, vérité hurlante aux trousses juste pour faire germer des étincelles.
Visage qui es-tu ?
Dans la lumière matricielle , lier, délier l'infinitude de l'invisible avec les mots de l'envers, ceux qui se déploient quand les ourlets sont décousus, mots de l'endroit ceux qui tentent encore, mots réverbères, mots calice pour offertoire interdit donc dit, mots tissés dans les murs du silence, comme ceux du labyrinthe de Dédale, murs aveugles avec l'ambiguïté de cent chemins qui se rompent, s'entrecroisent mais d'où l'on ne revient pas sauf à casser le fil d'Ariane.
Visage aux mots entrelacés, mots foudre.
Visage, je te connais, ne te connais pas, te reconnais, Visage venu, revenu qui êtes-vous ? toi, vous qui habitez précisément là où on n'habite pas ?
Visage des soirs où l'homme est nu dans sa grande déchirure.
Visage qui tire l'aube de la nuit comme la femme tire l'eau du puits à Samarie
Visage, ton visage, votre visage, lié délié, relié dans l'épaisseur des murs de vent, visage couturé,
Visage, votre visage né d'une histoire qui porte encore le sel des antiques marées, visage qui s'origine en créant dans le souffle-soufre de la page avant que temps ne s'efface et t'efface,
Visage inscrit dans la sinuosité de la chair, visage, vôtre, mien, hiéroglyphes sur le chemin où il n'y a pas de chemin.
Tourbillon, valse lente à l'envers, à l'endroit qui taille les corps jusqu'à la moelle, pas de deux sans pas.
Visage, il neige sur la lisière de votre hanche, le grésil a froid.
Autrefois j’ai régné. La glaise première m’a façonnée. J’en possède tous les pouvoirs, tout le magnétisme et la violence. Toutes les mutations contre la pesanteur d’un destin d’errance.
La porte de l’intensité essaie de s’ouvrir.
Hors norme, j’incarne l’unité perdue.
Lointaine et présente, arbre et bûcher, entre le gué du réel et du virtuel, dans la nuit du silence, je vis. On m’appelle Lilith.
S’aimer à la lisière d’un échiquier, dans les interstices des ombres transparentes, là où se tissent légendes, chimères et mirages.
Chimères, chimères
Dans le vagabondage de mes songes, je suis captive de tes erreurs couleur de sauge, de mangue et de tubéreuse.
Chimères vénéneuses, venin et ambroisie, bois, je retiens la pulpe de tes lèvre. A fleur de sel marin, sur une diagonale folle, elles sont d’impérieux géographes quant aux sentes à suivre et savent où se poser. Mais le sel fond si vite sur les lèvres d’un explorateur…
Mirage, mirage, je te retiens à marée haute, à marée basse, sur le blanc sur le noir, dans les ressacs de l’utopie, ne te retourne pas, tu n’es pas prêt, tu es au-delà des légendes, celles que l’on croque comme des pierres.
Chimères, chimères, je t’ai aimé à t’en rendre fou, à t’en rendre sage, sirènes et elfes confondus. Nous avons fait l’amour comme les éclairs dans l’orage, comme les feuilles sous le vent, comme deux radeaux en perdition sous le regard de Méduse, comme des fantômes dans le lit d’un torrent, comme des feux de brousse, comme l’encens qui étouffe le jasmin, comme des cernes bleus autour d’un cri.
Mirage, mirage, nous sommes aimés dans le sang des nuits rouges, dans les rumeurs possessives des racines, sur des sentes non tracées, dans les ailes d’une libellule, sur la lisière de l’échiquier, oubliant à l’horizon l’échec et mat.
Tu étais un roi, j’ai fait de toi mon fou, mon fou de Bassan, mon ravi, mon délirant. J’en avais croisé des silencieux, des émerveillés, certains en perdaient la tête mais avaient du cœur, d’autres l’inverse; toi tu étais mon mirage et nous nattions des ronces sur des seuils crépusculaires, dans des draps de suie.
Je t’ai fait hurler jusqu’à mordre la cendre, jusqu’à oublier ton nom, jusqu’à ramper dans l’ardence des flammes que je tisonnais, jusqu’à perdre ta diagonale, jusqu’à perdre ta tête.
Chimères, chimères, pour une Arabie sans parfum, un miroir sans visage, silence muselé. Jeu car c’était un jeu et nous ne le savions pas. L’éphémère coule, mufle contre le vent, dans la vibration de ta voix, Je sens encore, dans ma crinière d’étoiles, tes lèvres qui errent sur la résille de ma peau, arpèges, soubresauts, mirages.
Chimère, chimères, la nuit tressaille, les cases se brouillent, tu as la tête à l’envers, tu ne me vois plus. Le silence joue avec l’attente, jeu perdu, le noir et blanc s’entrecroisent, les diagonales s’échappent des lisières. Plus rien, impair noir et passe, tout était écrit, nous étions trop près de l’irréalisable, échec et mat.
Mirages, mirages nous n’avons plus de rêves mais nous repoussons encore le pré des Asphodèles.
Chimères, chimères, tes sens délirent et tes mots butent à cloche-pied, la folie rit derrière son masque, tu es devenu mon Styx, mes ténèbres, ma barque sans retour.
Mirages, mirages, les échos s’enfuient, les énigmess’enroulent dans l’insolence des songes, tu dérives dans des traces sans légendes, tu hurles dans ta nuit charbonneuse.
Les liqueurs de ton corps sont taries, je ne suis plus la reine, mais, peut-être ailleurs, la Gravida, la Belle ferronnière ou Lilith, jalousie, jalousie.
Il te reste juste la blessure de la source, laisse- là couler, tu y trouveras les chimères de la solitude. Écume sur la brisure de l’aube aux soies d’épines. Écoute, les spectres traînent leurs crécelles, un jour de plus, un jour de moins dans la légende d’un amour perdu.
A l’aplomb des meurtrissures, sous le grand pommier, ma bouche festoie au balcon d’une fontaine carnivore.
Peaux écartelées, noyées, dénouées de spasmes, les langues brûlent dans le naufrage des sucs.
Graphies sur velours secrets, corps en regard.
Faisant connaissance avec la saveur de mes débordas, parcourant mes pentes, le serpent perd souffle. Il ondule dans mes incendies, tremble dans l’abécédaire des caresses, siffle sous les bourrasques d’effleurements, ensauvagement.
Vue d’un éclair extra-nuageux faîte près de Montpellier par Daniel Gauvin en septembre 2015 lors d’un orage méditerranéen
De vagues résurgences colorent l’uniformité de ma réclusion, ombrent les parois de mon antre. L’éclair, le tonnerre et les crues défilent sous mes paupières. Je me souviens de tout, l’eau, la blessure, les étreintes, les nuits froides et les rêves brûlants. Votre gorge entre mes dents.
Danse barbare sur des traces à l’équilibre précaire.
Cendres sur un miroir, débris d’émois perdus, soirs où les souvenirs sont seuls dans leurs déchirures.
Mon règne est sans tabou, jusqu’au jour où Adam est arrivé et a exprimé ses exigences, ses besoins de procréation.
Me refusant à sa domination je me suis enfuie, laissant derrière moi des soies vénéneuses, mais voluptueuses.
Et un homme dépossédé.
Sarabande au milieu du Jardin premier, les peaux encore chaudes de l’haleine des étoiles ont libéré les forêts secrètes, gorge à gorge, puits à puits, spasmes.
Lui, l’homme du sixième jour, n’a rien oublié des naufrages de salive que je lui ai fait goûter dans l’extrême embrasement.
Maintenant, il mange l’absence, je suis derrière le miroir.
Lors de ma fuite, le sang suinte, les épines
griffent. L’hiver se pend à une corde de lune. Dans
l’inertie des mousses, les fleurs se recroquevillent,
le vent vocifère, la pierre bave, ne croyant plus au
miracle de l’éternité.
Un brouillard noir écime le pommier de la
Connaissance. La nuit se rétrécit, décapite le ciel,
coule une pluie de cendres. Indécelable présence
dans la plissure d’un devenir.
Rampant (1), le grand serpent crache son
premier venin, tant de choses étonnantes sont
arrivées. La Genèse ne les a pas gardées.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...