Vue d’un éclair extra-nuageux faîte près de Montpellier par Daniel Gauvin en septembre 2015 lors d’un orage méditerranéen
De vagues résurgences colorent l’uniformité de ma réclusion, ombrent les parois de mon antre. L’éclair, le tonnerre et les crues défilent sous mes paupières. Je me souviens de tout, l’eau, la blessure, les étreintes, les nuits froides et les rêves brûlants. Votre gorge entre mes dents.
Danse barbare sur des traces à l’équilibre précaire.
Cendres sur un miroir, débris d’émois perdus, soirs où les souvenirs sont seuls dans leurs déchirures.
Mon règne est sans tabou, jusqu’au jour où Adam est arrivé et a exprimé ses exigences, ses besoins de procréation.
Me refusant à sa domination je me suis enfuie, laissant derrière moi des soies vénéneuses, mais voluptueuses.
Et un homme dépossédé.
Sarabande au milieu du Jardin premier, les peaux encore chaudes de l’haleine des étoiles ont libéré les forêts secrètes, gorge à gorge, puits à puits, spasmes.
Lui, l’homme du sixième jour, n’a rien oublié des naufrages de salive que je lui ai fait goûter dans l’extrême embrasement.
Maintenant, il mange l’absence, je suis derrière le miroir.
Lors de ma fuite, le sang suinte, les épines
griffent. L’hiver se pend à une corde de lune. Dans
l’inertie des mousses, les fleurs se recroquevillent,
le vent vocifère, la pierre bave, ne croyant plus au
miracle de l’éternité.
Un brouillard noir écime le pommier de la
Connaissance. La nuit se rétrécit, décapite le ciel,
coule une pluie de cendres. Indécelable présence
dans la plissure d’un devenir.
Rampant (1), le grand serpent crache son
premier venin, tant de choses étonnantes sont
arrivées. La Genèse ne les a pas gardées.
« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage »
J. Du Bellay in Les Regrets
Ce nouveau recueil est différent des nombreux opuscules rédigés par l’auteur, il n’est pas une suite de poèmes, mais un récit poétique ponctué par vingt chapitres tous à la gloire de la Provence.
Dans ce livre, deux thèmes se détachent nettement : la Provence, et la recherche de fraternité, du pardon.
Comme Le Guen-Kâpras nous l’a écrit dans son aimable dédicace cette ode à la Provence féconde la flamme du cœur.
La Provence elle ne cessait de m’émerveiller par sa propension à iriser follement les oliveraies immortelles, les sarments charnels, et les richesses arbustives.
L’auteur se plonge dans les origines de cette région qu’il aime, quelque part dans la nuit je renouais avec les origines historiques de Marseille, l’âge d’or de cette cité quis’estompe en l’an 49 av J.C.
Tout le fascine : les paysages, les peintres, les écrivains, le moulin de Daudet et sa sensibilité piquante qui s’élevait comme un écrin, l’odeur des épices marchandes, la nourriture spirituelle dans les lieux culturels, Arles le retient avec son théâtre antique, sa scène vertigineuse/ remparts d’une flamme propre à éclairer/ un jupon d’offrandes, les Arènes, la fondation Van Gogh, le musée Réattu dont le prieuré règne sur une antique destinée.
Et lorsque la ville d’Aix en Provence se déploya sous mes pieds, la vie de Paul Cézanne s’enveloppa d’un drap royal.
Moult réflexions surgissent sous la plume érudite et poétique de l’auteur pour endiablée qu’elle fût, la vie sondait l’indicible, ce qui m’était caché parmi les vérités qui nous construisent : l’acquisition du savoir, la plénitude des émotions, le monde du rêve, l’écoulement du temps, il ne nous reste plus qu’à méditer, réfléchir… une hirondelle s’envole ; un voile de nuages flotte dans le vent.
Le Guen-Kâpras est hanté par la recherche de la fraternité, cœur tourné vers la source, il écoute le feu du levant se demandant s’il faut brûler pour renaître à la fraternité ?
Vêtu de sable, de nuit, de rêve, il avance sous la lente morsure du vent, sachant que chaque vie est assaillie de rythmes, c’est pourquoi l’auteur prend cette résolution : je vivrais attentif à l’écoute des actes barbares et inhumains.
Bien que, étant totalement opposées, Poésie et Réflexion se fondent, s’interrogent, l’une vit dans les chimères, le rêve, le pourquoi pas, l’autre dans la maîtrise des pensées, c’est ce que réalise l’auteur dans ses questionnements pour rebâtir un monde, de fraternité, d’amour, d’ordre : je me sens démuni face à un monde sanguinolent …, le bien fondé de notre société n’est pas seulement de mettre l’homme debout, mais de chercher ce qui élève sa quête de l’au-delà et ici l’auteur songe à V.Hugo : la solidarité des hommes est le corollaire invincible de la solidarité des univers.
L’auteur est un méditatif, un pacifiste, aucun peuple, aucune ethnie, aucune religion n’est exemplaire si chacun, a ses héros.
Il marche en quête perpétuelle vers une vie meilleure, pacifiée, une vie où le pardon grandit l’homme, c’est pourquoi je cherchais la fraternité féodale.
Réconforté par son périple, ses réflexions : face aux tristes larmes que j’avais oubliées, je préférais cultiver le pollen du soleil, c’est peut-être la voie de l’espérance.
Le recueil de Le Guen-Kâpras nous fait penser à une phrase de Khali Gibran : la poésie n’est pas une opinion qu’on exprime, c’est une mélodie qui s’élève d’une plaie béante ou d’une bouche de sourire », mais les oiseaux ont parfois des ailes de glace…
Nous ne pouvons que conseiller au lecteur de lire, méditer sur ce recueil qui le fait voyager, réfléchir sachant que nous déroulons sans cesse un fil à nœuds qui se balance contre les parois du vivre.
Nous reprendrons ici une phrase du poète Claude Luezior : Écrire, c’est officier sous la voûte des étoiles, c’est chercher le gui à mains nues, sur les ramures du chêne. Lire, c’est participer à la grand messe de l’esprit. Et prier à sa manière. Lire, c’est remplir son âme d’alcools fort. C’est ce qui se passe à la lecture de Cet Outrerose qui fascinait le saphir du cœur.
Édition L’Harmattan, collection Accent Tonique, juillet 2022
La barque de Charron conduit toujours aux enfers, il n’y a pas de nautonier du bonheur. Bachelard
L’auteur, tel un oiseau sans ailes qui pourtant vole, est toujours entre rêve et réalité, en étant accompagnée par des accords venus de nulle part mais prégnants, des doigts s’agitent sur les touches d’un piano au désert mille sonates se bousculent/ dans le labyrinthe d’une oreille spatiale invisible.
Dans ce recueil où se croient Debussy, Goldberg, Lalo, Chopin et bien d’autres, on sent que l’auteur est musicienne dans l’âme, c’est ce qui lui fait un manteau invisible mais protecteur, elle est torture plaisir et souffrance. Son dire est embrasement, feu brûlant et pourtant si loin de l’âtre invisible où elle brûle et se cendre à l’assaut de l’échelle du ciel. Elle est notes, accords dans l’extase du manque toujours à la recherche d’une marque, d’un souvenir, elle les voit, les touche et tout fuit, histoire de voir si Eurydice vous suit/ elle l’obstinée de la perte/ comme toutes les illusions. Quête sans fin, quête du tout qui devient rien, un rien opulent, torturant, envahissant, mais c’est le rien du Tout.
Son dire est fait de mots réverbères pour raviver les ombres réelles mais imaginaires, les souvenirs, mirages/ réels, fuyants mais obsédants, ce sont des mots calices pour offertoire interdit, des mots qui font des souvenirs sans légende, mots au goût amer et torturants, même lorsque les bourreaux sont partis / les victimes ensevelies, lamento funèbre, mots à jamais inclus dans sa chair alors que les bottes orgueilleuses s’enfoncent / dans la boue des champs de massacre. Pourtant, pas à pas, contre toute logique, l’auteur passe le gué.
Elle laisse filtrer l’architecture de sa pensée, sensibilité à fleur d’âme, traces noires, zones d’ombre au gout âpre, égarements qui s’entrelacent, se percutent se tordent sur des radeaux en précaire équilibre, ample liturgie lorsque le sang flagelle le corps, digue sans remparts qui ramène le lecteur au gîte de la déraison, il boit au goulot d’anciennes racines errantes qui pourtant n’ont pas d’attaches… Électro choc, électro quelque chose c’est la vie avec ses murmures, ses fusions, ses effusions, où l’on se perd pour se retrouver, peut-être tentative de communion avec l’Absolu, tresses du silence bruyant qui libère toute une chapelle à explorer.
Dana Shishmanian se fait relieuse, c'est si près de religieuse, sa fourrure d'hermine se lustre au poil fin de ses mots en nervures, elle pose les épingles de ses bâtis, découd l'ourlet d'un nuage pour offrir trois notes de la musique des sphères issues d'un tabernacle de silence et d'encens à chacun de savoir l’ouvrir.
Elle va s’en aller, à la recherche du pardon, issu des lamentations angéliques qu’un violoncelle/ sorti d’abîmes sans fond/ distille subrepticement…il anéantit et console, elle a besoin d’apaisement, de paix on appelle les larmes au secours/ ce sont les bonnes sœurs toujours prêtes à consoler.
Le sens magnétique, est un tourbillon de mots-pensées, qui s’enroulent, après le lecteur, le tord, le roule, le palpe, l’oublie, le reprend, le traîne pour en faire une toupie dans une étoile filante,.. adagio en guise d’adage/ définitif et muet.
À lire avec étonnement, vite transformé en bonheur méditatif.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...