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15 avril 2017 6 15 /04 /avril /2017 06:43
« Les feuilles du temps », Béatrice Pailler
Photo J.Dornac©
 
 
 
Pays tout à la fois sombre et pâle qui tarde à renaître, pays d’arrière-pluie au printemps hésitant. Des monceaux légers de feuilles passées tels des essaims comblent les sentiers. Les dentelles nervurées coagulent en nids, guêpiers où le temps s’enlise. L’hiver toujours loge au ras des terres.
 
Pourtant, aux rives des feuillages, les fanions clairs des cimes s’échevellent ; résilles ouvertes aux entrelacs aquarellés, mais déjà, repris par la brume, l’horizon se glace.
Pourtant, aux talus des nuages, une tache solaire grandit ; ombre juvénile, comme un souvenir de chaleur revenue, mais déjà, repris par la brume, l’horizon s’efface.
 
Pays de mauvais temps où la glaise scelle le pas d’un poids séculaire, pays de marne au chant de silence. Mais déjà, reprises par la vie, les boues verdissent nourries de brume. Le printemps toujours germe au ras des terres.
 
©Béatrice Pailler
Recueil « Sacre » 2016
Revue Les Amis de Thalie
Hors Série Hiver 2016 « Les feuilles du temps »
 
 
 


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1 avril 2017 6 01 /04 /avril /2017 06:40
La Revenante – Béatrice Pailler
 
 
 
 
 
Au jour finissant, quand le réel, superbe d’indigence, se drape des grisailles du doute, je sais, un répit, prémices aux vacillements, je sais, l’heure métisse.
La pièce, sous un dais de poutre, semble comme écrasée. Évidée au fil du temps, il ne reste plus, entre croisée et cheminée, que l’écueil vieillissant d’un fauteuil de cuir. Des nuages en taille-douce s’illustrent aux carreaux des fenêtres où quelques gouttes pluvieuses paressent. Un rideau d’ailes bruineuses, traverse les nuées. Les étourneaux sont en campagne et le ciel est un étang. Il y a peu de lumière et, derrière la vitre, le paysage est un lavis où les ombres invitent au repli. Appendue aux murs, l’aune souple des tentures vient border la pierre. Pareilles aux paroles murmurées à l’orée de la nuit, les tapisseries frémissent. C’est une oscillation lente, le bercement d’une nacelle dans la lumière déclinante. Il faut attendre encore et prendre place, parmi les souvenirs, au corps du fauteuil de cuir. Il faut attendre et prendre place devant ces hautes lisses qui parlent de jadis. Il faut attendre, l’heure métisse.
Fatiguée des lisières de nuit, elle viendra faire litière aux berceaux des toiles tissées. Hors des sables du temps, de ses remous, paysages et couleurs s’émerveillent. L’onde éblouie ruisselle et la nature ivre s’ensoleille. Voici qu’aux labours des flots, la houle nourrit l’océan. Là-bas, aux ventres des mers, des hommes audacieux harponnent le destin. Et sous l’iris mauve, pailleté d’or, d’une lune fauve, le marin espère la terre : des îles peignées de vent, aux vertes frondaisons, aux grenades offertes.
Fils de trame, fils de chaîne, sur le tableau de toile, les fantoches jouent la farce du monde. Attendris ou surpris, des visages crient. Soldats, filles connues, comédiens se ruent aux côtés des diables et des spectres. Ici, le Silence aime la Vie qui pendue au cou du Trépas se voit déjà pantelante, morte, dans ses bras. Passe le temps, l’histoire change. Et telles des feuilles, déçues au glas qui sonne, radieuses au vent de l’automne, serments et promesses s’envolent. Et puis, dessous la lunaison, au corps du théâtre tissé, la vie reflue. Alors, les tentures scellées de lune, histoires tues, fables cousues, pendent inertes.
Certains soirs esseulés, sous la paupière du ciel, dans ce cocon de cendres où les rouges noircissent, j’ai vu, la revenante des lisières de nuit, j’ai vu, l’heure métisse.
 
©Béatrice Pailler/2015
Prologue du recueil « L’heure métisse »
Prix Jean Giono 2015 de la Société des Poètes Français
 
 
 
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19 mars 2017 7 19 /03 /mars /2017 07:30
Jour d’étain – Béatrice Pailler
 
 
 
 
Jour d’étain,
Ciel pleureur,
Il fait froid,
Il fait laid.
 
Au pays de l’absence
Sur les terres bruineuses,
Feuillages dégouttelants,
Inondation douce des pluies
Et dévalent les nuages tombants en cendre.
 
©Béatrice Pailler




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4 mars 2017 6 04 /03 /mars /2017 07:36
Au-delà – Béatrice Pailler
 
 
 
 
 
« Nous y sommes, à l’heure dite point de repentir »
 
Telle une bête aux abois, dans un va-et-vient incessant, il longe la baie vitrée. L’horloge rythme l’espace. Il s’arrête et contemple, au cercueil des heures, le manège du jeu éternel. Il respire puissamment, se retourne et, d’un geste vif, arrache le rideau.
 
Au-delà de la vitre, comme une gifle, un ciel immense, cerné de gris, se jette à lui. Des déferlantes cotonneuses, boursoufflées de nuit se coursent, luttent et s’entredévorent. C’est un ciel sans borne qui impose sa loi et qui vient impérieux se frotter au ventre de la terre. La lumière est encore incertaine, mais l’on devine, à perte de vue, la nappe fleurie d’une pâture, un verger noueux, aux arbres tordus, croulant sous la floraison et, sautant la clôture, la prairie enfin libre qui s’échappe vers l’horizon. Vaste mer verdoyante, elle vient s’échouer sur l’écueil sombre d’une forêt de grands arbres, ce remparts de lances aigües où s‘empale la nue.
 
Au plus loin de la nuit, dans la mouvance des cieux, tout va très vite. Les nuages rosissant accueillent en leur sein l’aube mûrissante. Au filtre des futaies, l’astre s’élève, vermeil. Des vagues successives de lueurs se déversent. Incendiant les lieux d’un flot rougeoyant, elles frappent, cramoisies, l’homme qui s’enflamme. Le soleil, couronne ses tempes d’or et de sang. Alors seulement, pour le veilleur perdu dans l’au-delà de lui-même, l’apaisement vient tel un baume, dans la lumière consolante.
 
©Béatrice Pailler
 
 
 
 
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18 février 2017 6 18 /02 /février /2017 07:45
Terril – Béatrice Pailler
 
 
 
 
 
Un appel tremble, un cri, faible et, dans le soir, sous la platitude des cieux, ce puits de chagrin, l’horizon, navré, s’éteint.
Devant la lune plénière, dans le vallonnement adouci des wagons dispersés, l’ancienne plaine de triage moutonne mollement. Aux flancs des ferrailles fossiles, croissent des lumières folles. Dans le désordre des mâchefers et des terres corrompues, une végétation brouillonne cherche sa voie. Au sol durci, des feux éphémères, mouillés de cendre, fouillent une terre de roche où naviguent serpentelets de goudrons et cordons de brumes lourds de scories. Une odeur de minerais flotte, le souvenir des houilles-mortes.
Dans la presque pénombre, le fraîchissement des pluies peuple la solitude où, inlassablement, conversent vent et feuillage où, parmi les herbes, dans l’étalage des verdures, niche l’averse. De loin en loin, troublant l’errance, un tertre grandissant marque la nuit. Montagne ? Volcan ? Le cône minier soulève son corps.
Montagne-terril, au pays minier se lève l’appel, mémoire des hommes.
 
©Béatrice Pailler
Revue Traversées
N°79 Mars 2016




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4 février 2017 6 04 /02 /février /2017 07:44
Octobre en Avesnois - Béatrice Pailler
 
 
 
 
Octobre, les feuillages s’enflamment. Ruisselures, étincelles crépitent, frôlent les nues. Échappées des forges de l’automne, des broderies d’orfroi courent au ciel, elles sont de cuivre fondu. De loin en loin, parmi les verdures assombries, des oriflammes d’or roussi s’avivent noyés d’humide grisaille. Dans l’écrin trouble des houles enherbées, sous le camail cendreux des cieux, la Sambre se plisse de pluie et aux berges cages, les écluses serties de bruine scintillent.
Chienne ou louve, l’heure métisse, maîtresse du canal, se mire dans l’onde. Les rousseurs végétales et les berges s’estompent dans la torpeur froide des vapeurs automnales. Le ciel larmoie, un oculus rouge tache le rideau des brumes. Et au miroir des pluies, la Sambre, anguille dormante sous le voile d’étain, guette le couchant.
Octobre en Avesnois, ici, au banquet des forêts de l’ombre, l’automne festoie, et sur le canal cendré, dans la déchirure de ses eaux, une veine flamboie.
 
 
©Béatrice Pailler
Revue Traversées
N°79 Mars 2016
 
 
 
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21 janvier 2017 6 21 /01 /janvier /2017 07:47
Lunaison – Béatrice Pailler
 
 
 
 
Folles en tunique de peau,
Les nonnes ânonnantes prient.
Et
L’abbesse,
Corps rompu,
Insane
Sur son âne
S’ébat
Et corrompue,
Vole
Éperdue
Au sabbat,
Où le Diable cornu
L’abaisse,
La blesse,
De sa corne nue.
Ainsi,
Aux fléaux des ténèbres,
Les nonnes ânonnantes crient.
Et
Au cœur des champs
Où pullulent les chancres,
Le chœur des chantres
Hululent ses chants,
Pour les nonnes appendues
Qui gigotent suspendues,
D’une gigue idiote, bien pendue.
Trottent,
Dansent,
Se frottent la panse.
Et
Le Diable rit de cette folle diablerie.
 
 
©Béatrice Pailler
« Mon Grand DADA »
Revue SOUFFLES Les écrivains Méditerranéens
N° 252-253 « Mon Grand DADA » Aout 2016
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7 janvier 2017 6 07 /01 /janvier /2017 07:45
DADA-démiurge – Béatrice Pailler
Paul Delvaux
 
 
Dandy dantesque en damas de daim, dans la dé-cadence des día-logues, DADA déshabille demain, délivre des donneurs à dire ; déchire, dévore, digère, défèque, les doctes dogmes des dogues donneurs d’ordres.
Ainsi, DADA-Durgā, dévêtue, déploie ses dunes de désirs devant DADA-dents-dures qui aux doutes du destin, déboute dieu.
Alors, derviche déculotté, DADA débonde dard durci aux décolletés des duègnes, aux déduits des donzelles.
Et DADA-démiurge en dentelles diurnes darde déviant et danse, danse dans le déni des déités, le dédain des diktats et danse, danse aux déserts déso-pilés, dédales du désastre.
 
©Béatrice Pailler
Revue SOUFFLES Les écrivains Méditerranéens
N° 252-253 « Mon Grand DADA » Août 2016
 
 
 
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10 décembre 2016 6 10 /12 /décembre /2016 08:15
Eden - Béatrice Pailler

Edvard Munch

 

 

 

Dis-moi

Qui es-tu ?

                                                         

Mais le ver tueur au cœur de fiel si charmant.

 

Alors

Qui hais-tu ?

                                              

Ce vertueux chœur du ciel qui charme et ment.

 

©Béatrice Pailler  



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1 octobre 2016 6 01 /10 /octobre /2016 06:47
Élévation – Béatrice Pailler
©Paul Delvaux
 
 
 
Là, où l’éther se mêle
Au cœur saint de l’amante nue,
L’âme hante la nue,
Vole, lutte, éternelle
Au sein du chœur des volutes.
 
©Béatrice Pailler



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