Le mensonge à la bouche
Par l’acier, le feu
Ils sont entrés.
Et du chaos naît le vide.
Le vide
Voleur d’espoir
Voleur de liberté
Le vide cette tombe
Eteignant tous regards.
Paupières
De neige
Une fêlure
Pour lumière.
Dans la brèche
Et sans haine
Cernée, blême,
La poussière
Pour larmes.
Le temps fait lieux
Là où vont nos pas
La terre est nôtre
Et de traces en sillons
Se creuse le voyage
S’engrange la distance
Ici s’éloigne le pays
Ici s’avive la chair
L’enfance s’y tient
Frêle et sans âge.
Partir, fort des vies
Que l’on protège
Mais revenir
Poings serrés.
Regards sur Monde
Face au vide qui miaule
Le chœur tragique des vivants.
Dans nos veines
L impossible attente.
Et la main qui se tend
Sur l’air telle une peau
Défend sa terre
Dénonce le fou
Refuse son joug
Nie la mort
Ici, tenir fait loi.
Chair contre acier
Résiste un peuple
Mères et enfants, vieillards
Hommes et femmes VIVANTS.
Un mot vacille. Vacuité du blanc. L’œil converse seul. De la ligne du sourcil aux commissures, il s’encre d’un nouveau souffle : salive du mot.
Paupières pressées, sous la pulpe des doigts, le vide infuse, forgé à clous. Sur l’étoffe des lumières, l’œil est au gouffre. De noires éclaircies font interstices. Échardes et impacts, mots lucides, brûlent les paupières.
Arrêt sur l’arrête du nez, descente à la pommette et, au crépuscule du cerne, sentir le mot battre sous la forêt des cils. Mot donné aux rives de l’œil là, où s’éteint le souffle.
Le matin verse aux vertes cimes. La forêt prend visage. Coiffe d’Iroise, chevelure d’algues, glauque est sa robe. La brume murmure blanche de nuit. Le feuillage brille de mille écumes.
Sur l’ailleurs, trouble réel, le poème porte visage.
Une lune en bouton perle sur la nuit. Telle l’aube, elle éclos pâle de senteur. Le silence est plein du déchirement des bourgeons qui éclatent mûris d’astres. Le vin doux de la vie court sous l’écorce et l’arbre étourdi de sève rêve à ses fruits
Nuit d’odeurs, la floraison soupire.
Le verger appelle. La forêt espère.
Aux branches de l’ombre le poème mûrit.
La ville débonde écumeuse d’un trop plein de décembre. Les néons giclent, bavards, lustres sous la peau des pluies. Aux vitres des cafés le monde s’embue de silhouettes rapides, de visages : flous cocons d’humanité.
Les lumières gouttent dans la chaleur consommée. Englacés aux miroirs, les mots bruissent en reflets de nous-mêmes
Dans un relent de lueur, quelques néons traînent tardifs. Mouvances du soir, les rues s’assourdissent.
Le froid retranche. Reste les ombres : excroissances à la nuit, pouls filant au macadam : un vibrato de talons, écho de leur humanité
Fin de saison début d’une autre, mais toujours l’appentis loge son bois. Les bûches disent le temps.
Elles parlent de la terre, de la hache et de la main qui la tient, de l’arbre et de la lumière qui l’habite. Les bûches disent l’hiver et le feu qui l’éloigne.
Lumière à dire, l’appentis de la page loge ses mots.
Il pleut. Il neige. La vitre crépite. Dehors et dedans s’entremêlent. Des fleurs de reflets embrassent la fenêtre. La brume des haleines mange la vitre.
L’heure n’a plus d’âge. Sa leçon apprise, elle joue aux sables du temps. Lointaine image du feu, la lampe grésille. Lumière boutant le froid, ici veillent les mots.
Pays tout à la fois sombre et pâle qui tarde à renaître, pays d’arrière-pluie au printemps hésitant. Des monceaux de feuilles, tels des essaims, comblent les sentiers et coagulent en nids : guêpiers où le temps s’enlise.
L’hiver toujours loge au ras des terres.
Pourtant, aux rives des feuillages, les fanions clairs des cimes s’échevellent : résilles aquarellées.
Mais déjà, repris par la brume, l’horizon se glace.
Pourtant, aux talus des nuages, une tache solaire grandit ; ombre juvénile, comme un souvenir de chaleur.
Mais déjà, repris par la brume, l’horizon s’efface.
Pays de mauvais temps où la glaise scelle le pas d’un poids séculaire, pays de marne au chant de silence.
Mais déjà, reprises par la vie, les boues verdissent nourries de brume.
Béatrice Pailler /Recueil SACRE
Éditions Racine & Icare 2019
http://www.editions-racine-icare.weonea.com/
Carine Roucan : 10 rue Jean Lemarcis 76610 Le Havre
Prix public 13€
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Il a plu,
Comme l’on pleure à regret
Sans violence, sans arrêt.
L’eau s’épanche sur la margelle des yeux.
Le feuillage verse à flot.
Aux rives de peau, le sel.
Il a plu,
Comme l’on pleure soulager
Dans l’abondance, sans regret.
Il est un silence
Plus émouvant qu’un silence d’homme.
Un silence
Où la brise emplit le vide,
Cueille l’aiguille d’un ciel-pin,
Où la brise trouble le vide,
Cueille l’œil au coin du matin.
collection Fibre.s, éditions la tête à l’envers (6€+ 1, 50 de frais postaux)
« Décembre a ses louves comme le temps ses heures : femelles efflanquées portant le don. Le silence inscrit dans leurs yeux se prolonge dans leurs pelages et l’amble de leurs pas, voué aux forêts, émarge au réel…. »
ce quelque chose de sauvage
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La nature règne, l’instinct ne demande qu’à vivre, et dans ces mouvements l’écriture parfois nous devance, bouscule nos prudences – alors naissent des apparitions, un sentiment de retrouvailles. Dans l’enfance déjà, les contes parlaient une autre langue qui traversait les apparences.
Avec Béatrice Pailler, cela s’éprouve par le corps – et le corps de la langue –, les jubilations qui naissent en sont végétales, animales, nocturnes et langagières.
Dans ses dessins, Valérie Rouillier porte une liberté, trace une sente plutôt qu’une route – elle incarne une spontanéité affranchie. L’acte poétique est fait de cette sincérité aventureuse.
Ainsi deux libertés ouvrent un bel espace où lire Louves devient une expérience, un ‘morceau de temps’ unique où le lecteur touche et déplie ce qu’il aime en lui de sauvage et d’amour de la langue, et à l’unisson des signes et des rythmes, des nuits, des forêts et des pages, nous touchons à la beauté.
Jean-Marc Barrier directeur de la collection Fibre.s
« Vieilles pierres, vieilles maisons, douceurs des pluies sur la mousse, vieux sentiers écornés du jour. Terre enceinte du destin, vert-dire. Un cerf, bois en feu, remonte à la source, une louve enfantine mord la bure des ombres, ici se parle encore la langue des oiseaux.. »
« La poésie de Béatrice Pailler est une quête. Elle vise, à travers une langue sensuelle et musicale, à réconcilier l’être et le Monde à la faveur d’une écologie mentale et généreuse. Qu’elle célèbre l’animal ou la nature, c’est toujours à la recherche d’une beauté qu’elle nous convie. Elle nous invite à la redécouvrir au plus secret du Monde et de l’intime. Poésie précieuse, pure, poésie du partage. L’œuvre de Béatrice Pailler nous invite à retrouver l’émotion des origines. Sa voix offre, en l’écrin ciselé du poème, tout un foisonnement d’images. Une gerbe d’inventivité, rare aujourd’hui. Lire Béatrice Pailler, c’est participer à une fête où l’intelligence et l’émotion célèbrent, par leur chant la beauté de la vie. »
Jaune, l’eau du soleil qui égratigne la verdeur :
Éclats aux tains des rivières.
Verte, l’eau des feuillages
Et, jaillissante de l’ombre,
Elle plonge au puits de l’onde.
L’eau pâle des averses niche dans le vent
Où l’opale des souvenirs verse dans la pluie.
De blanc et de gris, la lumière en brindille raye les pierres. Sur les flaques survit un tain d’ombre pareille à la nuit où des grains flavescents s’estompent tel le souvenir d’averses et de soleils épousés.
Sur le printemps aux clartés mouillées, éclatent le jaune et le vert.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...