Héritage du souffle, de Jean-Louis BERNARD, Ed. Alcyone, Coll. Surya, 73 p., Jonzac (Charente-Maritime), 2023, ISBN : 978-2-37405-107-9
On ne peut qu’être médusé par la poésie de Jean-Louis BERNARD. Les mots y éclosent dans une sorte de véracité primitive d’avant l’anthropocène.
grand silence blanc
du poème
où guette furtive
l’harmonie d’avant le monde
Comme si la parole, sans doute pré-biblique, était née directement du labeur des étoiles. Quand, dans une nuit fondatrice, chantaient l’impermanence du rivage / et la clarté / des abysses.
Tropisme vers des mots-gemmes (j’allais dire des mots rares ou précieux, mais cette poésie n’est ni maniérée, ni précieuse), souvent au pluriel, sans doute issus de quelque météorite langagière : lamaneurs, guipures, aménités, biffures, glyphes, chablis…
Proximité instinctive avec la nature :
l’orage tissait
de longs poignards
sur la blanche obscurité
des pierres
Ou bien :
Suivi
la puissance du fleuve
au plus intense
de sa lenteur
comme un frisson
sur les eaux fauves
L’absence, l’inachevé, la pliure de l’aube, les soleils apatrides, un songe démembré, la mémoire des berges, le dénuement des mortes-eaux, l’air haché de givre font partie constitutive de tout un monde où doutes, volcans, mystères, mais aussi douceur et bienveillance sont les incandescences poétiques chez Jean-Louis BERNARD.
L’écrivain conclut son recueil par :
et l’ombre que nous
abandonnons
arpente pérenne
les seuls chemins qui mènent
à ce qu’on ne voit pas
Foisonnement d’images, dans une mise en perspective dénuée de tout artifice, sans ponctuation ni titre, avec juste une majuscule au début de chaque poème. On remarquera également une mise en page impeccable sur un magnifique papier nacré.
Oui, tout au long de son œuvre, le présent auteur a du souffle. Héritage (selon l’adage latin : on naît poète, on ne le devient pas) ou patient labeur à l’écoute de son subconscient ?
©Claude LUEZIOR
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