Éditions Librairie-Galerie Racine, Paris,
4e trim. 2020, 168 p., ISBN : 9-78-2-2430-4831-5
Au-delà d'un humour bienfaisant, ce livre est un cri aux frontières de notre humanité qui est parfois (souvent) décrite de manière monstrueuse dans l'Ancien Testament.
Ces pages peuvent générer une certaine remise en question de nos croyances toutes faites car la très sainte Bible, socle de notre civilisation judéo- chrétienne, est censée être belle, rassurante...
Or, en réalité, les textes d'avant le Christ sont souvent (mais pas toujours) une accumulation d’horreurs : à Sodome et Gomorrhe pas un seul juste, tous les habitants furent brûlés vifs : préfiguration d’Hiroshima. Et Luezior d'ajouter : et les enfants / et les bébés ? Somme de crimes, d’holocaustes : l’invasion de Canaan, la destruction et le carnage à Jéricho (aux cours d'instruction religieuse, l'histoire des trompettes nous avait pourtant été décrite de manière si candide !)
Barbarie : Vous avez laissé la vie à toutes ces femelles ! Maintenant tuez tout enfant mâle, tuez aussi toute femme ayant partagé la couche d’un homme. Et pourtant il est maintes fois répété que Yahvé est bon...
Somme d’incestes, de trahisons, d'ostracismes, d'anathèmes.
Pour ce qui de la forme du présent livre, on retrouve toujours le style ciselé de l’auteur qui est un nautonier du mot. Luezior a cette langue rigoureuse, celle qui rend si proche de ce gris argent du matin, cher à L.R. des Fôrets.
Quant au fond, il faut souligner la somme de citations, de recherches, de minutie que représente un tel ouvrage, travail de chartreux, mots rédigés à travers les tourments de l’ombre, respirations profondes.
L’auteur débarrasse les textes anciens de leur gangue pour en faire ressortir l’effroyable. Paradoxalement il sait malgré tout atténuer une partie de leur noirceur par son humour, par des réflexions inattendues : remarques burlesques, surtout en ce qui concerne la Genèse : Le sage Noé, charpentier amateur de son état, était tout à la fois zoologue et botaniste. Dans son arche, véritable cage à poulets, il enferma quelques millions d’espèces ! (...) Les baleines furent dispensées de figurer dans cette histoire pour raison de corpulence et les sardines ironisèrent sur le manque de place dans la boîte à Noé.
Autre sourire, après la faillite de la tour de Babel : Grammairien dans l’âme, le bon Yahvé fit de sorte qu’ils n’entendent plus le langage les uns des autres : désespoir des potaches du monde entier.
Disparités scripturales évidentes lorsqu'apparaît soudain un puissant hymne à l’amour dans le Cantique des Cantiques : Tes deux seins sont comme deux faons, jumeaux d’une gazelle. Et Luezior de commenter : de quoi faire convulser une bonne douzaine de pères de l’Église, non ? Par ailleurs, l’auteur ne peut s’empêcher de poser une question intéressante : combien de livres bibliques ont-ils été écrits par des femmes ?
La vie se nourrit d’interrogations. L'auteur de ce livre précise que les exégètes démêlent le vrai du faux, la fable de la réalité, le symbolique du révélé. L'Ancien Testament est peint dans une plume trempée dans le Nil, le Tigre, l’Euphrate, le Jourdain, où l'on perçoit un Yahvé manichéen, cruel et jaloux : nous a-t-il fait à son image où l’avons-nous plutôt fait à la nôtre ?
Il est impossible de ne pas souligner les similitudes entre l’Ancien Testament et notre monde actuel où se perpétuent des conflits au nom d’un Dieu unique sensé être l’alpha et l’oméga de l’humanité.
Et Luezior de conclure : ce qui est rassurant, c’est la présence, dans le Nouveau Testament, d’un rebelle d’un nouveau genre, incarnation du pardon, et de l’amour : le Nazaréen Jésus Christ.
L’Ancien Testament, déluge de violence est un recueil puissant, qui ne peut laisser personne indifférent : il atteste que nous ne sommes toujours que le refleurissement de nos cendres aussi bien dans la barbarie que dans l’amour.
Nicole Hardouin