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24 novembre 2023 5 24 /11 /novembre /2023 07:44

REPOS– huile – 1983 - Monique Thomassettie
Imaginaire (170 cm x 150 cm)
Tableau mis en ligne sur mon site.
 
© Monique Thomassettie


 
 
 
RESTER SOI-MÊME !
Une interview écrite parue dans la regrettée revue « Remue-Méninges » en décembre 2003.

 
 
Salvatore Gucciardo : Tu conjugues admirablement l'écriture et la peinture. Comment expliques-tu cette effervescence créatrice ?
 
Monique Thomassettie : La réponse se situe peut-être dans les astres... Mon thème astrologique révèle deux trigones. Ceux-ci expliquent-ils mes deux arts ? Ce qui est certain, c'est qu'un impérieux besoin d'expression m'anime, et cela depuis mon enfance. Ma peinture et mon écriture sont des formes différentes d'une même aspiration, d'une même tension, d'un même désir spirituel et gourmand (« le bon goût ») de découvrir, de recréer ou de créer un sens, une harmonie, un équilibre qui me comblent. Qui me comblent dans la mesure où ma forme (peinte ou écrite) est artistique.
 
S. G. : Ta démarche a une structure insolite. On est subjugué par ta vision. De quel courant artistique te réclames-tu ?
 
M. T. : Je ne me réclame d'aucun courant : j'aime tout ce qui est artistique ! Des écrivains, comme des peintres, très différents me parlent et me touchent, à des niveaux divers. Nous sommes multiples et ouverts. Ma vision... Je vois en moi, je lis en moi. C'est une introspection où l'acquis et l'inné se mêlent. Introspection où je me dépasse, où je rencontre l'univers et ce que l'on nomme « inconscient collectif ». En Soi.
 
S. G. : Quels sont les poètes et les peintres qui te sont sensibles ?
 
M. T. : Étant sensible, c'est-à-dire réceptive, aux génies, je pourrais en citer beaucoup. Différents artistes (peintres et poètes sont ARTistes) m'ont parlé et aidée, et continuent de le faire, à différents vécus de mon cheminement. Plutôt que des noms, je devrais présenter les œuvres qui me réconfortent et m'émeuvent. Elles me reviennent parfois dans mes écrits, non comme références ou points de départ de ma créativité, mais soit comme réponses à mes désarrois, soit comme confirmation de ma propre intuition.
 
S. G. : Liberté et épanouissement sont les maîtres mots de l'art contemporain. Y a-t-il une dérive dans la noblesse créative ?
 
M. T. : Trop d'« épanouissement » peut aboutir à un relâchement qui demanderait une forme pour le contenir. Forme. Et composition : la dispersion, les débordements, la démesure demandent aussi d'être composés. La liberté créative devient noblesse dans la rigueur, l'authenticité, l'autocritique inlassable. Si c'est un jeu exaltant, c'est aussi un travail qui fatigue.
 
S. G. : L'art est une fonction décorative, ou salutaire ?
 
M. T. : Pour Oscar Wilde, l'art est « tout à fait inutile ». Pour Yehudi Menuhin, l'art est « espoir pour l'humanité ». Pour moi, l'art est foi en la création, il est création, et amour. La décoration ? Je préfère choisir la couleur de mon salon en fonction d'un tableau, plutôt que l'inverse. Néanmoins, je confesse avoir un jour peint une grande toile (170 cm x 150 cm) dans les tons de mon intérieur : une commande passée à moi-même dont je me suis félicitée ! Le titre de ce tableau : Repos.
 
S. G. : Quel est le rôle de l'artiste dans notre société de consommation ?
 
M. T. : Rester soi-même. Dire « je » face aux modes et aux engouements.
 
S. G. : La femme est devenue une force créative qui s'exprime à l'égal de l'homme. Comment perçois-tu ces deux sensibilités ?
 
M. T. : Je répondrai par le concept d'androgyne... Je puis parler de moi au masculin comme au féminin, car la créativité n'est ni masculine ni féminine. Elle relève d'une Totalité. La différence se situerait dans la qualité de l'aspiration à cette totalité : « féminine » ou « masculine », ou ceci ou cela. Ici, l'on serait dans les genres, et plus particulièrement dans les styles. Les sujets étant secondaires : ce n'est pas le sujet qui fait l'œuvre d'art, c'est la manière de le présenter. Et la manière reflète moins le sexe de l'artiste que son caractère ou son tempérament, que sa personnalité profonde, que la sublimation sans laquelle l'artiste ne serait pas artiste.
 
S. G. : La société a perdu le sens des valeurs humaines et spirituelles, elle cherche une nouvelle raison de vivre, quelle est la raison de sa crise ?
 
M. T. : Est-elle vraiment en crise ? Ou en mutation ?
 
S. G. : Ton écriture et ta peinture sont-elles une même expression, un complément, ou deux langages différents ?
 
M. T. : Exprimant le même univers, ma peinture et mon écriture inévitablement se rejoignent. Elles sont donc une même expression. S'il m'est arrivé et s'il m'arrive encore parfois d'écrire à partir d'un de mes tableaux, ce n'est pas pour le « compléter », c'est pour formuler ce que je vivais en le peignant. Je me laisse aller à ces confidences lorsqu'elles ont une place précise dans le cours de mes écrits qui me les rappellent soudain. Oui, ma peinture et mon écriture sont une : c'est moi ! Je suis peintre dans mon écriture. Je suis écrivain dans ma peinture.
 
S. G. : Dans une société en pleine mutation, quel est le devenir de l'art ?
 
M. T. : Les âges d'or et les décadences ont toujours existé. Allons-nous vers un âge d'or ou vers une décadence ? La Nature résoudra-t-elle ce problème Culturel ? Dans tous les cas, l'âme de l'art, ce qui l'anime, demeurera.
 
S. G. : Te sens-tu plus proche d'un Fernand Khnopff ou d'une Leonor Fini ? De Marcel Proust ou de William Blake ? De Valentine Hugo ou de Marguerite Yourcenar ? De Rabindranath Tagore ou d'Octavio Paz ?
 
M. T. : Marcel Proust ! Sa lecture me fut révélation ! Je le découvris à 23, 24 ans, et le relus plus tard. Il reste mon maître en écriture, et mon maître à sentir. De William Blake, j'ai lu une dizaine de poèmes. Je me rappelle leur riche tréfonds. Et la reproduction d'un dessin, vue il y a très longtemps : Dieu et Diable y étaient les deux aspects d'un même être. La seule image de cette dualité valait pour moi des volumes de philosophie. (Il est beaucoup de dualités). En ce sens, Blake m'est resté, en partie, un maître à penser.
J'admire le métier, la révolte et l'atmosphère de Leonor Fini. Je vibre à la touche picturale, ineffable et noyée de Fernand Khnopff. Je me souviens d'un intérieur, une cheminée, exposé à Bruxelles face à une autre cheminée de James Ensor. Je les aimais toutes les deux. J'avoue, non sans honte, mes lacunes : je ne connais pas Valentine Hugo et je n'ai pas lu Octavio Paz. De Tagore, j'ai lu, voici plus de vingt ans, deux pièces de théâtre. Et de M. Yourcenar, quelques poèmes, des réponses à une interview et les merveilleuses « Nouvelles orientales ».
 
S. G. : Es-tu Thérèse D'Avila ou Simone de Beauvoir ?
 
M. T. : Ni l'une ni l'autre. Ou les deux à la fois ! (L'une n'empêche pas l'autre). C'est-à-dire femme mystique et femme devant se situer à côté de son Sartre de compagnon. Dualité !
 
S. G. : Si Monique Thomassettie devait choisir la plume ou le pinceau, quel serait son choix ?
 
M. T. : Depuis des années, mon énergie créatrice passe dans ma seule écriture, quelques dessins   mis à part qui sont d'ailleurs, comme le disait déjà Cocteau, des écrits. En 1994, je chantais :
 
La matière m'habite
Plume et pinceau croisent leur fer
pour imposer la forme
à mes dociles doigts
 
La plume m'a ravie
En son intarissable vol
elle m'emporte
 
 
 

©Monique Thomassettie- 2003
 
Interview que j’ai reproduite dans mon livre Moments d’une Psyché (Beaux-Arts, M.E.O. 2011)
   

 


 
 
 

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