C’est un après-midi comme je les aime,
Un après-midi de musique ancienne,
Douce, lointaine,
Du temps de Léonard de Vinci,
Celle qu’il a peut-être écoutée
Aux rythmes de quelques troubadours
En peignant la Joconde !
Les persiennes presque closes
Assombrissent l’atelier,
L’été se veut caniculaire,
Le chat dort sur la fraicheur du carrelage,
Une psalmodie du monastère de Cluny
Susurre les psaumes,
Mon âme se fait alors vagabonde
Perdue dans ces prières grégoriennes.
Voilà bien un élixir d’impertinence et de jouvence ! Et nous en avons bien besoin !
Le livre s’ouvre sur ces quelques mots de Boris Pasternak :
« Il siérait aux étoiles de rire aux éclats
Mais quel trou retiré que ce monde »
Et Jeanne Champel Grenier va pourtant s’employer avec brio et l’humour qu’on lui connaît, dans quarante-trois nouvelles aux univers très différents, à semer dans ce vide sidéral tendresse, rires, lucidité, chaleur et rébellion –sans jamais cesser d’interroger l’humain, sans jamais cesser de porter sur lui un regard d’ironie tendre.
On peut lire ainsi page 43, dans la nouvelle intitulée Doutons un peu :
« Au commencement sur la terre, il n’y avait que des huches à pain, des huches à pain en pin, du nord au sud en passant par les Mistiches. Un beau jour, l’une d’entre elles dit :
-Et si on faisait un homme ? »
Et de conclure dans cette chute succulente comme une miche bien chaude :
« En résumé, si on regarde de plus près, le tout tendrait à prouver, même si l’exégèse est toujours par nature exagérée, que l’homme descendrait plus de la huche à pain que du singe ; ce qui expliquerait en partie le grand vide sidéral qui s’ouvre en lui lorsque son boulanger est fermé. »
Jeanne Champel Grenier enchante, célèbre et égratigne avec talent et générosité.
Une mention spéciale pour l’univers aussi beau qu’étriqué de la poésie avec un grand P, chasse gardée de quelques grands pontes autoproclamés et d’amis d’amis de ces mêmes pointures, dans la nouvelle La poésie : un lien indestructible, traité de tolérance et d’ouverture toute feinte qui se termine en pugilat. La poésie doit-elle vraiment être faite par tous ? Que nenni ! On comprend bien les intérêts à la maintenir dans ses cercles restreints !
Enfin, j’aimerais aussi mentionner (et le choix de l’une ou l’autre de ces nouvelles a été difficile) le délicieux dialogue tenu dans la chambre 310 d’un hôpital entre notre auteure et une patiente rebelle de quatre-vingt-dix-huit ans qui s’obstine à voir des cerisiers blancs dans la vallée de l’Eyrieux, là où s’étendent à perte de vue des pêchers roses. La mémé Vernet a fait le mur pour rejoindre son ancienne école, pour vivre encore. Et c’est la leçon que l’on retient entre toutes.
La vie est plus forte que tout.
Refermant ce livre plein d’ardeur et d’humour je pense à ces vers de René Char qui siéent si bien à Jeanne Champel Grenier :
« la lucidité est la blessure la plus proche du soleil. »
Voyez toutes ces hirondelles
Elles vont et viennent à tire d’ailes.
Bonjour, M’sieur Printemps, bienveillant !
tu les accueilles en souriant.
Et, d’où venez-vous donc, les belles ?
Et qu’est-ce, qu’ici, vous appelle ?
Comment traduire la mélodie
De vos clameurs qui psalmodient
Les vieux, les jeunes et les petits
Que l’on aperçoit, tout blottis,
Dans vos nids, cachés prudemment,
Sous nos toitures, prestement.
Des oiseaux de tout l’Univers
Premiers à affronter l’hiver
Qui traine, encore, à s’en aller
En oubliant quelques gelées ;
Vous êtes un enchantement !
Soyez les bienvenus, vraiment !
Ah, ce retour de migration
Du printemps est célébration…
Ombrelle à coccinelle,
Petit bol de rosée,
A toi je me lie
Liseron,
J’aime ton teint si pâle
Ton parfum virginal
Qui jamais ne s’impose.
Il ne vient pas à moi
Comme celui de la rose.
Il est timide et doux,
S’amourache et s’enlace
D’un amour si tenace.
Liseron,
Au fil des tourbillons
A tissé broderie,
Si longue rêverie.
En 1953, la Knesset (Assemblée Législative de l'État d'Israël) créé, à Jérusalem, le Mémorial de Yad Vashem consacré aux victimes de la Shoah. Parallèlement, elle souhaite rendre hommage aux "Justes parmi les Nations" qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs. Le titre de Juste est décerné au nom de l'État d'Israël par le Mémorial de Yad Vashem.
La sortie d’un nouveau recueil de Claude Luezior est toujours une prime à la beauté poétique, un hymne d’amour pour la vie et l’humanité. Voici le premier poème de son nouveau recueil intitulé « L’itinéraire » publié chez Librairie - Galerie Racine à Paris
L’Inde
sous les paupières closes
d’un seul enfant
au panthéon de leurs dieux,
leurs rues sont miennes
en cette seule ferveur
où se côtoient d’infinis rituels :
amours, braises et épices
cet enfant de toutes les dynasties
futur maharaja, brahmane
ou intouchable, peut-être
sa mère le sait déjà
sur les marches des ghats
tourbillonnent sur son sari
transes pour d’obscures castes
et bûchers où crépitent
misères et blasphèmes
Shiva veille
le couple déambule
sur les arêtes d’un miracle
à l’unisson, des murmures
tentent de s’approprier
leur infinie tendresse
s’enchevêtrent çà et là
une trame de dévotions
rituels et taudis
l’architecture
descend infiniment
vers le fleuve des prodiges
rue, esplanade, escaliers
sont aussi miens
parce que je suis homme
en cet itinéraire de crémations
juste avant le cycle
des renaissances
enfant en bois de santal
mille fois sacré
sur le dos de maman
Je voudrais moi aussi, dans le maïs roumain
dans les champs d'oliviers d'Espagne ou de Sicile,
m'enraciner profond ; j'aurais un chien bâtard
mauvais pour l'étranger, un autre caressant
faisant ployer la main blanche des jolies filles.
L'aïeule monterait son raidillon glissant
de galets noirs jetés dit-on depuis les îles :
Tous autant de regrets des pas des revenants
Je voudrais m'en aller arpenter d'autres sphères
au milieu des mûriers sans autre cimetière,
où ni l'école ni les grilles noires des clochers
ne sont plus des remparts à la mer, aux rochers.
Dans tous les ports du Nord, je serais ''le Slavon''
au seuil de l'occident limitant les Russies,
-serais inaperçu ; au-delà de Tachkent
traverserais le pont jusqu'aux mers du Japon(...)
Des histoires d'ombre et de fumées roussies
à raconter... J'aurais des images patientes,
lettres en papier jauni d'essais de poésie
où Varsaw peu à peu approxime l'Asie.
Une mèche dorée enroulée sur le front
ferait sourire avec mon air de fier luron...
L'âme de mon pays composerait un Chant
plein de magiques mots, -formules déclenchant
à la fois les larmes et la mélancolie.
Mais au lieu de cela mon cœur prend n'importe où
Sous la plante des pieds, là est bien ma patrie...
Sur la route si lente errent les hommes fous.
Nuages bien formés,- Oh ces ballons filant
emportés par les flots prenant toujours la fuite
du lieu que j'ai choisi. Et c'est en m'en allant
toujours un peu plus loin que je vais vivre ensuite.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...