Les traductions en occitan limousin et en italien sont de Béatrice Gaudy
Les brumes bêlent dans les prés
les nuages moutonnent dans le ciel
C’est la grande transhumance des nuances
en laquelle s’estompe
la séparation de l’éther et de la terre
Tenu encore à distance
par le flamboiement des arbres
inexorablement se rapproche pourtant
le berger au souffle de glace
dont les paroles sont des halos
qui s’élèvent vers les étoiles
comme en un chant d’enfant
* * * * * * * *
A l’ouraio de nouvèmbre
La bruma belen din l’oû par
loû nuagei moutounen din lou ciau
Qu’ei lo grando transumancio de la nuança
en lo qualo s’estoumpo
lo separaci de l’etèr e de lo terro
Tengu denguèro à distancio
pèr lo flambour daû aubrei
ineisourablamen se raprocho pertant
lou bargie au soufle de glaço
dount la paroula soun daû alo
que s’eileven ver la etiala
coumo en un chant d’efant
* * * * * * * *
Sull’orlo di novembre
Le foschie belano nei prati
pecore sono le nuvole nel cielo
E la grande transumanza delle sfumature
Bella quale si attenua
la separazione dell’etere e della terra
Tenuto ancora a distanza
dal fiammeggiare degli alberi
inesorabilmente si avvicina tuttavia
il pastore dal fiato di ghiaccio
le oui parole sono degli aloni
che si innalzano verso le stelle
come in un canto di bambino
Je deviens homosexuel
quand on s’en prend à mon frère parce qu’il l’est.
Merveilleuse tolérance du formidable poète qu’était Louis Delorme. Tolérance qui se perd tragiquement chez certains politiciens que j’aurais tendance à nommer « politichiens » et encore, ce serait une insulte pour les chiens ! Je. ne suis pas homo, mais je respecte celles et ceux qui le sont car ils sont mes frères et mes soeurs en humanité ! (Jean Dornac)
La haine des homos tend à se propager :
C’est une ignominie à nulle autre pareille !
Sous l’insulte souvent la barbarie sommeille,
Nous tous que faisons-nous pour la décourager ?
L’homme est un animal qui devient enragé.
Ce vieux mal, la bêtise aveugle le réveille ;
Pour son obscure fin le navire appareille,
Si nous ne faisons rien nous allons « naufrager. »
Certaine religion, à ce qu’on dit s’en mêle :
Elle n’évolue guère et laisse des séquelles
D’un temps où l’ignorance empêchait de bien voir.
Mais de nos jours aucune raison ne subsiste
De s’en prendre à celui qui par nature existe
Et qui d’être autrement n’a pas reçu pouvoir.
Je glisse… Je glisse
tel un murmure de sève…
Je glisse en silence
et jamais le présent
ne se pose sur la pierre…
Tous les cris
à peine éveillés
retournent dans la mer…
L’ombre aspire
nos voix trop frêles
qui s’éloignent
de nos gorges perdues…
Je glisse… Je glisse
sans fermer les paupières…
Le regard ne suffit pas
à retenir les paysages…
Comment jaillir
plus loin que notre marche
quand notre course aveugle
appartient à l’autre rive…
Ah ! si seulement
j’avais appris l’éternité
je ne glisserais plus
comme une larme
sur le visage anonyme
d’un univers imperturbable…
De quelle triste lumière
suis-je donc habité
pour n’être même pas
une chose qui passe
et qui s’offre indifférente
à l’ultime plénitude
de l’espace absolu ?…
Je glisse… je glisse
et ne vaut même pas
une simple prière
ni même le feu
d’une étoile infinie
qui tourne… tourne…
sa gloire d’étincelles
dans les bras de l’oubli…
Je glisse… je glisse
et ne sens même plus
la main ferme des jours
dans la forge du coeur !…
parfois un oiseau te frôlait de son aile
et je te parlais de soif
de ces cerfs qui scissionnent les plateaux
tranchant jaune le genêt
je te disais les saisons du visage
de l’anémone printanière à l’anémone soufrée
la terre nous ouvrait son flanc de blocs ardents
en plein ciel parait à la nudité sur le sein
de ton abîme
les soubresauts d’une montagne que l’on croyait
éteinte
montrait sa dimension sauvage
poumons de tonnerre sur l’herbe basse
que forçaient tes rayons
que forçaient tes étreintes
derrière les barrières de feu et ses travaux en cours
dormait ce rêve de nous que nous inventions de vivre
et je buvais la trame et l’épilogue dans ce bol arrondi
que tu levais dans le jour
Oui, le poète a soif, soif de souffle, soif de transcendance.
Il hésite dans les éboulements de ses délires, de ses émotions.
Aux aguets dans les échos de sa glaise primitive, il écrit sur le sable mouvant de sa vie avec pour escorte un phare lointain qui l’écorche, le vivifie, le fascine.
Le poète est fou génial.
Grand veneur, lâchez vos chiens.
La meute hurlante sonne l’hallali, ce n’est, peut- être, que l’explosion réussie d’une mise à mort de l’énigme créatrice.
Grand veneur, lâchez vos chiens. Je vous attends.
Passez ronces et épines, trouvez la trouée, nous possédons la foudre et les éclairs, filets à la reliure des cicatrices
Nous sommes à la fois marbre et sculpteur, vin et eau, éclairs au bleu des veines.
Obscure ivresse.
Voler vraiment de ses propres ailes
Pas seulement en un rêve éblouissant
Embrasser l’univers d’un seul regard
Posséder le don divin d’ubiquité
Franchir les frontières du corps
Flotter en apesanteur autour de la terre
S’ébattre en un paradis de plafond d’église
Sans le cortège des saints et des chérubins
Aux seuls ronronnements des jets et des satellites
Ne plus être le lilliputien mais le géant
Autant dire Dieu tel que l’homme le conçoit
Rien qu’une fois juste une fois pour voir
Pour voir au-delà de notre horizon de fourmi
S’unir la beauté et la laideur du monde
Un rêve bien sûr, rien qu’un rêve, et pourtant…
Pierre Jakéz Helias est né à Pouldreuzic (Finistère) en 1914 d’un père qui est à la guerre : élevé en breton, l’enfant deviendra un élève du Lycée de Quimper et finira par enseigner méritoirement le français en divers coins de l’Hexagone. En 1945, il est rédac’chef de « Vent d’Ouest » du Mouvement de libération nationale, anime des émissions en breton sur radio Quimerc’h et devient président d’Ar Falz qui incarne la culture bretonne des enseignants laïques. Il collabore aussi aux Fêtes de Cornouaille.
Tous ces titres de gloire rencontreront cependant, par la parution de son livre, une farouche mobilisation de la part de militants bretons dont le plus mordant sera donc Xavier Grall, fraîchement rentré de la capitale et lassé d’y être apostrophé pour sa « gueule de breton ». Sa conscience militante ne s’en trouve-t-elle pas suraiguisée au point de lui faire déverser sa bile, quelquefois sans nuance, sur le « folklorisme fossilisant » de l’auteur désormais « à succès » : Helias. L’épisode a immanquablement marqué les esprits ! C’est que la réponse cinglante de Grall donnera lieu, nous le disions, à un livre-réponse sous le titre « Le Cheval couché » qui a valeur d’un blâme à l’égard du côté rétrograde et carpetteux de son désormais célèbre confrère : sauf que son plaidoyer revêt tous les attributs du dépit amoureux face à l’irrésistible ascension de ce Jackez l’ancien, comme il se plaît à le qualifier irrévérencieusement. Et, pour le lecteur du temps présent et étranger à la géopolitique de cette querelle, le portrait-charge finit par lasser, suscitant comme un malaise face à la disproportion entre le reproche et le corps du délit, si délit il y eut jamais.
Précisons néanmoins que Xavier Grall, à qui nous devons de belles évocations de destins exceptionnels (James Dean, François Mauriac, Arthur Rimbaud et, sans doute Le plus beau : Lamennais), avouera tardivement regretter tout bonnement ce livre.
Il ne nous revient nullement, comme observateur extérieur, de juger du bien-fondé quasi politique de ces réactions dont nous ne partageons – et moins encore ne partagions – pas le contexte. Simplement, il peut sembler légitime de reprendre quelques critiques adressées à l’auteur-cible comme de relever, ensuite, les illogismes dont le temps paraît avoir constellé la diatribe. Les mots sont forts de la part de Grall quant à ses reproches dont certains sont quelque peu décoiffants, comme celui d’en vouloir à Helias d’avoir enseigné le français et de participer à l’extinction de la langue bretonne !
nous sommes assis dans l’herbe
des océans entre nous
là-bas, nos rêves et désirs serpentent, paresseux
de quelque part arrive un air raréfié
tel un souvenir, jusqu’ici
et se dépose sur nos yeux
sa brume fait vaciller la lumière
nous ne sommes pas seuls
bien qu’un monde nous sépare
nous portons sur nos dos et nos bras
dans nos yeux et dans nos corps
nos êtres antérieurs
que nous envoyons, à nos places
dans notre lutte éternelle
tels les spectres beaux et blancs
des flèches les transpercent comme si ne serait-ce que l’air
ils ronflent telle la flamme ou telle la mort
fatigués, nous restons dans l’herbe
avec tout ce que nous appartient
l’air nous remplit les narines et les yeux
coule sur nos corps tel un fluide opalescent
doucement, ces spectres beaux et blancs commencent
à se couvrir de chair et de sang, de peau et de poil
dans une épreuve tendre et nouvelle
nous sommes assis dans l’herbe
rien entre nous
seul le goût différent de nos larmes
qui coulent doucement sur nos visages,
comme autrefois
l’huile sur la barbe d’Aaron.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...