parfois un oiseau te frôlait de son aile
et je te parlais de soif
de ces cerfs qui scissionnent les plateaux
tranchant jaune le genêt
je te disais les saisons du visage
de l’anémone printanière à l’anémone soufrée
la terre nous ouvrait son flanc de blocs ardents
en plein ciel parait à la nudité sur le sein
de ton abîme
les soubresauts d’une montagne que l’on croyait
éteinte
montrait sa dimension sauvage
poumons de tonnerre sur l’herbe basse
que forçaient tes rayons
que forçaient tes étreintes
derrière les barrières de feu et ses travaux en cours
dormait ce rêve de nous que nous inventions de vivre
et je buvais la trame et l’épilogue dans ce bol arrondi
que tu levais dans le jour
Oui, le poète a soif, soif de souffle, soif de transcendance.
Il hésite dans les éboulements de ses délires, de ses émotions.
Aux aguets dans les échos de sa glaise primitive, il écrit sur le sable mouvant de sa vie avec pour escorte un phare lointain qui l’écorche, le vivifie, le fascine.
Le poète est fou génial.
Grand veneur, lâchez vos chiens.
La meute hurlante sonne l’hallali, ce n’est, peut- être, que l’explosion réussie d’une mise à mort de l’énigme créatrice.
Grand veneur, lâchez vos chiens. Je vous attends.
Passez ronces et épines, trouvez la trouée, nous possédons la foudre et les éclairs, filets à la reliure des cicatrices
Nous sommes à la fois marbre et sculpteur, vin et eau, éclairs au bleu des veines.
Obscure ivresse.
Voler vraiment de ses propres ailes
Pas seulement en un rêve éblouissant
Embrasser l’univers d’un seul regard
Posséder le don divin d’ubiquité
Franchir les frontières du corps
Flotter en apesanteur autour de la terre
S’ébattre en un paradis de plafond d’église
Sans le cortège des saints et des chérubins
Aux seuls ronronnements des jets et des satellites
Ne plus être le lilliputien mais le géant
Autant dire Dieu tel que l’homme le conçoit
Rien qu’une fois juste une fois pour voir
Pour voir au-delà de notre horizon de fourmi
S’unir la beauté et la laideur du monde
Un rêve bien sûr, rien qu’un rêve, et pourtant…
Pierre Jakéz Helias est né à Pouldreuzic (Finistère) en 1914 d’un père qui est à la guerre : élevé en breton, l’enfant deviendra un élève du Lycée de Quimper et finira par enseigner méritoirement le français en divers coins de l’Hexagone. En 1945, il est rédac’chef de « Vent d’Ouest » du Mouvement de libération nationale, anime des émissions en breton sur radio Quimerc’h et devient président d’Ar Falz qui incarne la culture bretonne des enseignants laïques. Il collabore aussi aux Fêtes de Cornouaille.
Tous ces titres de gloire rencontreront cependant, par la parution de son livre, une farouche mobilisation de la part de militants bretons dont le plus mordant sera donc Xavier Grall, fraîchement rentré de la capitale et lassé d’y être apostrophé pour sa « gueule de breton ». Sa conscience militante ne s’en trouve-t-elle pas suraiguisée au point de lui faire déverser sa bile, quelquefois sans nuance, sur le « folklorisme fossilisant » de l’auteur désormais « à succès » : Helias. L’épisode a immanquablement marqué les esprits ! C’est que la réponse cinglante de Grall donnera lieu, nous le disions, à un livre-réponse sous le titre « Le Cheval couché » qui a valeur d’un blâme à l’égard du côté rétrograde et carpetteux de son désormais célèbre confrère : sauf que son plaidoyer revêt tous les attributs du dépit amoureux face à l’irrésistible ascension de ce Jackez l’ancien, comme il se plaît à le qualifier irrévérencieusement. Et, pour le lecteur du temps présent et étranger à la géopolitique de cette querelle, le portrait-charge finit par lasser, suscitant comme un malaise face à la disproportion entre le reproche et le corps du délit, si délit il y eut jamais.
Précisons néanmoins que Xavier Grall, à qui nous devons de belles évocations de destins exceptionnels (James Dean, François Mauriac, Arthur Rimbaud et, sans doute Le plus beau : Lamennais), avouera tardivement regretter tout bonnement ce livre.
Il ne nous revient nullement, comme observateur extérieur, de juger du bien-fondé quasi politique de ces réactions dont nous ne partageons – et moins encore ne partagions – pas le contexte. Simplement, il peut sembler légitime de reprendre quelques critiques adressées à l’auteur-cible comme de relever, ensuite, les illogismes dont le temps paraît avoir constellé la diatribe. Les mots sont forts de la part de Grall quant à ses reproches dont certains sont quelque peu décoiffants, comme celui d’en vouloir à Helias d’avoir enseigné le français et de participer à l’extinction de la langue bretonne !
nous sommes assis dans l’herbe
des océans entre nous
là-bas, nos rêves et désirs serpentent, paresseux
de quelque part arrive un air raréfié
tel un souvenir, jusqu’ici
et se dépose sur nos yeux
sa brume fait vaciller la lumière
nous ne sommes pas seuls
bien qu’un monde nous sépare
nous portons sur nos dos et nos bras
dans nos yeux et dans nos corps
nos êtres antérieurs
que nous envoyons, à nos places
dans notre lutte éternelle
tels les spectres beaux et blancs
des flèches les transpercent comme si ne serait-ce que l’air
ils ronflent telle la flamme ou telle la mort
fatigués, nous restons dans l’herbe
avec tout ce que nous appartient
l’air nous remplit les narines et les yeux
coule sur nos corps tel un fluide opalescent
doucement, ces spectres beaux et blancs commencent
à se couvrir de chair et de sang, de peau et de poil
dans une épreuve tendre et nouvelle
nous sommes assis dans l’herbe
rien entre nous
seul le goût différent de nos larmes
qui coulent doucement sur nos visages,
comme autrefois
l’huile sur la barbe d’Aaron.
Dans la mémoire évasive du temps,
Elle nous attend
Notre chambre idéale
Dont les paupières de lin blanc
S’ouvrent sur le lac
Où glisse une yole
Etirant deux blessures jumelles.
C’est l’heure méridienne
Où naissent les métamorphoses,
Les mains qui se frôlent
Les corps qui se cherchent
Et qui osent
Des corolles de baisers
D’où s’échappent des soupirs
Quand viennent mourir
A l’aube devinée
Les vagues soyeuses du plaisir.
''Caillou de lumière sur le sentier de la nuit''nous confie Hafid Gafaïti dans la belle préface de ce livre d'Art ; et je dirais très vite et de façon convaincue, que cette pépite encore brûlante vaut son pesant d'or, mesurée à l'aune de tout ce qui se publie sur cette planète.
La personnalité d'Eliane Hurtado marque aussitôt d'un sceau indélébile l'imagination de celui qui se trouve confronté à l'une de ses oeuvres ; on se situe à l'instant de création, mais à l'instant positif où la poésie élève la vision. Un chemin de lumière tel un serpent de feu ou de sang traverse parfois en diagonale le tableau, lui donnant une élégante pulsion ascendante. Il n'est jusqu'aux fleurs couleur rouge feu sur fond noir qui ne soient créations quasi volcaniques ; fleurs divines qui demeurent en la mémoire longtemps après le jaillissement initial.
Les mots de Michel Bénard, (grand peintre voyageur, poète lauréat de l'Académie Française entre autres cent titres de reconnaissance) sont comme une sereine et fidèle voix qui accompagne ce créatif chemin de beauté. Venus en écho d'émotion depuis les falaises et abimes lancés et colorés par la main inspirée du peintre Hurtado, ces mots nous accompagnent, ce sont les mots d'un habitué de ces lieux rares, un éclairé qui nous dit comment recevoir ce qui se présente à nous : un ami, poète et peintre de très grande qualité lui-même, qui nous guide sans effet de manches :
''Au cœur de la douceur/ D'un cloîtreocre-rose / Le regard en exil / J'ai découvert votre visage/ Rayonnant en toute tendresse/ Dans le cristal d'une perle de rosée...''( p.14et tableau''Alternance'' p.15)
''Dans l'onirisme imprévu/ D'une parenthèse de vie...S'imaginer pouvoir un jour/De la partition déchiffrer l'éternel''(p.28 et tableau : ''Errance fractionnée'')
Un livre sublime, riche de 160 pages où toutes les œuvres sont en couleur, ce qui hélas n'est pas toujours le cas dans les livres traitant d'Art et Poésie. Un livre exceptionnel où la parole sereine de Michel Bénard nous accompagne d'oeuvre en œuvre, ces planètes secrètes bien connues en tout point de lui seul, afin de ous inviter à
''Danser avec les galaxies / Sur les pouponnières d'étoiles / Jusqu'à la naissance sublime/ De la ronde des mondes/ Pour l'insolite de l'amour ( p.38)
Comment ne pas se laisser tenter par un tel voyage dont on ne peut revenir qu'augmenté ?
Plus de 70 textes poétiques de Michel Bénard face à autant d'oeuvres en couleur d'Eliane Hurtado, un ouvrage dont la couverture cartonnée format 32/32, présente une très belle et riche oeuvre en couleur sur fond noir, signée Michel Bénard !
Rêve de vitrail - Eliane Hurtado
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Adresses :
Madame Eliane Hurtado - 74 rue Championnet -75018 - PARIS
Monsieur Michel Bénard -124 rue de Vesle - 51100 - REIMS
8 mars
Dans sa course la plume ignore les écueils.
Elle écrit les climats, rédige les ambiances.
En sondant l’alphabet elle emplit des recueils,
Sa vaillance éludant toutes les obédiences.
9 mars
Le cran et la vaillance, en suis-je assez dotée
Pour affronter le sort à chacun réservé ?
Comme le meilleur pont, ai-je bien ma butée,
Contrefort préservant du péril aggravé ?
10 mars
Mais le péril nous guette à chaque coin de rue,
Masqué sous le soleil, embusqué dans le noir.
Il prend souvent l’aspect d’une coquecigrue
Qui, dans notre théâtre, hante le promenoir.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...