Depuis très longtemps
L’Un à l’Autre, étions très attachés,
Petit à petit son amour, en moi, a grandi
Sa beauté aussi.
Pourtant, très complice,
Parfois du mal m’a fait.
Quand, de rire, j’éclatais
Scintillante, Elle s’illuminait.
Elle aimait partager, déguster,
De la vie, toutes les saveurs.
Aujourd’hui, Elle est Partie
Pour un Autre ailleurs.
Frivole,
Dans les hauts jardins de l’imagination,
je te trouverai broyant la couleur
au revers du coquelicot éphémère,
accoudé au temps et à la butée des étoiles,
à fortifier la frêle charpente de la toile
que le couteau déjà entaille de son entière passion.
Je te trouverai absorbé dans l’intervalle
entre le geste et son intention,
entre la beauté et son interrogation,
au coeur d’une lumière différée,
à la torche ressaisie sur la cécité du jour
et dans le halo d’une certaine idée de l’amour.
Dans les hauts jardins de l’imagination,
tu me trouveras au dernier quartier lunaire,
sur la balançoire obstinée qui balaie le vulgaire,
à la strate du mot et à la nuque d’un bras de mer.
Tu me trouveras au sang bleu d’un théâtre mental,
à la mouette qui se cogne à la butée des étoiles.
Tu me trouveras dans l’étroit du mot,
dans l’écriture du ventre et son cachot,
entre le centre et le contour,
entre le dire et son silence,
au coeur d’une partition langagière,
à la torche ressaisie sur l’éphémère
et dans le halo d’une certaine idée de l’amour.
Je ne suis qu’un oiseau de passage
survolant un paysage éphémère.
J’écoute le silence de l’écume
d’un pays mutilé
par les tourbillons du temps.
Parfois les montagnes dévoilent
une chute d’eau,
un torrent argenté.
des fleurs multicolores parfument l’espace
ensorcelantes fragrances .
où sont les hommes ?
Ils ont quitté la terre martyrisée
pareils à des animaux
quittant le navire avant le naufrage
ils sont partis vers d’autres sphères.
avec leurs rites
de la pensée
les souvenirs barbares
rugissent en moi
d'inépuisables courbes
telles des blessures
ne cessant leur agonie
me voilà confronté
au vivre qui s’épuise
à cet appel trépignant
ses impatiences
aux indicibles aveux
quand chuinte encore
le va-et-vient du tourment
pour avoir donné le feu
Prométhée souffre l’aigle
qui lacère son ventre
et savoure ses entrailles
pour avoir trop aimé
le voici proie
de l’implacable loi
être la plaie furieuse
qui enfle, machinale
au souvenir du temps
façonner le gouffre
s’y couler, s’y noyer
une nuit dernière
en résines d’éternité
l’épaisseur du noir
monte et m’envahit
suis-je encore homme
au parapet des vertiges
ou châle que l’on jette
quand s’inscrivent
La Guerre, d'Otto Dix, triptyque peint entre 1929 et 1932
Mais qui sont ces ignobles
Fossoyeurs des droits de l’homme,
A propos de qui, de quoi,
En fonction de quel droit,
Au nom de quelle loi
Brisent-ils l’écho de nos voix,
En raison de quel pouvoir osent-ils
Déclencher une tragédie mondialisée.
Mégalomanie démesurée,
Insoutenable paranoïa
Aveuglée des fumées de la vanité.
Mais qui sont ces hommes
Plus proches du Léviathan
Que de l’apparence humaine,
Nous rapprochant de l’immonde.
Aucune guerre, aucune violence,
N’ont de justes raisons
Sinon celle de l’aliénation.
Sur ce linceul silencieux ,
Seul perce le cri prédateur,
Le ricanement cynisme
Sidérant symbole du chaos.
Mais qui sont ces créatures
Profanant le sens même de la croix,
Mais qui sont ces hommes
Sans nulle compassion
Pour leurs frères de sang
Portant la mort au fond du regard.
je te vois encore marcher légèrement
comme au-dessus de la terre,
tu arpentais l'air…
j’aurais voulu suivre,
exactement le même chemin que toi, la même trace,
mais je ne pouvais qu'à peine respirer en marchant
des enchantements dépouillés d’épouvantes…
je savais que tu allais venir,
comme si on sait que la sagesse de la terre allait passer,
et on se range de côté, le souffle coupé
pour ne pas bouger même pas de ta pensée
l’immobilité ou l’auréole de lumière,
mais je n’y pouvais rien,
j’ai voulu cueillir au moins une goutte de bleu au zénith,
des sons extatiques, limpides,
une lumière qui ruisselle sur tes paupières
tel un tremblement de rayons qui se heurtent l’un à l’autre
tels deux cœurs qui se confondent
ainsi m’as-tu envahi
et tu t’en es allé…
je te cherche encore parfois, balayant l’air,
en regardant, du coin de l’œil de mon cœur,
la lumière qui s’en va et des sons si limpides
dans mon cœur réverbèrent, dans un rythme sans fin…
Après je suis allé voir le grand magasin, « Goum », qui fait face au tombeau de Lénine et, derrière lui, au Kremlin. Profusion de richesses, déferlement de produits manufacturés principalement importés ; les grandes marques internationales sont là avec leurs vitrines alléchantes et aucun prix affiché. Qui aurait le culot de demander le prix ici ? Quel provincial médocain irait acheter quelque chose dans ces magasins de luxe. Richesse, luxe et pouvoir : face à cette immense accumulation de richesses vestimentaires, le pouvoir veille, le pouvoir surveille. Pas de vague, pas de remous, « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, / luxe, calme et volupté » ! Les mots de Baudelaire ont toujours résonné en moi depuis l’école mais ici « l’ordre » c’est celui du KGB (1), de l’ordre pour permettre à la beauté des richesses de proliférer.
Ce n’est pas pour moi cet ordre qui privilégie les riches, qui bannit les pauvres, qui espionne continuellement et tue ses opposants. Que faire avec un Poutine qui n’a appris qu’à se défendre et attaquer ? Petit espion judoka devenu grand chef de clan grâce aux passe-droits et ententes en tous genres. Main de fer dans un gant de fer même pas recouvert d’un peu de velours. Décisions à appliquer sans délai, révocations pour insoumission, prisons pleines de prisonniers d’opinions, disparitions inexpliquées, meurtres en tous genres et en tous lieux : du centre de Moscou (2) à la Grande-Bretagne (3) ! Partout ! Pour tous ceux qui n’écoutent pas, qui ne l’écoutent pas !
Le Tsar règne sur son peuple qui se soigne à la vodka ou au « samogon » ! Le concierge de mon hôtel, qui parlait étrangement bien le français, m’a expliqué que les russes distillent eux-mêmes leur alcool ; c’est ce que veut dire « samogon » : « bouilli par soi-même ». Alors, il m’a dit : « Souvent ça marche et parfois tu t’en relèves pas ! » Et pendant ce temps le dernier Petit Père des Peuples en date règne ; contre tout ennemi il règne ; il décide et fait exécuter…, pendre…, noyer…, empoisonner… Et le grand peuple obéit ; il obéit car c’est le chef, il a le pouvoir, il doit être respecté. Un jour, sans doute, on le tuera comme la famille royale, en 1918, comme les opposants communistes, comme ceux qui ne sentent pas le vent tourner, comme Raspoutine et autres Trotski, anarchistes ou mencheviks.
Je pars ! J’ai visité un peu la ville aussi. C’est lourd, c’est grand, c’est m’as-tu-vu, c’est, comme à Paris, les riches au milieu les pauvres ailleurs, c’est absolument pas pour moi. C’est une ville tout en muscles avec des flics visibles ou virtuels à chaque coin de rue. Fuir ! Mais avant ça, j’ai des cartes postales à envoyer ; le collectionneur que je suis ne peut s’en empêcher. Pour la petite histoire, j’ai trouvé une carte de Basile le Bienheureux enneigé. C’est fabuleux ! C’est tout blanc et comme le ciel est à la neige, il est blanchâtre lui aussi ; reste le bas des bulbes dont la couleur ressort sous un dôme recouvert de neige. Seuls quelques rares arbres sans feuille au bas de l’église et la barrière du trottoir apportent une couleur noire à ce paysage hivernal. Fuir ! Quoi qu’il en soit fuir ! Partir et ne plus revenir.
(1) Le KGB, soit « Comité pour la Sécurité de l’État », est le service soviétique de surveillance extérieure et intérieure. Redouté de tout citoyen russe, le KGB est l’artisan de toutes les opérations de police politique. Vladimir Poutine a été agent du KGB. En 1991, ce service a été remplacé, au sein de la Fédération de Russie, par le FSB, « Service Fédéral de Sécurité ».
(2) Boris Efimovitch Nemtsov, homme politique et opposant notoire à Vladimir Poutine, est assassiné de quatre balles tirées d’une voiture, dans la nuit du 27 au 28 février 2015 en plein centre de Moscou, à quelques pas du Kremlin, alors qu'il se promenait avec sa compagne.
(3) Sergeï Viktorovitch Skripal, ancien agent double russe, et sa fille Yulia ont été la cible d’un empoisonnement chimique à Salisbury en Grande-Bretagne, en mars 2018, après que des agents russes ont enduit de Novichok, produit chimique mortel, la poignée de leur porte d’entrée.
Extrait du roman « Basile n’est pas heureux » (écrit début 2021) à paraître aux éditions Stellamaris.
Sur le disque dansait La Manon de Massenet, un amour de la peinture et de la volupté.
Tout autour des hanches de La Danseuse indienne de van Dongen, les couleurs tournaient, tournaient : Sublime patine fauve qui garde le chef-d’œuvre de vieillir.
Le soir descendait, vermeil comme un ciel étrusque.
Il me semblait entendre sa voix aux accents incandescents.
Tandis que l’heure mystérieuse se drapait d’une tunique pourpre, elle apparut dans un vêtement de soie écarlate, ajouré aux vingt-deux endroits du corps où la chair est vulnérable.
Au miroir de la lune, elle s’offrait telle la page fleurie d’un conte d’Orient.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...