Les brumes bêlent dans les prés
les nuages moutonnent dans le ciel
C’est la grande transhumance des nuances
en laquelle s’estompe
la séparation de l’éther et de la terre
Tenu encore à distance
par le flamboiement des arbres
inexorablement se rapproche pourtant
le berger au souffle de glace
dont les paroles sont des halos
qui s’élèvent vers les étoiles
comme un chant d’enfant
* * * * *
A L’OURAIO DE NOUVÈMBRE
La bruma belen din loû pra
loû nuagei moutounen din lou ciau
Qu’ lo grando transumancio de la nuança
en lo qualo s’estoumpo
lo separaci de l’etèr e de lo terro
Tengu denguèro à distancio
pèr lo flambour daû aubrei
ineisourablamen se rapproche pertant
lou bargie au soufle de glaço
dount la paroula soun daû alo
que s’eileven ver la etiala
clump en un chant d’efant
* * * * *
SULL’ORLO DI NOVEMBRE
Le foschie belano nie prati
pecore sono le nuvole nel cielo
E la grande transumanza delle sfumature
Bella quale si attenua
la separazione dell’etere e delta terra
Tenuto angora a distanza
dal fiammegiare degli alberi
inesorabilmente si avvicina tuttavia
il pastore dal fait di ghiaccio
le cui parole sono degli aloni
che si innalzano verso le scelle
comme in un canto de bambino
Branle-bas de combat dans la fourmilière.
Au solstice d’été
Des musiques et des chants
Des rythmes tambourinés
Rondes écervelées dansées par les enfants
Ont plu, éclaboussé, jusqu’en fond de bruyère.
Qui donc ose la fête plutôt que travailler
S’offusquent les prévôts ?
Lesquelles de paresser
Quand le temps est au beau ?
Les herbes bruissent dans le pré.
Cliquetis de semelles
Marche guerrière cadencée
La tribu de fourmis au matin s’est lancée
À l’assaut d’un hameau flanqué d’une citadelle.
Que se passe-t-il donc dans cette maisonnée
Qui ait pu alerter gardes et sentinelles ?
Deux petites dit-on, à l’âme pas très sage
Se seraient, au printemps, converties en cigales.
Pliés toiles et bagages
Emballés dans des males
Pinceaux et maquillage
Les voici qui s’enjouent pour le rêve frugal
D’exotiques rivages.
Effroyable présage !
Les fourmis n’y ont cru, les ont vilipendées
Prises au dépourvu, vertement houspillées.
Chantez dans le soleil, ont-elles prophétisé
Et vous saurez bientôt, à l’heure de danser
Le sort des imprudents
Quand s’installe l’hiver et que griffe le vent.
Mais voilà, les cigales ont du tempérament.
Demoiselles n’ont cure des discours édifiants.
La décision est prise : nous partons sur le champ !
Affables les fourmis
Qui malgré ce qu’on dit
Savent se révéler de bonne composition
Leur ont offert des fruits
Des paniers en osier, garnis de provisions
De fines perles de miel, enrobées de pollen
Petits paquets de graines
Aiguilles et rubans, un écheveau de laine.
Bulles légères, cristallines, écloses en vers d’une fontaine
Les filles ont célébré le verre de l’amitié
Les lendemains sans chaines
Le vent de liberté.
Bonne route les cigales, petites sœurs des hirondelles !
Chantez l’été,
Dansez l’hiver
Nous viendrons vous rejoindre quand pousseront nos ailes.
Un soleil d’or embrase l’horizon : le jour naît
Ardente lumière, traversant les châtaigniers
Réchauffe tendrement les fleurs s’ouvrant en douceur
Colorant déjà l’air de leurs parfums enchanteurs
Les pins distillent leur odeur riche de résine
C’est celle de la Nature qui toujours fascine
Inégalable artiste, Michel-Ange du temps
Ressuscitant le passé l’espace d’un instant
De cet humus encore humide de rosée pâle
Monte ce son plurimillénaire et cristallin
Entendu par celui qui seul s’arrête en chemin
Celui des insectes du sol, ces braves vestales
Les amoureux de demain
Se tiennent par la main,
Hésite-t-elle encore
Avant le corps à corps.
Éternelle danse nuptiale
Précédent les combats amoureux,
Cette fois la salle de bal
Est un petit coin herbeux.
Son corps est arqué par l'effort,
Mais elle sait qu'il sera le plus fort,
L'instinct lui dit que sa résistance
Rendra leur plaisir plus intense.
Alors, hier, aujourd'hui, demain,
Ils exploreront les creux et les courbes offertes
Se rassasiant sans fin de leurs découvertes,
Sans se lasser de leurs jeux de mains.
A l'aube, des bruits feutrés brassés par le vent.
d'angélus, de chant du coq et de bêlements.
Et dans le soleil naissant dansent des papillons.
Ils sont des âmes errantes
revenues vers un monde oublié
pour s'envoler très vite, tout regret dissipé.
Tout petits et discrets,
les papillons blancs sont des âmes d'enfants.
Les papillons bruns, rescapés de la nuit,
sont des âmes lourdes de la douleur d'exister.
Les papillons bariolés sont des âmes de peintres
ou de clowns, je ne sais.
Il est un papillon bleu fatigué de voler,
arrivé de si loin, âme de Prusse ou d’outremer.
Parfois vient voleter une âme lumineuse
d'ange ou de nouveau-né.
Elle ne s'offre qu'aux regards purs,
et disparaît très vite, envoûtée par l'azur.
A ton épaule, un papillon est resté,
Âme éprise de toi à jamais.
Le couloir est droit, clair et long
Appuyé(e) au chambranle de la porte
Ta marche vers l’extérieur est momentanément interrompue
Tu tournes la tête vers le chemin déjà parcouru
Vision immobilisée inscrite dans la durée
Indécelables gestes de fuite aux regards muets
Et franchissement hésitant entre les é-temps-dues
Seul un sourire qui perdure
Sculpte l’énergie de cet avenir d’où tu t’exclus
Poème bilingue inspiré par le tableau Jardin de Mircea Bochiș -
peintre, sculpteur, graveur – traduit en roumain par elle-même
La lumière bleue feutre en moi
le Jardin, sa douce caresse,
ses couleurs glissent leur attente
qui vient du ciel en moi,
un bleu doux luit sur la table du jardin,
parsemé d’autres bleus plus clairs,
je ressens ta présence immatérielle
dans ses touches azurées :
- es-tu cet azur qui me parle,
ou ce vert des arbres qui m’appellent ?
tu n’es plus au jardin, seule ton ombre
repose parfois dans ton fauteuil bleu,
sous le parasol blanc qui s’ouvre
telle une fleur qui éclot ou bien peut-être
ta robe de mariée s’envole dans l’air,
tu tiens mon cœur accroché à jamais à la tige mince
comme un fil ou c’est bien ton pied bleu tendre:
- me vois-tu tout près de toi,
derrière ton fauteuil, sur la chaise bleue,
dos à dos, deux ombres qui se parlent ?
Lumina albastră strecoară în mine
Grădina, blânda ei mângâiere,
culorile-și lunecă așteptarea din cer în mine,
albastrul blând strălucește pe masa din grădină,
smălțuit cu nuanțe albastre mai clare,
simt prezența ta imaterială în tușele lui azurii :
ești azurul ce-mi vorbește
ori verdele copacilor ce mă cheamă ?
nu mai ești în grădină, doar umbra ta
se-odihnește câteodată în fotoliul albastru,
sub umbrelă albă ce se deschide
asemenea florii ce înflorește ori poate
rochia ta de mireasă se rotește în aer,
ții inima mea agățată pe veci de tulpina subțire
ca firul ori poate-i piciorul tău delicat și albastru:
- mă vezi foarte aproape de tine,
în spatele fotoliului tău, pe scaunul albastru,
spate-n spate, două umbre care-și vorbesc ?
Le temps s'écoule.
Saecula et saecula
(traduisez : des siècles et des siècles).
Le temps s'écoule,
autant celui des secrets
que des cerises ou des lilas.
Le temps s'écoule,
il ne fait jamais marche-arrière,
l'instant d'avant l'indiffère.
lui, ce passant toujours pressé
traversant un espace immatériel.
On croit pouvoir le tuer,
mais c'est impossible, il continue à avancer.
Sa seule nuit remonte à plusieurs millions d'années.
Son côté le plus clair peut aussi se retrouver quelquefois
dans un endroit mal éclairé
où la lumière est volontairement tamisée.
Il a pourtant choisi d'être là pour chaque chose.
On fait également allusion à son sujet que c'est de l'argent
ou que certains, des scientifiques, des artistes,
parmi lesquels des romanciers, des poètes, des peintres,
et j'en passe,
seraient en avance sur lui.
Dans ce cas-là, il faut bien l'avouer :
le temps, c'est cool !
L’heure était aux camions, filant sur le pavé,
Profitant de l’aurore et des ruelles vides ;
À ceux, accomplissant leur labeur, intrépides,
Humble secret gardé par cette obscurité.
Et moi, de ma fenêtre, je les vois passer ;
Mais ce n’est pas mon heure.
L’heure était aux enfants, braillant, courant, jouant,
Usant de ce sursis, osant cette innocence,
Cette sagesse enfin qu’on appelle espérance ;
Ils rient, pleurent et rêvent, vivent, insouciants.
Et moi, de ma fenêtre, je les vois jouer ;
Mais ce n’est pas mon heure.
L’heure était aux amants, enlacés l’autre et l’un,
Déambulant, rêvant, s’aimant dans la pudeur
Que la nuit leur accorde, éphémère bonheur
Aux traits d’éternité, scellé main dans la main.
Et moi, de ma fenêtre, je les vois s’aimer ;
Mais ce n’est pas mon heure.
Ce n’est plus l’heure de rien, tous les feux sont éteints,
La ville est endormie, les fenêtres fermées ;
S’écoule le canal, et le fleuve apaisé
Berce tranquillement la nuit contre son sein.
Et c’est enfin mon heure, mon verre à la main
Et ma plume dans l’autre, en-haut, dans ma mansarde,
Je travaille à remplir de rêveries blafardes
La page immaculée jusqu’au petit matin.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...