Les amoureux de demain
Se tiennent par la main,
Hésite-t-elle encore
Avant le corps à corps.
Éternelle danse nuptiale
Précédent les combats amoureux,
Cette fois la salle de bal
Est un petit coin herbeux.
Son corps est arqué par l'effort,
Mais elle sait qu'il sera le plus fort,
L'instinct lui dit que sa résistance
Rendra leur plaisir plus intense.
Alors, hier, aujourd'hui, demain,
Ils exploreront les creux et les courbes offertes
Se rassasiant sans fin de leurs découvertes,
Sans se lasser de leurs jeux de mains.
A l'aube, des bruits feutrés brassés par le vent.
d'angélus, de chant du coq et de bêlements.
Et dans le soleil naissant dansent des papillons.
Ils sont des âmes errantes
revenues vers un monde oublié
pour s'envoler très vite, tout regret dissipé.
Tout petits et discrets,
les papillons blancs sont des âmes d'enfants.
Les papillons bruns, rescapés de la nuit,
sont des âmes lourdes de la douleur d'exister.
Les papillons bariolés sont des âmes de peintres
ou de clowns, je ne sais.
Il est un papillon bleu fatigué de voler,
arrivé de si loin, âme de Prusse ou d’outremer.
Parfois vient voleter une âme lumineuse
d'ange ou de nouveau-né.
Elle ne s'offre qu'aux regards purs,
et disparaît très vite, envoûtée par l'azur.
A ton épaule, un papillon est resté,
Âme éprise de toi à jamais.
Le couloir est droit, clair et long
Appuyé(e) au chambranle de la porte
Ta marche vers l’extérieur est momentanément interrompue
Tu tournes la tête vers le chemin déjà parcouru
Vision immobilisée inscrite dans la durée
Indécelables gestes de fuite aux regards muets
Et franchissement hésitant entre les é-temps-dues
Seul un sourire qui perdure
Sculpte l’énergie de cet avenir d’où tu t’exclus
Poème bilingue inspiré par le tableau Jardin de Mircea Bochiș -
peintre, sculpteur, graveur – traduit en roumain par elle-même
La lumière bleue feutre en moi
le Jardin, sa douce caresse,
ses couleurs glissent leur attente
qui vient du ciel en moi,
un bleu doux luit sur la table du jardin,
parsemé d’autres bleus plus clairs,
je ressens ta présence immatérielle
dans ses touches azurées :
- es-tu cet azur qui me parle,
ou ce vert des arbres qui m’appellent ?
tu n’es plus au jardin, seule ton ombre
repose parfois dans ton fauteuil bleu,
sous le parasol blanc qui s’ouvre
telle une fleur qui éclot ou bien peut-être
ta robe de mariée s’envole dans l’air,
tu tiens mon cœur accroché à jamais à la tige mince
comme un fil ou c’est bien ton pied bleu tendre:
- me vois-tu tout près de toi,
derrière ton fauteuil, sur la chaise bleue,
dos à dos, deux ombres qui se parlent ?
Lumina albastră strecoară în mine
Grădina, blânda ei mângâiere,
culorile-și lunecă așteptarea din cer în mine,
albastrul blând strălucește pe masa din grădină,
smălțuit cu nuanțe albastre mai clare,
simt prezența ta imaterială în tușele lui azurii :
ești azurul ce-mi vorbește
ori verdele copacilor ce mă cheamă ?
nu mai ești în grădină, doar umbra ta
se-odihnește câteodată în fotoliul albastru,
sub umbrelă albă ce se deschide
asemenea florii ce înflorește ori poate
rochia ta de mireasă se rotește în aer,
ții inima mea agățată pe veci de tulpina subțire
ca firul ori poate-i piciorul tău delicat și albastru:
- mă vezi foarte aproape de tine,
în spatele fotoliului tău, pe scaunul albastru,
spate-n spate, două umbre care-și vorbesc ?
Le temps s'écoule.
Saecula et saecula
(traduisez : des siècles et des siècles).
Le temps s'écoule,
autant celui des secrets
que des cerises ou des lilas.
Le temps s'écoule,
il ne fait jamais marche-arrière,
l'instant d'avant l'indiffère.
lui, ce passant toujours pressé
traversant un espace immatériel.
On croit pouvoir le tuer,
mais c'est impossible, il continue à avancer.
Sa seule nuit remonte à plusieurs millions d'années.
Son côté le plus clair peut aussi se retrouver quelquefois
dans un endroit mal éclairé
où la lumière est volontairement tamisée.
Il a pourtant choisi d'être là pour chaque chose.
On fait également allusion à son sujet que c'est de l'argent
ou que certains, des scientifiques, des artistes,
parmi lesquels des romanciers, des poètes, des peintres,
et j'en passe,
seraient en avance sur lui.
Dans ce cas-là, il faut bien l'avouer :
le temps, c'est cool !
L’heure était aux camions, filant sur le pavé,
Profitant de l’aurore et des ruelles vides ;
À ceux, accomplissant leur labeur, intrépides,
Humble secret gardé par cette obscurité.
Et moi, de ma fenêtre, je les vois passer ;
Mais ce n’est pas mon heure.
L’heure était aux enfants, braillant, courant, jouant,
Usant de ce sursis, osant cette innocence,
Cette sagesse enfin qu’on appelle espérance ;
Ils rient, pleurent et rêvent, vivent, insouciants.
Et moi, de ma fenêtre, je les vois jouer ;
Mais ce n’est pas mon heure.
L’heure était aux amants, enlacés l’autre et l’un,
Déambulant, rêvant, s’aimant dans la pudeur
Que la nuit leur accorde, éphémère bonheur
Aux traits d’éternité, scellé main dans la main.
Et moi, de ma fenêtre, je les vois s’aimer ;
Mais ce n’est pas mon heure.
Ce n’est plus l’heure de rien, tous les feux sont éteints,
La ville est endormie, les fenêtres fermées ;
S’écoule le canal, et le fleuve apaisé
Berce tranquillement la nuit contre son sein.
Et c’est enfin mon heure, mon verre à la main
Et ma plume dans l’autre, en-haut, dans ma mansarde,
Je travaille à remplir de rêveries blafardes
La page immaculée jusqu’au petit matin.
J’ai la joie de publier un nouvel auteur, Breton, que m’a conseillé Jeanne Champel Grenier. J’espère que vous lui réserverez un très bon accueil ! Jean Dornac
La feuille, oh grand jamais, ne m'était apparue
aussi sèche et cassante, à ce point cramoisie
Raclant la poche à fond : mémoire de tilleul,
débris anciens de thé de tabac, -à la rue.
La vigne-vierge se recroqueville ainsi
craquant dans la main comme un crâne d'écureuil
Sous le ciel puissamment étoilé de ce soir
d'un platane émanait un parfum d'encensoir
Oh du soleil d'octobre, après-midi sans air
par surcroît, don du ciel, encore restera
et pour le bricolage et la sortie en mer
seul un tricot de peau au peintre suffira...
Recension : Ara Alexandre Shishmanian – Orphée lunaire –
Edition L’Harmattan. Collection -Accent tonique- Poésie. Novembre 2021.
Préface et traduction du roumain Dana Shishmanian.
Illustrations : 1ère de couverture. Jean Delville. Orphée mort. Huile sur toile 1893
4ème de couverture. Autoportrait 1981
Format 13 ½ X 21 ½. Nombre de pages 96.
Comme tous les poètes, philosophes, écrivains, épris de liberté et de la défense des droits de l’homme, Ara Alexandre Shishmanian a connu les persécutions de la terrible police politique roumaine, sombre époque du communisme sous le joug implacable de Nicolae Ceausescu. Précautions impératives de survie, il lui fallut quitter son pays.
Cependant, la philosophie, l’histoire des religions, la poésie, lui permirent de maintenir la tête hors de l’eau et de poursuivre son chemin de vie intellectuelle par des publications, colloques, conférences, en de nombreux pays. Sous l’égide de l’ INALCO il organise à Paris le colloque international d’histoire des religions « Psychanodia.»
Aujourd’hui je découvre un de ses derniers recueils « Orphée lunaire. » Il s’agit ici d’une œuvre reposant sur le socle des hautes traditions, mais très éclectique et ouverte à la modernité, à la vision de son temps où l’esprit de l’immense, penseur, philosophe et écrivain roumain Mircea Eliade véritable référant n’est jamais bien loin.
L’œuvre d’Ara Alexandre Shishmanian révèle une poésie qu’il ne faut pas forcer, qui impose d’être lue en filigrane et dans laquelle nous devons nous laisser porter, lâcher prise pour être transporté par notre imaginaire et les images qui y naissent.
Proche de l’esprit cistercien, notre poète a besoin de rigueur, de sobriété, de dépouillement, dans cette crise de modernité en total étiolement, une nécessité s’impose à lui, la renaissance des mythes fondateurs et le retour au sacré dans la ligne conductrice de Mircea Eliade dont la vison gnoséologique, fit de lui un restaurateur et fondateur de l’histoire contemporaine des religions.
A ce propos d’un retour au sacré, je serai tenté d’en associer l’œuvre d’un immense artiste roumain, Silviu Oravitzan, dont l’œuvre côtoie la transcendance.
Le poète porte en lui tout le chaos du monde, il en subit les variations, comme une secousse dans le cœur et une déchirure dans l’âme. Il place sur l’abécédaire de son orgue à senteurs, toutes le nuances qui le conduiront au parfum de l’âme, celui que l’on voudrait absolu, proche du Divin. C’est une poésie qui impose la réflexion et s’estompe dans l’ombre d’Orphée.
Ara Alexandre Shishmanian compose des poèmes qui prennent la forme d’un requiem. Il porte un regard sur notre société en sa folie un peu comme son compatriote le grand peintre Corneliu Baba. D’ailleurs ne nous rapprochons nous pas ici de « L’éloge de la folie » d’Erasme.
Notre poète est dans l’observance de l’humanité et voit les dangers de la folie des hommes, dont nous sommes actuellement au cœur, il y voit une sorte de tsunami en haillons, des anges anxieux, des rêves crucifiés. Le poète a parfois ce sentiment d’être perdu, d’être en situation d’absence, alors il se met en quête des valeurs fondamentales oubliées : « .../...mon indifférence vomit le désert de l’exode où j’ai grandi.../... »
Toujours très délicat que de vouloir poser un regard sur la poésie d’un philosophe, de surcroît un gnostique où le béotien se heurte le plus souvent à la barrière de la connaissance.
Il est vrai que l’œuvre d’Ara Alexandre Shishmanian peut paraitre parfois quelque peu hermétique, cependant, il faut savoir doucement en franchir le seuil et s’en imprégner.
Le mythe d’Orphée est le fil d’argent de ce recueil, dont l’auteur voit en la poésie un rayonnement universel, un chemin de vie qui pourrait améliorer la destinée humaine, où tout est fugitif, temporaire, fragile et évanescent.
Par la pensée orphique, qui fut également début XXème siècle un mouvement artistique cher à Apollinaire, notre poète tente lui aussi, d’ouvrir les portes du mystère, sans doute est-ce la raison pour laquelle il use de formules alchimiques et place dans son athanor l’alphabet de la connaissance, pour peut-être y transmuter le poème d’or.
La poésie est un énigmatique voyage, : « .../... je fabrique des barques à traverser le Styx.../... » une périlleuse traversée qui n’est pas sans nous évoquer l’œuvre fameuse d’Arnold Böcklin « L’ile des morts».
En compagnie de la poésie d’Ara Alexandre Shishmanian, nous traversons des espaces dignes du plus pur surréalisme où : « Les chiens se dessinent tout seuls en disparaissant ../... » Ce qui d’ailleurs me fait songer au film surréaliste de Luis Buñuel : « Le chien andalou. »
Par la poésie notre poète, transforme les mains jointes en coupe sacrée, pour y préserver le sang de la vérité et pourquoi pas métaphoriquement celui du Graal. Il s’interroge sur lui-même au risque de se perdre de nouveau, car après une chute avec les « .../...avalanches ténébreuses des soleils » il est toujours délicat de remonter vers la lumière face aux « .../...avalanches des ombres avec leur noir lent » qu’on boit « en des coupes extatiques ».
Ara Alexandre Shishmanian, fait le constat lucide de notre société où nous ne percevons qu’une sorte de chaos permanent, les leçons des expériences passées ne servant à rien : « Rien n’est plus près du néant qui l’illusion.../... »
Le poète éveillé, initié, oscille entre l’espérance personnelle et l’aliénation où se profile le spectre de la pensée unique
Le constat est irrévocable, pertinent et amer, le fil d’espoir attribué à l’homme est ténu !
La poésie d’Ara Alexandre Shishmanian nous entraine dans un tourbillon d’images rivalisant avec l’insolite : « .../... l’invisible assassine les mirages.../... »
Par le sourire de son intimité, Ariane serait-elle la passeuse du mystère des syllabes, la porteuse d’espoir au sourire enjôleur, celle pour qui le poète prend conscience que l’amour ne doit pas se faire pesanteur, mais bien au contraire devenir un état de grâce. : « Un souvenir qui caresse les cheveux. »
Si peu de temps dans ce corps Si longtemps dans l’esprit Si peu de temps pour t’attendre Viens vite je t’en prie Je suis la Terre Tu es le Ciel Jumeaux primordiaux Recommençons le Monde...
~*~
Così poco tempo in questo corpo Così a lungo nello spirito Così poco tempo per aspettarti Vieni presto ti prego Io sono la Terra Tu sei il Cielo Gemelli primordiali Ricominciamo il Mondo...
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...