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23 décembre 2017 6 23 /12 /décembre /2017 06:53
Eugène d’Astanières – L’Enfant à la vague

 

 

 
C’est à peine plus qu’une haleine marine qui se pose
intangible sur la forêt des cils.
C’est à peine plus qu’une larme au pli de l’œil qui hésite.
Qui hésite et se lance aux sables des joues.
C’est à peine plus qu’une goutte nouée que le vent délie,
l’ondée caressant la coupe des flaques. Ce n’est ni le soir
ni le matin.
C’est un crépuscule d’enfance que berce le vent.
 
Et l’enfant, dansant, nu,
Désarmé, aux plages d’éternité
Foule l’opale des flaques
Boit le vent des marées.
Le temps qui fut ou deviendra lui est inconnu
Et sur la grève étale,
L’enfant court vers la vague
Plonge au métal des flots.
Nageant, nu,
Désarmé, aux mers d’éternité
 
©Béatrice Pailler
Recueil SACRE
In l’anthologie les Poètes, l’Eau et le Feu
Edition du net 2017  
 
 
 
 
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25 novembre 2017 6 25 /11 /novembre /2017 08:11

 

Le rêve de Jacob - Michael Lukas Leopold Willmann

 

 
 
 
 
Trop sombre, la route figée se ferme au voyage. Le soleil buvant la poussière se mélange à la terre. La fatigue le cerne, son corps si peu aguerri se dérobe. Alors, délaissant la fuite de cet autre lui-même, ce frère si semblable : reflet inversé de son âme, dans l’ombre advenue, il s’abandonne, abattu. La roche est son chevet.
 
Ainsi, Jacob au creux de la terre s’est couché et la pierre opportune porte le songe.
 
Devant lui, dans la douceur des psalmodies, au parcours d’une échelle dressée, pullule le peuple des anges. Et l’Éternel parle à Jacob. Il écarte de ses yeux l’ignorance. Pénétré de l’avenir, de saisissement, Jacob s’éveille.
« Dieu est présent. Je ne le savais pas, car, il n’y a rien ici que moi-même boule de chair au creux de la terre. »
Il contemple la solitude nue, ceinte de nuit. Il se voit sous sa voûte, étendu. Alors, d’un murmure, il désigne la pierre :
« Il n’y a rien ici que la maison de Dieu et ceci en est le portail. »
 
Alors, d’un geste qui la révèle unique, il prend la pierre allongée, la dresse verticale et la nomme Beth-el.
 
©Béatrice Pailler Recueil «Retable »
Revue Traversées N°83
Mars 2017  
 

 
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28 octobre 2017 6 28 /10 /octobre /2017 06:41
La Vénus d'Urbain, Le Titien, 1538

 

 

 
 
 
Dans l’atelier, le vieux sofa des modèles gémit. Elles l’ont tant sollicité que les chevelures et les corps ont creusé son lit. Toile pieuse, les plis de la trame préservent la trace féconde. Et parmi les coussins et les étoffes, sur l’antique velours, se devine leurs empreintes mêlées. Dans la chaleur émolliente, le sofa assiégé sous la houle d’une hanche succombe. Et le voilà, vénérable complice rompu au plaisir, s’inclinant en courtisan pour une invite à plus de langueur et d’abandon.
 
Paisiblement, ses cheveux se dénouent. Confiante, elle ose et son peignoir se déprend de sa pudeur. Nue, elle s’enhardit, s’expose à l’inconnu.
Voyant au sein des ténèbres, l’homme ne sait rien de son modèle. Depuis toujours, ignorant des nudités éblouies, il cherche au travers des êtres son absolue de vérité. Aliéné à cet idéal, il scrute l’opale des peaux offertes, voulant connaître toutes les nuances de cette tendre palette. Aujourd’hui, sous ses yeux, la lumière sculpte l’inattendu. Impudique voile de Véronique, elle se pose, linceul lamellé, sur le sensible de cette chair où le soleil égrappe ses brillants.
 
Fleur de pavé épanouie au souffle païen, petite te voici parée de rouge et d’or. Hétaïre sensuelle, ta main effleure ton sexe : ce jeune fruit acidulé, prêt à cueillir, prêt à aimer.
 
 
©Béatrice Pailler
Recueil Motifs
In Jadis un ailleurs L’Harmattan 2016


 


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14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 07:00

 

 

 

 

 

L’insouci comme une indolence,
Une déraison de soi dérisoire.
L’insouci comme une indifférence :
Voilure offerte,
Vêture au monde,
Un glissement où je m’efface,
Une perte où je m’absente,
Un retranchement de fêlure.
 
©Béatrice Pailler
 
Recueil « Brisement »
Revue L’Agora de la Société des Poètes Français
3ème trimestre 2017
 
 
 
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30 septembre 2017 6 30 /09 /septembre /2017 06:42
Grand nu couché – Picasso

 

 

 

 

Les larmes saines, des corps étriqués,
Des seins saintement décortiqués,                        
Sont de Saints saignements
Où l’âme enseigne que la Sainte ment     

 

©Béatrice Pailler




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16 septembre 2017 6 16 /09 /septembre /2017 06:32
Forêt d’Afrique

 

 
 
 
Aux cimes des futaies de la nef séculière
Eclaboussées de chant, écrasées de lumière
Le soleil dompté pénètre l’intimité secrète
Des frondaisons à la luxuriance verte.
 
Festons et dentelles nervurées
Couronnes de lierre ciselées
Sont vitrail de jade clair opalescent
Où pullulent les ombres feux follets verdoyants.
 
Genèse profane auréolé de vertes lueurs
Les juvéniles parures se perlent d’une chaude sueur.
 
A l’unisson des anges de leurs voix frémissantes sauvages,
Des antiennes et répons du noble ramage,
Sous le dais frémissant de la voute feuillus
Rameaux et jeunes pousses s’entrelacent émus.
 
Alliance printanière baignée de brume sucrée
Où sève et miellat poissent l’air ensoleillé.
 
©Béatrice Pailler



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2 septembre 2017 6 02 /09 /septembre /2017 06:33
Carlo Marochetti : Tombe de la Princesse Elizabeth

 

 

 

 
Calme et sereine comme une icône fragile, paupières closent
Lèvres scellées sans un souffle, saintement elle repose.
 
Viel ivoire ciselé, elle a la pâleur tranquille d’un gisant.
Et la rivière, ce précieux lamé, cette mortelle parure
Dépose à son cou un  ruban chatoyant rehaussé de verdure.
Là, sous l’éclat de la lune, la lame d’argent perce son sein nimbé de blanc.
 
Elle s’étiole et se fane troublée par la caresse lunaire
Qui lentement lui tisse un vaporeux voile funéraire.
 
Abandonnée aux tourbillons rapaces qui frôlent ta hanche enfantine
Petite te voilà prisonnière, la hart au col de ce lacet de glace,
De ce nœud fluide coulant, de cette froide étole qui t’enlace
Voici qu’au plus près de ton corps coule roule et lascive s’enroule l’onde serpentine.
 
Sous le lourd catafalque de son riche vêtement couronné du lin de sa chevelure éparse
Evitant les berges fuyantes aux roselières griffues, majestueuse elle passe.
 
Dans les plis et replis de ta jupe voile sombre déployée en corolle froissée
Remous et tourbillons s’agitent, se pressent le long de tes cuisses
Et dans leur hâte déchirent meurtrissent cette chaire, cette peau, ce frêle lys
Mais voilà que l’Eau vive envieuse avec force, avec audace, te vole au courant dévoyé.
 
Alors, parmi les algues baignées et bercées toute entière à son plaisir, elle te couche 
Là parmi les lueurs vertes de l’absolu silence du royaume oublié, elle te touche.
 
©Béatrice Pailler



 
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22 juillet 2017 6 22 /07 /juillet /2017 06:51
blog.ac-versailles.fr/lettresdarts/index.php/picturesShow/368977

 

 

Tangue, tangue le rafiot, forte houle au creux de l’eau.
Vogue la vague, jamais ne chavire, saute, tressaute le navire.
 
Dans l’entrepont enténébré s’amoncellent les remugles, soufrés des vieux pets, aigres, piquants de chou, d’oignon. Parmi les ombres rampantes, à la lumière chiche des brandons, dans cette fournaise de la coquerie enfumée, l’homme de l’art, luisant de gras, aux fourneaux rageusement attise les braises. Maître-coq, ta gueule d’enfer aux poils roussis, cuite et recuite, se chauffe rougissante aux culs des poêlons.
 
Vogue la vague, jamais ne chavire, saute, tressaute le navire.
Roulent, déboulent, s’agitent les flots, fessent les flancs du bateau.
 
Ce diable d’homme contrefait, aux jambes arquées, tout couturé, tout tailladé, au gré du roulis, d’un bord à l’autre, glisse, sautille et s’arc-boute, bancal, au plancher mal équarri. Des creux, des bosses, il faut que ça bouge, il faut que ça danse et au fond des marmites malmenées, chante le bouilli. Pourvoyeur de vivre, il sait que belle provende donne bonne pitance, leste le ventre et réjouit l’affamé.
 
Roulent, déboulent, s’agitent les flots, fessent les flancs du bateau.
Festons d’écume au faîte des vagues et les lames de mer mugissent, divaguent.
 
Surtout, ne jamais oublier les tristes jours sans graisse, ni gruau, jours infâmes faits de suif et de sciures mêlés. Il a connu les voyages hasardeux, les traversées malheureuses, au manger médiocre vite épuisé, vite gâté. Il a vu des hommes, épaves en sursis, ronger cordages ou voilures et des harnais finissant au pot alimenter le brouet. Mais ce soir, le rata est solide et avec une pleine ventrée de ce ragoût épicé, le matelot repu aura la panse bien calée.
 
Festons d’écume au faîte des vagues et les lames de mer mugissent, divaguent.
Tangue, tangue le rafiot, forte houle au creux de l’eau.
 
Sur son visage lunaire embué de sueur, sa lippe épaisse s’éclaire d’un sourire édenté. Hilare, sa bouche torse dévore sa face camuse. Ici, il ordonne et prélève sa dîme, un peu de ci, un peu de ça, le regrat du carré. Cuisinier cambusier, envié, craint, il est le maître de l’office où tonne son rire d’arquebuse. Il sait que demain foisonne de souvenirs, d’aventures non vécues. Sa fortune, il ira la cueillir, de la pointe d’un harpon, au plus loin de la terre. Pour lui, vagabond des mers, le retour est impossible. Il sait qu’un jour, sous le vaste horizon crêté de vent, l’océan lui offrira le repos d’une couche, douce d’écume, blanche de sel.
 
©Béatrice Pailler
 
2015- Recueil « L’heure métisse » - Prix Jean Giono 2015 de la Société des Poètes Français




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10 juin 2017 6 10 /06 /juin /2017 06:28
Ruisselle la mélodie de pluie. – Béatrice Pailler
 
 
 
 
 
Sur l’étang
Happé par les brumes,
Les roselières égrènent le clapot de l’eau.
Chantent les odeurs.
L’averse myriadaire scintille.
 
Caressante coulée de cristal par l’onde bue, elle sombre.
 
©Béatrice Pailler
 
 
 
 
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13 mai 2017 6 13 /05 /mai /2017 06:39
Printemps sauvageon – Béatrice Pailler
 
 
 
 
Printemps sauvageon, l’infini est pour toi une source où boire le ciel, une crèche où croquer le soleil. Et l’infini si vaste, impossible à connaître, tu le veux de chair et de sève, comblé de ton être, mais tout ton corps n’y peut suffire. Le monde fini est bien assez grand, il est à toi comme tu es à lui. Le marais fuyant, battu d’un vol farouche, est un autre toi-même. La dune herbée, mamelons doux, flancs sablés, est ce double que tu vénère. Bel enfant, fruit androgyne de la genèse, donne à chacun ta juvénile verdeur, laisse couler sur la terre le lait de ta mère.
Va, en semeur répandre l’incendie.
Va, l’arbre attend, tel un candélabre, ta flamme et le pré, ton pas, foulant, brûlant, le chaume d’hiver.
 
©Béatrice Pailler
Recueil « Sacre » 2016
Revue Les Amis de Thalie
Hors Série Hiver 2016 « Les feuilles du temps »
 
 


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