Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 mars 2016 1 14 /03 /mars /2016 07:48
Première Soirée – Arthur Rimbaud
Henri de Toulouse-Lautrec
 
 
 
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près. 
 
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d'aise
Ses petits pieds si fins, si fins. 
 
Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, mouche ou rosier. 
 
Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s'égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal. 
 
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent: "Veux-tu en finir!"
La première audace permise,
Le rire feignait de punir! 
 
Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux:
Elle jeta sa tête mièvre
En arrière: "Oh! c'est encor mieux!. 
 
Monsieur, j'ai deux mots à te dire."
Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D'un bon rire qui voulait bien. 
 
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près. 
 
Arthur Rimbaud
Mars 1870.
 
Partager cet article
Repost0
30 juillet 2015 4 30 /07 /juillet /2015 07:10
Les Chercheuses De Poux – Arthur Rimbaud
©Bartolomé Murillo
 
 
 
Quand le front de l'enfant, plein de rouges tourmentes,
Implore l'essaim blanc des rêves indistincts,
Il vient près de son lit deux grandes soeurs charmantes
Avec de frêles doigts aux ongles argentins. 
 
Elles assoient l'enfant devant une croisée
Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs,
Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs. 
 
Il écoute chanter leurs haleines craintives
Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés,
Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives
Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers. 
 
Il entend leurs cils noirs battant sous les silences
Parfumés; et leurs doigts électriques et doux
Font crépiter parmi ses grises indolences
Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux. 
 
Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,
Soupir d'harmonica qui pourrait délirer;
L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses,
Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.
 
Arthur Rimbaud
 
Partager cet article
Repost0
7 mai 2015 4 07 /05 /mai /2015 07:06
Ophélie – Arthur Rimbaud
©Alexandre Cabanel
 
 
I
 
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchées en ses longs voiles.
On entend dans les bois lointains des hallalis.
 
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir,
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
 
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
 
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :
Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
 
II
 
O pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
C'est que les vents tombant des grands monts de Norvège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;
 
C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;
 
C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !
 
Ciel! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
Et l'Infini terrible effara ton oeil bleu !
 
Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
 
 
Arthur Rimbaud
15 mai 1870.
 
 
Partager cet article
Repost0
17 juillet 2014 4 17 /07 /juillet /2014 06:57
Le Mal – Arthur Rimbaud
© Igor Toguzati
 
 
Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ;
Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Tandis qu'une folie épouvantable, broie
Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ;
Pauvres morts ! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !. 
 
Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or ;
Qui dans le bercement des hosannah s'endort, 
 
Et se réveille, quand des mères, ramassées
Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
 
Arthur Rimbaud
 
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Couleurs Poésies 2
  • : Ce blog est dédié à la poésie actuelle, aux poètes connus ou inconnus et vivants.
  • Contact

  • jdor
  • Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...
  • Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...

Recherche