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17 février 2019 7 17 /02 /février /2019 07:24

 

 

 

 

 

                                                                                          Il est humiliant d'expirer...

                                                                                                         V. HUGO.

 

Malgré mes bras tendus, malgré mon cœur tenace,

Vous entrez avant moi, compagnons de mes jours,

Dans l'attirante terre, exclusive et vorace,

Qui resserre sur vous ses humides contours.

Voilà donc l'avenir, c'est donc cela qui dure :

La tombe, le caveau, le cloître souterrain !

Et nous, vantant toujours la trompeuse Nature,

Avec les yeux ravis du pâtre et du marin

Nous bénissions le jour luisant, le soir serein ;

-Vous seule êtes fidèle, ô secrète ossature !

Autrefois, je voyais se dérouler le temps

Comme une route blanche entourant la montagne,

Et que gravit, dans l'ombre où l'aigle l'accompagne,

Une foule au cœur gai, aux espoirs exultants ;

Mais cette sinueuse et noble perspective,

Ce haut pèlerinage au but ambitieux

Etaient un enfantin mirage de mes yeux.

L'humanité chantante, héroïque et pensive

Retombe dans la terre ayant rêvé des cieux !

-Hélas, mes disparus, mes archanges sans ailes,

Vous marchez devant moi pour m'éviter la peur ;

Et par vous je sens croître et brûler dans mon cœur,

Au milieu d'une calme et stupéfaite horreur,

Le sombre amour qu'on doit à la mort éternelle !

Déjà combien de mains ont délaissé mes mains...

-Du moins, battez plus fort, cœur empli de courage !

Entraînez avec vous vos morts sur les chemins.

Que leurs regards nombreux brûlent dans mon visage,

Que mon âme abondante abreuve les humains,

Et que je meure enfin comme on vit davantage !...  

 

Anna De Noailles. (1876-1933)

 

Source : http://www.poesies.net/20eme.html

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16 juillet 2015 4 16 /07 /juillet /2015 07:08
TU RESSEMBLES A LA MUSIQUE... - Anna De Noailles
 
 
 
 
Tu ressembles à la musique
Par la détresse du regard,
Par l'égarement nostalgique
De ton sourire humble et hagard ;
Les plus avides mélodies
Qui me boivent le sang du cœur,
N'ont pas de forces plus hardies
Que ta faiblesse et ta pâleur.
Les lumières dans les églises
Ont le même rayonnement
Que ton visage, où je me grise
Du goût d'un nouveau sacrement.
Tu n'es qu'un enfant qui défaille,
Mais, par les rêves de mon cœur,
Tu ressembles à la bataille,
A Jésus parmi les docteurs,
Aux héros morts sous les murailles,
A tout ce qui lutte et tressaille,
Au Cid sur un cheval dansant,
Au martyr dans le Colisée.
Sur qui la bête, harassée,
Passe, comme un linge apaisant
Tout trempé d'amour et de sang,
Sa langue calme et reposée...
 
Anna De Noailles
 
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21 mai 2015 4 21 /05 /mai /2015 06:52
SEIGNEUR, POURQUOI L'AMOUR... – Anna de Noailles
« Anna de Noailles 1913 » par Desboutin — L'IIlustration. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons
 
 
 
Seigneur, pourquoi l'amour et son divin supplice
Sont-ils, entre deux cœurs noblement rapprochés,
Comme un glaive qui rend une inique justice,
Et qui toujours châtie un mystique péché ?
Tour à tour l'un des deux est votre humble victime,
Il doute, il est brûlant, bondissant, abattu ;
Les regards hébétés il mesure l'abîme
Où le buisson ardent parlait, et puis s'est tu...
- Mon Dieu, dans ces amours, la douleur est si forte
Que, malgré le courage, on ne peut pas vouloir
Être celui des deux qui chancelle, et qui porte
Tout le poids d'un si lourd et cuisant désespoir ;
Faut-il que l'un des deux seulement reste libre,
Que tour à tour l'on ait le calme ou le désir,
Et que l'amour ne soit que l'instable équilibre
D'être celui des deux qui ne va pas mourir ?
Faut-il que l'un des deux brusquement se repose
Dans le bonheur amer et puissant d'aimer moins,
Et d'être, à la faveur de cette froide pause,
Non plus le combattant vaincu, mais le témoin ;
D'être celui des deux qui n'est pas l'humble esclave
Dont on voit panteler la muette terreur,
Et dont les yeux, pareils à des torrents de lave,
Font un don infini de soupirs et de pleurs.
- On a besoin parfois de la douleur de l'autre,
De ses bras suppliants, de son front inquiet
Penché comme celui du plus doux des apôtres
Sur son céleste ami, qui songe et qui se tait.
On a besoin de voir sourdre au bord de la vie
Cet ineffable sang des larmes de cristal,
Offrande qui toujours répond à notre envie
D'épier la douleur et son puissant signal ;
- Et moi, qui me revêts de vos grâces précoces,
Comme un brûlant frelon dans un lis engouffré,
Cher être par qui j'ai, plus qu'à mon tour, pleuré,
Pourrai-je pardonner à mon âme féroce
La paix qui m'envahit quand c'est vous qui souffrez ? 
 
Anna De Noailles.
 
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19 juin 2014 4 19 /06 /juin /2014 07:25
J'ai tant rêvé par vous... - Anna De Noailles
Anna-Elisabeth, comtesse de Noailles par Philip Alexius de László, 1913
 
 
 
J'ai tant rêvé par vous, et d'un coeur si prodigue,
Qu'il m'a fallu vous vaincre ainsi qu'en un combat ;
J'ai construit ma raison comme on fait une digue,
Pour que l'eau de la mer ne m'envahisse pas. 
 
J'avais tant confondu votre aspect et le monde,
Les senteurs que l'espace échangeait avec vous,
Que, dans ma solitude éparse et vagabonde,
J'ai partout retrouvé vos mains et vos genoux. 
 
Je vous voyais pareil à la neuve campagne,
Réticente et gonflée au mois de mars ; pareil
Au lis, dans le sermon divin sur la montagne ;
Pareil à ces soirs clairs qui tombent du soleil ; 
 
Pareil au groupe étroit de l'agneau et du pâtre,
Et vos yeux, où le temps flâne et semble en retard,
M'enveloppaient ainsi que ces vapeurs bleuâtres
Qui s'échappent des bois comme un plus long regard. 
 
Si j'avais, chaque fois que la douleur s'exhale,
Ajouté quelque pierre à quelque monument,
Mon amour monterait comme une cathédrale
Compacte, transparente, où Dieu luit par moment. 
 
Aussi, quand vous viendrez, je serai triste et sage,
Je me tairai, je veux, les yeux larges ouverts,
Regarder quel éclat a votre vrai visage,
Et si vous ressemblez à ce que j'ai souffert...
 
Anna De Noailles. (1876-1933)
 
Source : http://www.poesies.net/20eme.html



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