http://blog.amicalien.com/Thea/t17135_quelques-gouttes-de-rosee.htm
Il fallait ces deux morceaux de bois
il fallait ces fragments d'un bois qui porta fruits, d'un bois qui avait fleuri jadis et sous l'ombre duquel on s'était
aimé
il fallait un bois qui résonne encore de chants et de comptines, un bois sous lequel on avait ri et dansé
il fallait le souvenir des fleurs dans les fibres de l'arbre, dans les fibres de l'Homme
un Homme sur ce bois qui a porté des fleurs
un Homme sur ce bois d'où jaillissaient des fruits
et la force des branches où montaient des générations vives d'enfants !
et l'ombre verte et fraîche des feuilles (le puits désaltérant du feuillage, pour Lui qui donnerait maintenant les dernières
heures de son Temps pour un peu d'eau !)
et l'obscur travail des racines occupées à chercher l'eau nourricière, à fouiller la terre magnétique et blême de la nuit
minérale
le travail obscur des racines en marche vers Lui, secrètement
des racines aux rameaux les plus tendres, l'arbre s'avance vers Lui, l'arbre prépare la sève à recevoir le sang
(Il n'est pas encore né que l'on abat déjà l'arbre qui le portera)
il fallait que tous les souvenirs de l'arbre se mêlent à la mémoire de l'Homme, il fallait qu'ils vivent chacun leur
temps
l'arbre sur la terre
et l'Homme dans Son ciel
il fallait le fer pour les unir, et au milieu d'eux, là où tous deux en s'épousant font une croix, il fallait un peu du sang de
l'Homme, un peu de la sève du bois, pour faire cette Fleur Rouge qui s'épuise jusqu'à terre
© Christian Péchot
Ecce Homo
Genève, 1988
Voir en fin de page d'accueil du blog, la protection des droits.