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À mon aïeule maternelle
Elle est partout et nulle part
debout au four et au moulin
pas un instant pour divaguer
mais pour chanter oui, elle est là
rien ne l'arrête et tout y passe
depuis Ferré, Brel, Mariano
jusqu'au fado et l'opéra
Quand elle épluche les oranges
que lui a données le primeur
des maltaises toujours trop mûres
pour ceux qui ont la bourse pleine
elle entonne un refrain étrange
qui parle vin cuit, et vanille
et d'une recette de Murcia
que lui donna Maria sa mère
Le chaudron bout, c'est un vieux clou
non pas ces beaux reflets de cuivre
qu'on voit sur les dessins du livre
qui vient de Palautordera
caché dans son sac d'émigrée
alors qu'elle ne sait pas lire
À soixante ans, il est trop tard
Il est si vieux ce bouquin là
venu du pays en révolte
ces quelques mots en catalan
dont elle connaît les images
ce petit livre tout en miettes
qui traversa la France libre
bien plus sacré qu'un beau missel
''mi-sel mi-sucre'' disait-elle !
Soudain elle se sauve en courant
l'heure de quérir les enfants
Et au goûter que va-t-on faire ?
Il est déjà la fin du mois
du pain perdu ? ou bien grillé ?
avec juste un petit ''raj d'oli''
non pas de beurre, ici, jamais
ni flan ni crème, c'est gaspiller
la nourriture, c'est pour survivre
Mais elle a dans son tablier
quelques fruits mûrs qu'elle a trouvés
sur les chemins de la commune
C'est la glaneuse de Millet
elle est courbée mais sait chanter
et même ''Aux armes citoyens !''
Elle travaille sans arrêt
à réparer la société
sans cri, sans grève et sans hurler
Elle est partout quand on l'appelle
et chante du soir au matin
Bien sûr qu'elle pleure en secret
elle n'a pas le moindre blé
mais elle sait se contenter
elle est en vie et jamais seule :
Lorca, Neruda, De Falla
Pablo Casals et Cerruda
Son cœur déborde de musique
l'amour des autres, c'est l'Amérique !
( Extrait du recueil : L'EXODE :Ines, Faustino et les autres...)
© Jeanne CHAMPEL GRENIER
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