
Recension : Salvatore Gucciardo – « Ombres et lumières. »
Préface de Giovanni Dotoli.
Illustrations Salvatore Gucciardo.
Editions L’HARMATTAN « AGA » collection L’ORIZZONTE
Format 14x21. Nombre de pages 113.
Salvatore Gucciardo « Ombres et lumières » une clé initiatique.
Le préfacier, maître et professeur émérite Giovanni Dotoli, voit en cet ouvrage particulièrement remarquable du peintre et poète Salvatore Gucciardo, créateur aux multiples talents : « Une fenêtre ouverte sur l’origine » ce qui me fait immédiatement songer à ce tableau bien connu de Gaspard Friedrich, où l’on aperçoit une femme de dos dans l’encadrement d’une fenêtre et face à l’immensité inconnue d’un paysage romantique. A quoi songe cette femme, que cherche-t-elle ? Une réponse sur l’absolu, une révélation sur l’origine ? Qui suis-je ?
Cette image symbolique correspond parfaitement au personnage de Salvatore Gucciardo que je connais depuis les balbutiements de notre intronisation dans le monde des arts et des lettres, c’est-à-dire plus d’un jubilé.
Ce dernier recueil mixte, poésie, prose et graphisme se révèle être en quelque sorte l’aboutissement et la concrétisation du message transmis opiniâtrement toute une vie durant dans l’œuvre initiatique et ésotérique du visionnaire hors pairs qu’est au travers d’une constance immuable, Salvatore Gucciardo.
Les illustrations sont d’une grande qualité et de belle unité, l’ensemble chargé de signes, de codes ésotériques et de symboles révélateurs.
C’est indéniablement une chance et un privilège que de rencontrer au cours de sa vie de semblables créateurs libres et indépendants de tous systèmes et de toutes influences des modes éphémères, tant peintres, poètes, sculpteurs, musiciens etc. J’ai eu dans ma vie cette chance de croiser des personnages flamboyants. Victor Hugo ne disait-il pas pour reprendre un vers en exergue de cet ouvrage majeur : « Chaque homme dans sa nuit s’en va vers la lumière. »
Rapprochons-nous de l‘œuvre pour en percevoir la mélodie et en découvrir les richesses symboliques s’exprimant de manière binaire, s’équilibrant où se complétant d’un dessin poétique à une écriture graphique. Alliance détonante, alchimie enchantée où l’émotion transcende sur la raison. L’énergie développée ici soulève autant de questionnement que d’admiration, car l’œuvre de Salvatore Gucciardo est gigantesque et prodigieuse, je ne lui connais pas une seule journée où il n’a pas peint, dessiné, ébauché, écrit quelques lignes ici et là, car l’écriture bien que plus tardive est devenue aujourd’hui d’une haute importance.
Pour en revenir au professeur Giovanni Dotoli, il a parfaitement perçut le côté médiumnique de Salvatore Gucciardo et qu’au travers de cette inspiration transcendantale, il retourne et se nourrit aux archétypes des origines, aux sources de nos essences, dans le magma de la création et des champs cosmiques, magnétiques et autres mondes parallèles. Une œuvre de ce dernier est une respiration sur le créé universel. L’artiste fusionne avec un environnement stellaire, il en lit les mythes, les sphères, les cercles comme une grande partition cosmogonique.
Les plus grands spécialistes ayant connu Salvatore Gucciardo ne pouvaient que le confirmer, à commencer l’immense maître Marcel Delmotte son père spirituel en quelque sorte, sans oublier le peintre ésotérique et symboliste Aubin Pasque, la grande figure de la littérature fantastique Thomas Oven, ainsi que le remarquable spécialiste de la démonologie l’inoubliable Roland Villeneuve, l’incontournable critique d’art Anita Nardon et beaucoup d’autres spécialistes de l’occulte, du satanesque, de l’animisme, du manichéisme sont présents autour de l’œuvre unique de Salvatore Gucciardo toujours porteuse de ce combat des origines entre le bien et le mal, la lumière et la ténèbre, à ce point particulier que le regard qu’il porte sur le monde contemporain est parfaitement d’actualité, à cette seule différence que cela fait plus de cinquante ans que Salvatore Gucciardo tire la sonnette d’alarme. Mais hélas l’homme est aveugle et sourd. Aujourd’hui nous sommes au seuil d’un chaos et nous sommes bien obligés de convenir que l’artiste-poète avait vu juste sur le devenir éminent d’un monde en souffrance est en perdition.
Salvatore Gucciardo est un passeur d’énergie qu’il transforme en vision divine et en restitue une sorte d’image sacrée, encore faut-il en déchiffrer le code. L’œuvre de cet artiste singulier se mérite et pour que cette lumière sacrale nous guide il faut en être digne, c’est une œuvre génératrice d’absolu. Dans le cas contraire ce ne serait que paroles jetées aux profanateurs ignorants, réducteurs et obscurantistes.
Introduisons-nous dans l’ouvrage qui s’ouvre sur la porte des « ombres » et des corps épuisés aux pieds des terrils qui se souviennent, ainsi que de la vulve du néant d’où sort un embryon conçu avec l’eau des ténèbres, la prémonition se confirme, l’homme géniteur du mal sera l’esclave de ses actes, des erreurs de son incohérence et cupidité.
Les illustrations à l’encre de chine insérées dans le recueil « Ombres et lumières » sont tout en courbes et alternances entre le blanc et le noir. Nous y retrouvons toute la dualité contenue dans les pages de l’ouvrage.
Pareils à bon nombre d’artistes et poètes Salvatore Gucciardo à l’instar des prophètes aimerait restructurer le monde, le nourrir d’actions salvatrices et corriger les erreurs de « Dieu.» Pour vouloir faire entendre sa voix les épreuves sont nombreuses, les obstacles multiples et insoupçonnés et c’est le plus souvent une avancée vers l’inconnu. Comme Arthur Rimbaud l’un de ses poètes de compagnonnage, Salvatore Gucciardo est un artiste d’une extrême lucidité car il se fait « voyant, » porteur d’une belle sensibilité mettant dans sa besace de créateur des brassées de tendresse, des gerbes d’espérance et des réserves d’amour qui seront essaimées et incrustées dans chacune de ses œuvres. Pas une œuvre où ne soient symboliquement présentent toutes les valeurs fondamentales de l’humanité. Lorsque l’émotion devient trop forte ce sont toutes les fréquences vives de ses œuvres qui lui échappent et le consument. L’artiste est dans une sorte de brassier ardent, avec Dante il franchit les cercles de l’enfer et comme Ulysse il doit s’attacher au mât de l’existence et devenir sourd pour ne pas succomber à l’appel illusoire et hypnotique des sirènes.
Mais un artiste tel que Salvatore Gucciardo se ressaisit toujours pour se détourner des pièges et supercheries. Comme tous les authentiques artistes, Salvatore Gucciardo prends le temps de l’instant de grâce, cet espace de réflexion entre deux œuvres, les temps de la mesure des cohérences de l’expression graphique et du langage écrit.
Dans l’œuvre de Salvatore Gucciardo, graphique ou écrite, nous rencontrons cette recherche d’absolu où la femme et l’homme ne feraient qu’un, sorte d’idéal premier de l’hermaphrodisme, symboles ancrés dans la mémoire collective et que nous retrouvons dans les écritures avec ce mythe incontournable d’Adam et Eve. Epoque reculée où l’homme et la femme étaient censés ne faire qu’UN : « Nous représentons l’histoire de l’humanité. » « Essor fervent / Illumination sacrée / Sublimation / De l’homme et de la femme. »
Avec Salvatore Gucciardo nous sommes souvent enveloppés d’effluves vaporeux alchimiques ou philosophiques, l’Athanor caché dans les brumes de l’atelier où le silence du scriptorium n’est jamais bien loin. Mais rassurons-nous, beaucoup plus en lien avec la réalité notre créateur sait faire chanter et chante la femme. Ne parle-t-il pas de l’homme et de la femme : « Habités par le feu de l’exaltation. » ou encore dans un esprit similaire : « Que la lumière sacrale est dans nos gènes. » Sans oublier ce regard de femme déposant sur le poète un duvet de douceur.
Au fur et à mesure de notre avancée dans les arcanes gucciardiennes, véritable cheminement initiatique nous nous engageons vers une forme de connaissance, de dépouillement allant jusqu’à côtoyer l’ivresse extatique des sages. Ensemencer l’ignorance, féconder l’inculte tel serait le désir de notre peintre-poète s’imaginant tout à fait en train d’enluminer les livres sacrés, c’est sur ce point tout à fait utopiste que je rejoins mon ami Salvatore Gucciardo, là où la bête surgit de l’Apocalypse, l’homme peut redevenir fondamental : « Chaque image de l’homme est une anthologie. »
Le temps, grand timonier de l’univers est le maître mot du combat de Salvatore Gucciardo dont l’œuvre globale, peinture et littérature, se voudrait intemporelle, passé, présent, futur se confondent, fusionnent, ils ne font qu’un, mieux , au niveau cosmique, le temps est censé ne pas exister, cela notre artiste visionnaire l’a parfaitement compris depuis longtemps. Une fois initiés nous sommes occultés par son œuvre et nous parvenons à voyager dans un espace hors temps.
Il est toujours hasardeux et délicat de prétendre aborder un artiste de l’envergure de Salvatore Gucciardo, parce qu’il possède des clés que nous ne détenons pas, il entretient un dialogue en communion avec l’univers au travers des mythes, royaume de la poésie et de l’espace tangible au niveau de la réalité physique, voire scientifique. C’est ainsi qu’il interprète et transpose les messages célestes.
Thaumaturge, démiurge, alchimiste, mystique, initié, voyant, philosophe, peintre et poète ? Toutes proportions gardées et sous certains aspects Salvatore Gucciardo est tout à la fois, mais c’est avant tout un homme d’une belle humanité, qui peut et sait regarder les ombres et les lumières du monde.
Ici, je laisserai le mot de la fin à son prestigieux préfacier Giovanni Dotoli, qui confirme que la poésie de notre visionnaire : «.../... est un éclat d’absolu qui nous illumine. »
Ainsi, avant que vous entrepreniez ce merveilleux voyage dans le monde insolite de Salvatore Gucciardo, je vous suggèrerai de prendre le temps nécessaire pour méditer sur ces deux vers :
« Il ne faut pas combattre le temps. Il faut chevaucher la lumière. »
Michel Bénard.
Lauréat de l’Académie française
Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres
Poeta Honoris Causa.
