
Arsène, depuis quelque temps, manquait de ressort, de nerfs, de tonus. Lui qui était si chamarré de l'édredon, se sentait empêtré dans la grisaille, une grisaille sans failles. Où se baladait-elle sa pétillante ardeur, cette flamme qui réchauffait si bien son vieux corps ? Il fallait qu'il l'a retrouve, donc pas question de s'enliser dans la marmelade, il devait réagir. Mais il eut beau se secouer le polochon, arrêter de se ronger l'os à moelle, il eut beau se mirer les mirettes, il n'y vit pas plus clair dans sa boîte à images. Son lumignon intérieur avait disparu lui aussi. Il s'en vint alors à se poser d'étranges questions : " et si des chauves-souris avaient envahi son beffroi ? Et si son estom' se tricotait des nœuds ? Et si son foie se mijotait du gras ? "
Mais il comprit très vite qu'avec de telles idées tordues, il passerait sa vie sur les rotules et même, il allait devenir un escagassoir ripoliné...
Tout à coup, une idée germa dans sa tête, une idée de poète un peu fou et content de l'être, une idée qui lui faisait de l'œil. Il l'accueillit à bras ouverts, la glissa dans sa poche et sortit. Il pleuvait, mais la pluie était belle et douce, il l'aima. Chaque goutte d'eau tintait comme une note de musique. Dans son cœur, un ruisseau se mit à chanter. Soudain, un baiser effleura ses lèvres, un baiser tout frais, sentant bon le printemps.
C'était la petite ardeur sauvage qui revenait au nid...
©Michèle Freud
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