13 septembre 2017
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Recension : Claude Bardinet – « Nomographie poétique » édition Edilivre – 2016 –
123 pages – format : 20 x 13.
Le titre à lui seul nous interroge déjà, il légifère !
Oui, « Nomographie poétique » nous invite à un singulier voyage, beaux, périlleux, aussi incertain qu’une piste en Afrique en période d’hivernage.
L’objectif se mérite. L’énigme doit se résoudre.
Claude Bardinet poète ? Certes ! Peintre ? Assurément !
Alors risquons-nous dans l’aventure.
« Je m’envole au firmament.../... »
Il annonce la couleur. Abaque, serti d’un possible futur d’une théorie quantique, remettant en question bien des certitudes et autres idées reçues explorant l’esprit humain en ses zones solaires et lunaires.
Nous savons la vacuité absente et au nombre d’or, il évoque le noyau d’or.
Notre poète est peintre, docteur en lettres et géographe, il se fait scientifique, passeur, timonier et tente de fixer le point sur l’océan des connaissances en se plaçant dans le sillage universel autant qu’éclectique des O. Khayyâm, F. Pétrarque, M. d’ Ocagne, M. Fréchet, Le Corbusier, G. Pérec, E. Guillevic, J. Roubaud, A. Breton et bien d’autres beaux esprits.
Claude Bardinet transgresse les règles et normes établies, il nous convie à une sorte de transcendance cosmique en pesanteur et abysses insondables.
Il nous extirpe de nous-mêmes aux forceps et perçoit déjà l’aurore des temps nouveaux.
« Je sais qu’il reste fort à faire
Mes espérances sont oniriques. »
Avec lui, nous sillonnons dans l’indéfini, le possible en gestation, les acquis revisités.
Je serais tenté de dire que la poésie de Claude Bardinet est une voie initiatique qui ne s’adresse qu’à des esprits aguerris, des disciples.
Mais à bien y songer et surtout à le lire c’est faux, car cette poésie plutôt informelle a son rythme, son souffle, ses images mêmes hermétiques se révèlent.
Il suffit pour les lecteurs néophytes de se laisser transporter pour cueillir ça et là d’intrigantes images.
« L’œil photographe
Ne hume pas
Il mémorise
Il archive.../... »
J’y vois très bien le rituel d’une danse séculaire conduisant à la transe des esprits et des corps luisant de fards et de transpiration.
A ces instants précis, l’homme se fond à la Terre-Mère et ainsi par extension à l’univers.
Fervent militant et défenseur de la couche d’ozone, avocat écologiste d’une terre en péril, (Même ses livres portent le label « Imprim’ Vert. ») le poète devient photographe du désastre.
Comme Henri Chopin, il rythme ou musicalise la pandémie.
Au fil de notre pérégrination, nous découvrons un Claude Bardinet qui tire la sonnette d’alarme en espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard. A ce titre notre poète se fait le berger des abeilles.
Mais Claude Bardinet a bien des cordes à son arc et il sait redevenir le poète sensible, fragile, émotionnel et romantique qui s’envole vers le firmament dans la joie, le rire et l’amour.
Sa plume soudain s’empourpre, fleurit, calligraphie des embellies.
Il prend aussi position entre autres, pour les vietnamiens qui ont dû surmonter leur destin malheureux ou pour le manchot « empereur » luttant contre les vents glacés et protégeant l’œuf unique sur ses pattes.
Romantique, oui ! Il laisse glisser ses pensées sur le miroir de la Loire. Il sait se faire épicurien amoureux des bons vins et philosophe pour apprendre le fameux : « Connais-toi, toi-même ! »
Allez, permettons à Abélard, à Saint Bernard, ou au moine tibétain de lui donner un petit coup de pouce.
« A souhaiter que son destin
Se confonde avec le chemin
Ecrit dans ses pieux parchemins. »
Homme de lumière le poète s’insurge et fustige l’inquiétante et sombre résurgence des obscurantismes et fanatismes de toutes obédiences.
A ce propos d’ailleurs et pas tout à fait sans raison, Spinoza ne disait-il pas : « Dieu est l’asile de l’ignorance. » Quant au poète grec Odysseus Elitys, il nous rappelle que : « La poésie corrige les erreurs de Dieu. »
Les textes sont parfois sarcastiques, désopilants, acides, tout un monde à contre sens et à contre courant de l’ordre établi, mais ne manquent jamais d’humour.
Jeux de la dérision afin de ne pas trop se prendre au sérieux, reflets détournés ou modifiés de notre société dont il dénonce également l’absurdité et l’iniquité.
Il lui arrive aussi d’user de quelques vieux aphorismes qu’il accommode à la sauce bardinienne.
Quant à l’épilogue, chute incontournable, vous resterez plantés sur une possible équation entres abaques futuristes, verbicrucistés indécises, quantiques probables, vacuité discutable et entropies incertaines.
A vos tablettes, calculettes et faites au mieux pour tenter la probable résolution.
Michel Bénard.