Ici le ciel est tombé tout entier
dans le grand bassin bordé d'ajoncs
et ce n'est que surprise et battements d'ailes
Cols verts, pigeons, hérons ou tourterelles
se noient peu à peu dans le firmament
Glissement de silence perpétuel
Et pourtant l'eau d'en haut et l'eau d'en bas
continuent de converser
L'azur à mes pieds s'évanouit lentement
et puis revient comme l'âme de fond
On ne sait quelle était sa position originelle
Il se devine entre deux profondeurs
un bleu de Klein qui se décline
en douceurs et transparences divines,
si émouvantes que le vertige vous prend
et qu'il est bon de s'adosser à un tronc
sorte de mât aux cordages de lierre
Où est la terre ? Quelle est cette île ?
Où est la vraie position du monde ?
Canopée d'algues alanguies palpitantes
où se suspend la lumière en tremblant
ne permettant plus de différencier le haut du bas
Vertige de manège d'enfant...
Passe ondulant un rayon émeraude
qui ne dit pas son nom
suivi d' un tendre remous vaporeux
Poudroiement et silence d'or
Ni souffle de vent
Ni clapotis
Les jacinthes d'eau à l'étiage
ont des renoncements d'Ophélie
dans les draps frissonnants des nuages
que l'ombre d'un grand saule bleuit
Reflets mêlés d'indigo, d'or et de turquoise
qui se noient dans le vert des feuillages
à peine teinté du bleu des lavandières
Blancheur des ibis tombés des prières
Douceur des pigeons à gorge d'ardoise
Ici, les constellations de saxifrages
ont un parfum de vanille et de miel
Vitrail vivant émergeant du rêve de Dieu
Tel est ce jardin d'eau illuminant les lieux
© Jeanne CHAMPEL GRENIER
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(des canots par milliers)
Comme neige au soleil, le sel ici flamboie ;
et plus loin c'est la mer d' ''il était une fois'' ...
On a atteint le bout de la terre connue,
là-bas gémit l'appel, au-delà des paluds
symphonie ruisselante, musique lente et froide
la vague multiplie ses lèvres frémissantes
elle pleure, elle écume et devient transparente
c'est comme du vaudou précédant cette transe
des algues possédées, agitées, gémissantes
qui vont donner naissance à des coraux en fleur...
Des fleurs pour qui ? pour quoi ? et pour qui cette danse ?
Tant d'oubli, de silence, de visages qui hantent...
Voyages éternels noyés dans la douleur
Entends la voix du sable qui change de couleur
il semble que le jour s'en revienne au début
Les souvenirs se noient, là, à perte de vue
tout est neuf et pourtant tout a déjà vécu...
Et voilà que le ciel s'empare du moment
des envols de mouettes viennent battre des ailes
alors la paix ricoche sur le grand océan
qui se gonfle de joie et fleurit de plus belle
Ils dansent nuit et jour dans les passes du vent
ensemble, goélands, mouettes et flamants
et ils furent heureux, eurent beaucoup d'enfants
Comme neige au soleil, le sel ici flamboie
et plus loin c'est la mer d' ''il était mille fois''...
© Jeanne CHAMPEL GRENIER
31 mars 2020
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Un ami c'est la porte ouverte
Qui reconnaît ton pas
C'est la possibilité d'un ailleurs
Où tu te sens chez toi
Une poignée de mains franche
La chaleur retenue
D'une voix en alerte
Au diapason de ta voix
Des mots pesés qui viennent
Alléger ton chemin fourbu
Un ami, c'est un abri
Il y a toujours
De la lumière à sa fenêtre
Toujours un coin de table
Où le pain a bonne mine
Et le vin bon caractère
Un lieu où le silence sonne
Aussi clair que la parole
Avec parfois un mot pour rire
De la pudeur au fond des yeux
Un ami, c'est la certitude qui renaît
À la promesse d'un feu de bois
Et du temps qui ne compte pas
Un ami, c'est celui
Qu'on aurait voulu être
Tant il est différent de soi
Un ami, c'est quelqu'un qui a besoin
Pour accroître la profondeur de sa vie
De croiser les eaux de la tienne
Et c'est pareil pour toi
Mais tu n'en diras rien
Pour ne pas troubler le fil de l'eau
Des sentiments profonds
À fleur de source, à fleur de peau
Un ami, c'est toute la vie un ami
Et même lorsqu'il est parti
De l'autre côté du partage
Il reste assis sur un coin de plage
À l'écoute des vagues de ton cœur
Traçant son nom sur le sable
© Jeanne CHAMPEL GRENIER
Poème ayant reçu l'APOLLON D'OR à Poésie Vivante .VAISON LA ROMAINE . Mai 2015
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Il semble que le ciel tout à coup va s'éteindre
que l'eau dans les rivières s'en retourne à la source
que la vie diminue, que la sève s'assèche
Il semble qu'en amour on étreigne des ombres
La lueur du matin ne laisse aucun espoir
mais un éclat d'acier, avec des remous sombres
qui vous crèvent le cœur tout en broyant du noir
Il semble que la vie s'éloigne et refroidisse
et qu'un matin noyé on trouve entre ses bras
la cage pulmonaire sans oiseau de lumière
On est seul, suspendu au souffle de l'Ailleurs
On a le souffle court, où sont donc les prières ?
On croise fort les mains avec dans ses doigts nus
la pensée noyée d'encre et la voix éperdue
car la vie s'en retourne par les sentiers de guerre
Où est ce port lointain reposé de prières
que l'on trouvait en soi à chaque coin de rue ?
Où est donc la maison où le grillon espère
ce fronton qui s'éclaire tel une friandise
cet âtre d'autrefois qui toujours fleurdelise ?
Il semble que le ciel va tout à coup s'éteindre
Impossible de dire si vous êtes en ce monde
plus personne n'entend votre voix qui murmure :
''Je sens partir ma vie... Appelez mon mari...''
Il semble qu'on chuchote un ou deux mots bénis
une voix qui soupire : ''Arrêtez, c'est fini ! »
et vous, vous entendez « Faites entrer l'Infini ! »
Il semble que le ciel tout à coup va s'éteindre
Pourtant en haut des murs un rayon le défie
l'arc-en-ciel sort du gris, tous les enfants l'ont vu
avec dans le regard l'azur qui leur sourit...
Il faudra cette fois s'embrasser et s'étreindre
La vie refleurira innocente et bercée
du souffle reposé de ceux qui sont partis
© Jeanne CHAMPEL GRENIER
31 mars 2020
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Textes transmis par Jeanne CHAMPEL GRENIER
Ce dimanche 19 avril 2020, notre ami Louis DELORME nous a quittés nous laissant des montagnes d'écrits, de peintures, de sculptures, sans compter ses ''recensions'' à la fois fines et profondes que chacun garde en souvenir. Louis nourrissait une affection particulière pour Thierry SAJAT qu'il considérait comme un fils, un fils aimant et droit. Claude LUEZIOR, ce grand poète plein de fraternité, nous avait présentés l'un à l'autre, Louis et moi, car il avait deviné en nous une fibre semblable qui nous a miraculeusement permis de tisser ensemble nos mêmes passions durant quatre années d'amitié profonde, inaltérable. ''Mon frère en poésie'', comme le dit son épouse Michèle, a écrit une foison de textes pleins de force, souvent dénonçant les travers humains sans toutefois s'ériger en juge, d'autres les plus nombreux, exaltant la beauté du monde pour l'oeil de qui sait la voir ; mais, pour ma part, je dirais que les poèmes de Louis les plus beaux sont, incontestablement, ceux écrits à son épouse aux yeux de ciel et de pervenche, ceux faisant allusion à leur bonheur. Ils respirent l'attachement véritable, sans effet de style, sans débordement, des mots simples et urgents que l'on pourrait dire encore à deux doigts de perdre la vie.
Jeanne Champel Grenier
UN APRES COMME ON LES VOUDRAIT
(Extrait du recueil ''Prolongations''2018)
Je voudrais m'endormir un soir sur ta gondole
Celle qui m'a bercé tout au long de mes jours,
Où j'ai pu rassembler tant de rêve et d'amour,
Où le geste fut joint toujours à la parole.
J'aimerais qu'on me joue l'ultime barcarolle
De cette belle vie nous avons fait le tour :
Je crois que je ne t'ai pas assez fait la cour,
Pourtant tu m'as guéri de bien des idées folles.
Je l'imagine doux le tout dernier sommeil
Et je ne souhaite pas qu'il y ait un réveil,
Si c'est pour déplorer ton éternelle absence.
Il était enchanteur l'inattendu cadeau
De la vie et je dois mesurer notre chance ;
Que le spectacle cesse au baisser de rideau !
©Louis Delorme
* * *
QUE SERAIT L'UN SANS L'AUTRE
La séparation de deux êtres est la pire des choses
Les lagons de tes yeux, dans mes pensées secrètes,
M'emportent au soleil d'îles au regard bleu,
Où la vague, ondulant ainsi que des cheveux,
Te ressemble beaucoup, fille de mes tempêtes.
Les rochers modelés de tes hanches parfaites
Se laissent caresser par le couchant qui pleut,
Je ne sais pas pourquoi ! Pour exaucer mon vœu
Mille rayons dorés me tournent dans la tête.
Si tu n'existais pas, ma vie serait sans foi ;
Je me le dis souvent ; « Que serais-je sans toi ? »
-Un de ces gars paumés qui désertent le monde,
Et pour avoir la paix, s'enferment dans leur tour ;
Je sais que pour ma vie l'espérance se fonde,
Chaque jour que Dieu fait sur un peu plus d'amour.
©Louis Delorme
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Un poète est mort, une étoile s’est éteinte dans le ciel des beautés immatérielles. C’est aussi un ami parti bien trop tôt, parti bien trop vite. Nous avons eu le temps de l’estime réciproque, mais pas vraiment la durée suffisante pour mieux se connaître.
Louis Delorme était un artiste rare, un touche-à-tout de génie. Mais, ce qui m’a le plus attiré chez lui, c’est son humanisme, son amour de la vie et des humains, de la terre aussi. Vous pouvez relire chacun de ses poèmes sur ce blog pour comprendre ce que je veux dire.
Grâce à Jeanne Champel Grenier si proche de lui qu’ils ont composé et publié plusieurs recueils ensemble, je vais pouvoir continuer à le faire vivre ici. Je laisse la place à Jeanne, elle m’a envoyé plusieurs documents qui seront le premier hommage à notre merveilleux ami Louis. (Jean Dornac)
Jeanne, extrêmement affectée, m’a envoyé ce poème qu’elle a écrit dimanche, jour du décès de Louis…
Dimanche19 avril 2020
Au cœur des fleurs et des pleurs...
Ce matin, à l'heure où s'éveillent les merles,
dans les bras de la glycine et du lilas, enfouis
j'apprends la mort de mon grand frère Louis
Le silence est tout rempli de sa présence...
Je sais qu'il demeure près de ceux qu'il aime
au cœur des fleurs et des pleurs
et que du haut de son échelle
des valeurs
il continue à fustiger ce monde
qui, par moment, s'en va à vau l'eau
noyé de malheurs
Il cherche ses mots les meilleurs
tout en caressant de l'œil
l'éternelle pervenche
dont le regard rieur
se moque
et se penche
avec au cœur
un morceau de ciel
du dimanche
Jeanne Champel Grenier
Autoportrait de Louis Delorme
Autre document très précieux que m’a envoyé Jeanne rédigé par elle-même…
Louis DELORME, ce valeureux poète, peintre et sculpteur qui fut à la fois enseignant, créateur de pièces de théâtre et de chansons ; maintes fois honoré par des prix de littérature,
cet homme originaire de la région du Puy et qui vécut aux Granges - Le - Roi près de Paris ;
cet homme passionné autant par la cause humanitaire que poétique et dont j'ai publié les poèmes maintes fois
nous a hélas quittés ce dimanche 19 avril 2020.
En hommage à sa poésie si riche et variée dont certains textes sont appris dans les classes ( Editions de Retz)
voici ce qu' il écrivait, il y a trois mois à peine, s'interrogeant avec un certain humour, sur notre fin dernière
Texte extrait du tout dernier recueil ( co-écrit avec Jeanne Champel Grenier)
intitulé REBONDS, édité chez Thierry Sajat
L'ETERNEL DILEMME
Le départ sera-t-il vraiment définitif ?
Auquel cas, nous serions tous plus ou moins marron ?
Faudra-t-il traverser le Styx ou l'Achéron ?
La vérité sans doute est très loin des poncifs.
Qu'ai-je le plus ? De l'actif ou bien du passif ?
J'aurai bien quelques vers à donner à Charon :
En voudra-t-il ? Ce n'est peut-être qu'un viron
Après quoi l'on revient, personnage fictif ?
Tout cela pour m'interroger puis reconnaître
Qu'on ne sait vraiment pas ce que devient notre être,
Cependant plus précieux que ne l'est l'avoir ;
Pire lorsqu'on en prend mille fois sa part !
Ce n'est pas sûr qu'on finisse par savoir
Si notre avenir est ailleurs ou nulle part.
Louis DELORME
Autoportrait de Louis Delorme
Pour terminer ce premier hommage voici un dessin de Jeanne Champel Grenier avec un texte prémonitoire de Louis Delorme… Ils étaient de merveilleux complices d’arts…
Grand merci à toi, Jeanne pour ces documents si précieux, si importants pour qui aimait Louis…
Dans un repli tout verdoyant de l'apparence
le désir et l'espoir se font du mouron pour les oiseaux
pourtant une branche d'ozone bourgeonne
dans le bleu du chant d'incandescence
S'agite alors l'arbre des paumes
serrant les mains de l'espérance
à force de bonheur d'aumône
jusqu'à l'effacements des digitales
L'évidence vous échappe encore
une envie d'ascension vous grimpe au cœur
tout griffé de joie dans le touffu des ronces
Une petite vigilance d'escarpolette
vous balance une demi pensée à l'heure
tantôt vivace, tantôt fanée, tantôt alerte...
Qui peut détacher ses étoiles brûlées
du néant bleu d'apparence printanier
qui vous plafonne les idées ?
Et pourtant...le sort nous sépare
À l'ici du monde on s'étreint de solitude
accompagné de sept violes d'habitude
Comment se défaire de cette soif de l'autre ?
Marcher près de l'eau, si possible
la fraîcheur....et la paix si sensible
À défaut, attendre que l'horizon se rapproche
si vite et si près... si près de rompre
que le proche et l'ailleurs se confondent
Pourtant, il faut croire que la lumière croit
à la Lumière qui balaie les scories de la terre
de la folie et de la terreur
Le vent passe sa douce main sur le front des cercueils
puis s'en va cajoler le cœur des fleurs
des regrets, des peurs et des rancœurs
Qui pourra de ce jour définir les manques
qui vous emplissent et vous débordent
jusqu'au son creux de la voix blanche ?
Les fenêtres ont le regard qui penche
vers les chemins et les rues vides
c'est une transe répétitive qui chemine
mine de rien de confiteor en amen
Le soleil même a des élans de suicide
Qui a ressenti un surcroit d'être dans ce néant ?
Il semblerait que nos limites spirituelles tantôt s'éloignent
tantôt se restreignent à l'infiniment petit
laissant le vide et le chaos pleins de stupeur derrière elles
tout comme l'univers en expansion de la bêtise
Ô éternelle insignifiance que féconde la force du rêve
Réalités humaines décevantes seriez-vous inextinguibles ?
L'épeire de la mort retisse, inlassable, sa trame de soie
Le vautour refait son nid encore au même endroit
Ils savent que l'arbre de vie ne meurt pas au premier orage
Un coq chante deux fois,
trois fois, cinq fois, vingt fois...
Qui va trahir la vie ? Ce jour, combien de fois ?
Qui va sauver les petits gestes de la joie
semer son blé au-delà de la fleur de l'âge
et chanter les moissons de paix à plein convoi ?
© Jeanne CHAMPEL GRENIER
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à Clément, à Coline...
La terre est-elle un lieu pour consumer la vie ?
L'enfant, lui, ne nous pousse- t-il pas
à la quête de transcendance et d'avenir
En dépit des fièvres et des toux
Existe-t-il quelque mot-délivrance
C'est un voyage que l'on peut faire par la pensée
Il suffirait de se laisser parfois porter
Les yeux baignant dans un vitrail couleur de miel
Pour deviner comme une voix venue du ciel
Non pas les mots mais leur musique irréelle
Des harmonies créant des ondes fraternelles
Qui adoucissent le corps à corps de la vie
Et qui reposent dans un repli de l'infini
Mille chemins depuis toujours mènent à elles
J'ai caressé des autels d'or et de dentelle
J'ai arpenté les voies éperdues du printemps
J'ai entendu les mots secrets venus du vent
Mais rien ne m'a paru plus beau que voix d'enfant
Qui ne sait pas, qui ne sait rien, et pour longtemps
Et qui vous dit tout simplement ; « Tu vois la lune ?
C’est un bonbon, un ballon rond ou une prune ? »
© Jeanne CHAMPEL GRENIER
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Inutile de filmer juste en accéléré
Les moments d'une vie pour bien réaliser
Le cycle programmé qui file en un éclair
Quatre saisons pressées du printemps à l'hiver
De la graine germée au fruit mûr récolté
Plein de similitudes sont toujours observables
Pour ce qui est de l'homme, deux saisons enviables
Un boisseau de printemps suivis d'autant d'étés
Qui ne devine pas une fin de l'histoire
Quand apparaît l'automne et son hiver minable
Faire de bons vieux os est-il signe de gloire ?
Autant s'habituer au déclin misérable
Etre là simplement dans un corps provisoire
S'être cru né falaise et se révéler sable
© Jeanne CHAMPEL GRENIER
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