17 juillet 2015
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Quand, petite fille, j’ouvris pour la première fois la porte du grenier de ma grand-mère, je restai quelques instants immobile sur le seuil, comme pétrifiée : dans tout ce fatras d’objets disparates, je n’avais d’yeux que pour un mannequin gigantesque, quelques poupées difformes, qui, j’en étais sûre, me regardaient d’un air menaçant. Je pris peur et je voulus fuir cet endroit qui ne pouvait être que le repaire de monstres terrifiants. J’allais faire demi-tour, quand je perçus autour de moi des murmures, des rires discrets et même des chants. Tous les objets paraissaient s’animer, non pour m’attaquer mais pour me souhaiter la bienvenue. Et moi qui les croyais redoutables ! Ils voulaient, au contraire, m’inviter dans leur étrange domaine, me faire découvrir cette île aux trésors. J’étais soulagée, rassurée et brusquement, je fus soulevée par un élan d’enthousiasme qui, m’était, jusqu’alors, inconnu. Et le cœur battant, presque sur la pointe des pieds, je pénétrai dans cet endroit magique qui fut, durant toute mon enfance, mon royaume enchanté, ma maison aux sortilèges, mon lieu de métamorphoses. Là, j’avais rendez-vous avec des personnages que j’inventais, surtout des clowns, des musiciens et des troubadours, mais aussi des aventuriers et des explorateurs. Pour bien les recevoir, je décorais « mon chez moi » soit avec des rubans de velours, des bouquets secs aux couleurs tendres et surannées, soit avec des tissus moirés et quelques coquillages. Dans une malle tapissée de toiles d’araignées, j’avais trouvé des jupons brodés, des corsages en taffetas, un chapeau fleuri, un châle défraîchi. Avec ces vêtements d’une autre époque, je me transformais pour accueillir mes invités imaginaires. Je créais joyeusement toutes sortes de situations : comiques, farfelues, bouleversantes, fantastiques… Quelquefois, je donnais congé à mon imagination. Alors, dans ce cadre voilé de mystère, je plongeais doucement dans une longue rêverie : j’étais en état d’apesanteur, passagère d’une brise vivante ; je flottais dans l’air, aussi légère qu’un flocon de neige, tandis que le temps, pour moi, ralentissait sa course, la suspendait presque…
Malheureusement, les années ont passé. Le grenier de ma grand-mère n’existe plus. Mais mon île aux trésors n’a pas sombré dans l’océan de l’oubli.
Aujourd’hui, « mon grenier » est partout où je peux déployer mes ailes et devenir oiseau…
©Michèle Freud
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