© René Magritte
Moi j’avais dix sept ans, elle seize au mois d’août,
Nous échangions quelques baisers, et des mots doux.
Mes mains parfois couraient sur son corps défendu
Me laissant haletant, amoureux, éperdu
Elle fuyait mes mains, comme on fuyait le loup
Et s’échappait alors comme un jeune chien fou.
Il ne me reste de ces trop courts moments
Qu’un peu de souvenir tendre, triste et charmant.
Le banc en demi-lune où, blottis tendrement
Nous regardions cet astre pâle, en souriant.
Et le souvenir vague, un peu amer, je crois,
D’un bonheur avorté que l’oubli effaça.
Il est des mots parfois, emprunts de nostalgie,
Disparaissant souvent, sitôt qu’on les a dits.
Qui laissent à la bouche un goût âpre et amer,
Fragrance évanescente, fine comme poussière,
Comme ces feuilles d’or qu’un souffle vaporise
Ils sont à peine là, qu’ils partent sur la brise
Sur l’eau de notre esprit, reste mélancolie
Qui s’estompe et qui meurt éphémère souci.
Traversant un endroit, un village, un lieu-dit
Notre vieux cœur d’enfant parfois se rajeunit
Un amour de jadis, a surgi du passé
Chaleur en un instant submergée de regrets.
Comment s’appelait-elle, je ne m’en souviens plus
Oubliés ces amours, et ces fruits défendus.
N’est-il pas pire piège, que celui du temps
Qui nous fait oublier, les noms chéris d’antan.
Il est très dangereux, pour les trop vieux amants,
De se pencher ainsi, aux fenêtres du temps.
Les images enjolivées par nos mémoires volatiles
N'y sont que le reflet désuet de nos souvenirs infantiles
J’ai cueilli moi aussi, au temps de ma jeunesse
Quelques fleurs dans des prés, dont je n’ai plus l’adresse
En passant par hasard près d’un de ces champs ci
J’ai ressenti le temps comme on ressent l’oubli…
Alain Springer©
06-2002
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