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2 mai 2024 4 02 /05 /mai /2024 12:53

 – Editions Editinter - collection poésie – Illustration couverture Marie-Geneviève Simon-Ballou - nombre de pages 119 – format 14x21 – Mai 2023 –

Prétendre aborder un poète de l’envergure de Jeannine Dion-Guérin demande toujours

de l’ humilité, du respect et beaucoup de recul. Car elle appartient à ce cercle très restreint des Princes de la Poésie et croyez bien que ce titre n’est nullement usurpé.

Le grand poète belge Auguste Marin, ne disait-il pas : - Il y a toujours péril à parler d’un poète. Certains êtres, il faut les aimer de loin, d’aussi loin que le silence. -

Voici des ans, des lunes, que je connais la poétesse Jeannine Dion-Guérin, que nous avons souvent échangé pour nous retrouver sur le même chemin, celui de la haute poésie, sur la même fréquence et pourtant dès qu’il s’agit de l’aborder au travers de son œuvre, d’effleurer donc la femme, alors je me sens le besoin de prendre de la distance, car avec Jeannine Dion-Guérin nous touchons au suprême, nous croisons un haut chant de poésie.

Elle a le don de la transcendance avec les gammes de pureté ne révélant que l’essentiel. La note juste et intime.

Une nouvelle fois, avec son dernier recueil – Silence à haute voix – nous démontre si besoin était que sa poésie s’ouvre sur un grand silence épuré, une volonté presque minimaliste.

A la lecture de la poésie de Jeannine Dion-Guérin une énigme m’aiguillonne, car elle a toujours manifesté une certaine complicité avec les corbeaux, ces grands oiseaux si intelligents, il me semble que cela remonte à une période où elle consacra beaucoup de temps et d’énergie à Vincent Van Gogh son peintre d’âme et de cœur. Le corbeau a toujours déposé son mystère sur la poésie de notre amie : - C’est l’heure aux corbeaux, l’aube des matins ambigus qui piaillent à la brume…/… -

Jeannine Dion-Guérin laisse les mots de son imaginaire se mêler aux éléments naturels, recouvrir un galet, l’écorce d’un arbre, perdre leur virginité entre les draps d’un lit nuptial et de marivauder avec l’amour. Elle joue de la métaphore possédant l’art de nous dérouter. Ces mots en goutte-à-goutte finissent par polir la pierre de vie, afin de mieux y graver les initiales de son identité. Son regard s’inspire de l’insolite, des rejets sociétaux, du drame de l’humanité.

L’univers de Jeannine Dion-Guérin s’ouvre à nous en son double sens, imprégné de l’illusion du miroir, de l’image fragile et fugitive, où tout se révèle n’être qu’illusion. J’avoue aimer la facette libertine de notre poétesse malicieuse avec ses clins d’œil là où nous ne l’attendons pas. 

-Ayant du goût perdu le sens au fil du temps s’amenuisant, que me reste-t-il à sublimer sinon le parfum de la « Chose » ? -   

Il faut savoir accepter avec beaucoup de patience le temps qui s’égrène et signer avec lui un pacte de vitalité. Le défi semble absurde, mais à bien y réfléchir il ne l’est pas tant que cela, c’est un acte de bon sens et de bon voisinage. À quoi bon lutter lorsque le verdict de la destinée est inéluctable, mieux vaut composer. Néanmoins la grande question avec Dieu que nous voudrions bon, reste en suspens et nous permet de douter lorsque que nous dévoilons l’image de l’homme. La vie est souvent masquée comme la nature en automne qui à son déclin nous interprète l’air de l’embellie.

Jeannine Dion-Guérin laisse pousser les vignes vierges jusqu’aux pieds de son bureau, elle humanise la nature, vois les arbres en prière face au ciel vide et indifférent, mais où est donc Dieu cet éternel absent ?

Dans ses pérégrinations oniriques elle se découvre des lieux communs avec Colette – Bourguignonne, ma sœur éprise d’amour et de verdure – Petits plaisirs fantaisistes de la vie, besoin de croire en l’âme sœur.

Le langage est parfois codé, Jeannine Dion-Guérin y brode ses images, ses métaphores étonnantes, elle fait en sorte de saisir l’éphémère pour en extraire la quintessence.

Il faut se méfier de l’habitude, du quotidien, il faut se renouveler, bien que ce ne soit pas toujours aisé.- Tant de pistes négligées demeurent à arpenter -

Notre poétesse qui malheureusement a déjà connu une guerre lui laissant des stigmates douloureux, se préoccupe de l’actualité et ne demeure pas insensible à l’incohérence et à l’absurdité criminelle des tyrans qui répandent le sang des innocents et jettent la confusion. Comment se peut-il que pour une simple volonté égocentrique et personnelle un seul homme et quelques bouffons puissent mettre en péril des nations, en semant le feu et la mort.

La question reste posée ! Qui apportera une réponse ?

Sans doute la cohorte silencieuse des cœurs et du bon sens.   

Beaucoup de poèmes à double sens sont à lire entre les lignes, d’une image, Jeannine Dion-Guérin nous donne à découvrir son négatif, manière permettant de nous rapprocher du mystère créateur.

Par sa poésie notre amie reste simple et modeste tout en veillant à ne pas tomber dans le piège de consumérisme : - restons « écrivaillon » peut-être mais seul maître à rédiger. -    

Jeannine Dion-Guérin a toujours été une semeuse de vie, une complice de l’amour et même avec l’âge qui avance elle porte toujours bien haut le flambeau d’une lumière d’espérance : -Pourvu que demeure en elle, le plaisir d’écrire. – Elle donne une vie à ses poèmes, ne sont-ils pas ses petits, ses peines, mais surtout ses joies. Un souffle de liberté fleurte avec le libertinage, le plaisir du corps : - Offre-lui du « jouir » les friandises qu’il mérite. - Oui notre poétesse, femme avant tout, peut bien s’octroyer ce droit : - d’en avoir en son temps croqué la pomme. - 

Elle joue et jongle avec les mots, se fait bateleuse et improvise sans partition.

Jeannine Dion-Guérin se met en quête de bienveillance absolue, de pacifisme contrôlé et d’écologie mesurée, loin de toutes velléités et absurdités partisanes : - En finir avec les éclats de voix, de haine des échanges mortifères de répandre les guerres sous de fallacieux prétextes de terres vierges à ensemencer. –

Le doute parfois s’installe, peut-on encore faire confiance en l’homme aujourd’hui trop plein de dilemmes.  

Elle possède ce don de magnifier le Verbe, de le transcender tout en demeurant dans la modestie et la mesure, de détourner les vocables et leurs formulations de leurs sens originels.

Jeannine Dion-Guérin est une éternelle première, sorte de Diane chasseresse inconditionnelle toujours à l’affût du beau, du bien, du bon, du charnel. Dans cet esprit, je resterai sur la marque de fabrique de notre amie, qui est nourrie d’espoir et de confiance en l’Amour et laisserais la conclusion à : - un ultime coït triomphant. –

 

Michel Bénard

Lauréat de l’Académie française.

Chevalier dans l’Ordre des Arts et Lettres.

Poeta Honoris Causa du Cénacle européen des Arts et Lettres.

 

 

 

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29 avril 2022 5 29 /04 /avril /2022 06:36

Gérard le Goff, La raison des absents, Éditions Stellamaris, 2022. - Recension de Sonia Elvireanu

 

 

Après Argam, un roman très complexe en tant que structure narrative où le réel et le fantastique se côtoient dans une intrigue difficile à démêler, Gérard le Goff nous propose La raison des absents.


C’est un roman moins compliqué que le précédent, écrit à la première personne, focalisé sur l’histoire du personnage narrateur, Étienne Hauteville. Dans Argam, le romancier fait preuve d’une imagination débordante pour créer le côté fantastique du récit. Dans La raison des absents, la vision est réaliste, cependant son attraction pour l’inconnu et le mystère  transparaît dans le penchant vers le rêve de son personnage.


Gérard le Goff met à l’œuvre son talent pour raconter et décrire dans une fiction où le présent et le passé se mêlent pour nous faire comprendre leur réciprocité , que la vie elle-même ne suit qu’un modèle préexistant comme toute chose d’ailleurs. Il fait preuve d’un exceptionnel esprit d’observation, dévoilé dans ses remarquables descriptions de lieux (villes, hôtels, plages) et de gens. Il regarde à la manière de Balzac tout ce qu’il voit, attentif au moindre détail du réel.


En effet, le romancier s’avère un véritable peintre de l’atmosphère de la station balnéaire avec son fourmillement de vacanciers en saison estivale et la monotonie automnale et hivernale des plages, rues, hôtels, cafés, désertés après le départ des villégiateurs. On pourrait croire d’après la minutie de la description à la peinture de lieux bien connus par l’auteur mais, comme on ne connaît pas sa biographie, on se garde d’avancer l’idée d’une possible autofiction. De toute évidence, l’auteur excelle dans la description, réussit à rendre à merveille des scènes panoramiques aussi bien que d’autres plus intimes.  


Le romancier retrace la vie d’Étienne Hauteville, le personnage narrateur qui évoque sa vie à Balmore où il s’installe suite à une lettre reçue de son oncle Bértrand pour occuper un emploi dans une compagnie d’assurances. Le roman commence juste par l’abandon d’une ville connue pour une autre inconnue où se trouve le poste recommandé. Très fin observateur de la réalité, le romancier parsème la narration de multiples descriptions pour rendre la couleur locale et faire le portrait de ses personnages. La perspective panoramique sur les paysages, villes, hôtels, brasseries, plages, vus de l’extérieur, alterne avec le premier plan des pièces de la compagnie d’assurances, des hôtels, des cafés, vus de près, dans leur ambiance intérieure.


Débarqué à Balmore, le narrateur observe les édifices et les gens de la place de la gare avec l’étonnement du déjà-vu. Ce lieu lui semble familier et va provoquer chez lui le surgissement des souvenirs. Il a la sensation de se retrouver dans le décor de Sandre, sa ville natale, de voir une reconstitution de celle-ci, malgré l’apparence de prospérité de Balmore s’opposant à la vétusté de Sandre.

Mirage optique, clin d’œil de la mémoire qui lui délivre des souvenirs à la manière de Proust (lieu, musique)?

La mémoire s’interpose dans la perception de la ville inconnue qu’il parcourt. Plusieurs lieux lui semblent pareils à ceux de son enfance. L’impression de répétition (bâtiments, gens, atmosphère) lui donne un sentiment d’angoisse, renforcé par la conscience qu’ « aux souvenirs précis succédaient des séquences irréalistes ». Le personnage se retrouve simultanément en des lieux et des temps différents sous l’injonction de la mémoire, dans une sorte d’irréalité de l’espace qui se découvre à lui.


Accueilli par son patron, monsieur Favre, il observe aussitôt l’atmosphère monotone et ennuyeuse de son lieu de travail : les pièces où s’entassent les meubles et les dossiers poussiéreux, conscient du manque de perspective d’une telle condition qui rend captif, anonyme tout employé.

 Obsédé par la ressemblance entre les deux villes, Sandre et Balmore, Étienne Hauteville commence à explorer le nouvel espace où les lieux lui rappellent ceux de son enfance. Il se rend compte que les deux villes sont des stations balnéaires où l’atmosphère, les bâtiments, les occupations, les villégiateurs sont pareils. Esprit contemplatif et très fin observateur, il décrit lieux et gens de loin ou de prêt, même une vieille peinture à l’aspect de caricature mythologique.


Le narrateur retrace de mémoire l’histoire de sa famille (grands-parents, parents), la sienne aussi. Il nous donne aussi son portrait fait par son instituteur : un enfant un peu rêveur, singulier, sans amis, indifférent à tout, asocial. Au collège il se nourrit de livres d’aventures et vit dans l’univers imaginaire de ses lectures.

Il se distingue du modèle familial et provoque l’incompréhension de ses parents.
Le récit de sa vie à Balmore alterne avec celui de sa famille à Sandre.


Le lecteur suit donc en parallèle le passé du personnage, reconstitué par ses souvenirs, et le présent, à savoir le quotidien d’un simple employé. Etienne Hauteville emménage dans un appartement loué chez un cordonnier, qui lui rappelle son grand-père maternel. En racontant la vie de ses parents et la sienne, le narrateur commente ses multiples identités à différentes étapes de sa vie. Enfant esseulé, taciturne, apathique, indifférent à son entourage, bizarre pour tous, y compris sa famille, dès ses classes primaires. Collégien maussade, fermé, fuyant toute forme de vie sociale ou familiale, un misanthrope, mais intéressé aux livres d’aventures, vivant dans l’imaginaire. Puis, lycéen tout aussi apathique mais qui découvre tout de même le côté divertissant de la vie.

 

Amoureux, cependant, qui fera d’Hélène son élue, partageant un certain temps avec elle l’illusion de la passion, elle qui sera le seul témoin de ses territoires de songe. Étudiant sans volonté, enfin, sans aucun appétit pour les études et l’existence réelle. Il se tient toujours en marge de la réalité sociale, n’ayant aucun idéal, attiré par le côté énigmatique des lieux déserts qu’il explore, en tant qu’enfant comme en tant qu’adulte.

Le narrateur ne nous cache rien concernant sa vie de débauche suite au renoncement aux études supérieures pour partir « sur des routes insupçonneées », après deux drames survenus dans sa famille (la maladie et le décès de sa mère, le suicide de son père, tombé dans une léthargie maladive après la perte de sa femme). Il mène une existence déréglée par l’alcool, le manque de sommeil, les maux de tête, l’épuisement, la fréquentation d’une bande de cambrioleurs. Il découvre ainsi un autre aspect de son altérité. C’est son oncle, soucieux de son destin, qui met fin à cette étape déplorable de sa vie en lui proposant le poste dans la compagnie d’assurances de Balmore, réinstaurant l’ordre dans sa vie.

Son emploi règle sa vie monotone avec la sensation que le temps passe inutilement, car il n’aime pas vraiment son travail. Cependant il s’acquitte honorablement de ses tâches quotidiennes. Mais sa vie sera bientôt troublée, déréglée par sa rencontre avec un pianiste russe, qui mène une vie de bohême, et avec une inconnue fascinante qui gravite dans son entourage. Le romancier nous présente ces deux personnages : le pianiste avec sa vie nocturne dans les boîtes et Laura, une journaliste de guerre, tous les deux avec une riche expérience de voyageurs et issus de milieux sociaux différents. Le narrateur n’est pas lui non plus étranger à ce type de vie, il se souvient de ses errances de jeune homme dans les grandes villes françaises.

Amoureux, Étienne Hauteville perd la tête et entame une liaison frénétique avec Laura. Il partage difficilement son temps entre son travail le jour et ses excès la nuit. Comme il se tient à distance de ses collègues, l’un d’entre eux, le comptable, le surveille pour le discréditer aux yeux de son patron et lui faire un rapport malveillant qui mène à son licenciement.

Le personnage vacille entre un monde trop réel et un autre irréel, celui du rêve, de sa fantaisie, attiré par le côté inconnu, énigmatique de la vie, exploité à merveille dans son premier roman, Argam. Le personnage narrateur voit le réel comme un spectacle de théâtre. Il peint avec finesse et plaisir des scènes, tel un peintre qui rend sur sa toile le mouvement, l’agitation, la rumeur des gens sur la plage, dans les rues, dans les bars, mais aussi les décors : paysages flous ou intérieurs de villas, restaurants, bars. Il vit dans le réel comme dans un décor irréel, car il ne se sent pas à l’aise dans le social, ni dans une ville balnéaire avec le bourdonnement de la foule de touristes qui l’envahit en été.


Le roman finit par une scène qui rappelle le commencement. Le personnage quitte la ville de Balmore pour une destination qu’il ne dévoile pas au lecteur. Il apprend par la suite la mort de Laura au cours d’un reportage concernant une quelconque guerre, par accident, en lisant un vieux journal, tout comme il avait appris le décès d’Hélène dans un accident de voiture. Les deux femmes tant aimées, qui auraient pu décider du cours de sa vie, ne sont plus que des souvenirs. Le destin a suivi son cours pour lui faire finalement comprendre que « les absents ont raison », d’où le titre du roman.

Des mots en italique au fil du roman suggèrent le côté mystérieux de la vie, la perception de l’auteur qui s’introduit ainsi dans le texte pour inciter ses lecteurs à réfléchir sur les perspectives différentes de l’existence : la vie prise au sérieux ou la vie comme jeu au gré des circonstances qui mènent le jeu.


La raison des absents est un livre sur l’identité /l’altérité du personnage. Pourrait-on oser entrevoir derrière le personnage, en quelque sorte, l’auteur même ? Et dans les descriptions et l’atmosphère du roman une fresque de la vie dans les stations balnéaires ? À chaque lecteur sa perspective de percevoir le roman.


©Sonia Elvireanu                 
 


 
 
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13 mars 2022 7 13 /03 /mars /2022 07:40


 

ÉMEUTES, de Claude LUEZIOR, Éd. Cactus inébranlable (Belgique), 78 pages,
ISBN : 978-2-39049-054-8, 2022

 
 
« Émeutes » ? De quoi s’agit-il ?
 
« Ce bref recueil, pavé y en a marre, se lit comme un brûlot, avec incandescence. », nous dit l’auteur en guise de préliminaire. Voilà qui est bien vu.  En une phrase se révèlent déjà son opinion sur le sujet, l’ironie dont il use avec subtilité et son incroyable habileté à faire parler les mots.
 
Mais attention, dans ce petit recueil de poche, il n’est pas question d’opinion politique. Si l’auteur « conteste parfois les contestataires » avec insolence, c’est parce qu’il n’y a « pas de syntaxe, mais des pavés que l’on descelle ». De même, « La rhétorique de pacotille éructée par un chef quasi-mussolinien... » suscite sa douce ironie mais aussi peut-être sa crainte face à des débordements, par exemple devant les Parlements allemands ou américains.
 
« Je déteste l’émeute » avoue Claude Luezior, tout en s’interrogeant « peut-être est-elle libératrice ? » Racontée à sa façon, pas de doute, le rire est thérapeutique, voire libérateur. L’auteur nous y invite, d'ailleurs : « Riez, braves gens ! »
 
Son humour n’exclut ni le jugement sur la nature des actes ni l’empathie pour la cause. Le ton de son de précédent livre : Un Ancien testament déluge de violence (Éditions LGR Paris), exprimait déjà le refus de cette violence.
 
Poète, médecin empathique, observateur de la société, de ses affres, de ses souffrances, en un mot de son Histoire…, Claude Luezior est bien fondamentalement tout cela à la fois comme en témoignent ses écrits ; « Émeutes », peut-être plus que jamais
 
Le tableau de l'artiste-peintre Philippe Tréfois en première de couverture est en belle synergie avec le texte déjanté de Luezior.
 
Poésie d'une société en désarroi, film doux-amer, pièce de théâtre de l'existence... Ce petit livre édité par l'éditeur wallon Cactus inébranlable pique mais tient chaud dans la poche...
 

Kathleen Hyden-David
 
https://cactusinebranlableeditions.com/produit/emeutes-vol-au-dessus-dun-nid-de-paves/
 
    
                                               
 "Bonne feuille" :


En miroir, les gens d'armes, sombres bataillons dont la lippe inassouvie, emprisonnée par un casque, mâchonne on ne sait quelle pensée provisoire.
 
L'attaque est imminente contre la racaille en sursis car ces feux follets, ces vociférations bancales et leurs débris jetés à l'encan ne sauraient s'emboîter dans les murailles de hautes dynasties.
 
Puissance, impuissance.
 
Masques et boucliers derechef alignent d'avides gourdins, tandis que s'amassent manants et gueux en lamentable engeance.
 
Ébauche de danses mutuelles à la crête d'éboulis où se menacent, instinctifs, des mondes tiers, effilochant les valeurs d'un improbable credo.
 
Une femme en guenilles, lèvres ouvertes et poitrail au vent, brandissant son étendard de liberté, folle égérie née de la populace : on l'appelle Marianne.
 
Sous sa visière de jais, le gendarme suintant sa peur. Face à lui: sa propre chair.

Claude Luezior

 


* * *
*

 

Recension : Claude Luezior – «  EMEUTES vol au-dessus d’un nid de pavés. »
Liminaire de l’auteur.
Illustration de première couverture - Philippe Tréfois -
Cactus Inébranlable éditions -  Printemps 2022 -
Format 10,5 X 18,5 – nombre de pages 78 –

Surprenant, percutant, voici un nouvel ouvrage de l’incontournable poète, essayiste, romancier et ami des arts Claude Luezior, qui, derechef annonce la couleur : dans son liminaire, il déteste « l’émeute » mais avoue d'emblée : « Peut-être est-elle libératrice ? » Cet opuscule est croustillant de dérision dans l’observation de certains troupeaux où paissent faiseurs de morale et fossoyeurs endimanchés de la nation.


Bienveillance et humour grinçant face à un système sociétal en déshérence ?


L’auteur n’est pas avare de recommandations. face aux nouvelles recrues de la « manif », aux élus et ténors de la contestation, aux vaillants moustachus biberonnés de syndicalisme. Preuve évidente d’une certaine expérience analytique (pas mal, pour un neurologue-poète !) sur le comportement des dynamiques de masses.


Ce recueil est un cri contre le crétinisme bon enfant d'une populace en marche. C’est un clin d’œil aux petits-enfants de Robespierre, victimes de leur propre engouement à casser du flic ou du bourgeois. « Rions un peu ! »


Notre poète joue, selon son habitude, du langage avec subtilité et intelligence ; pour les frères de François Villon, pitoyables gibiers de potences, la condamnation sera lourde pouvant aller jusqu’à « cent ans de démocratie ». Est-ce bien raisonnable ?  


Nous sommes là, sur les pavés de la discorde, face à un recueil qui fleure bon le pneu brulé et le gaz lacrymogène. Dansons la Carmagnole ! Nous ferions facilement, de ce condensé, un livre de chevet tant il est pertinent. Le verbe y est raffiné dans son combat dénonciateur, il ouvre un espace de lumière lorsque l’esprit s’enténèbre.


Images à la Eugène Delacroix, lorsque les gueux lamentables se retrouvent devant les forces de la loi qui transpirent sous leurs casques et visières. Alors apparait Marianne, telle une guerrière salvatrice.


En bon révolutionnaire de substitution, Claude Luezior  fait feu de tout bois:  la Commune, mai 68, les gilets jaunes, les cégétistes, les trotskystes et autres produits de la panoplie contestataire. Sans oublier les saucisses, les idéaux échevelés et le picrate qui tache. La populace recolore le monde, surtout en rouge : couleur de la colère, de l’espoir international et de la soi-disant liberté. Déguisements pour un carnaval de l’insurrection.


Ce recueil « Emeutes, vol au-dessus d’un nid de pavés. » risque bien de faire grincer quelques chicots, tant il sonne vrai. Aveugle du pire celui qui ne veut pas voir. Sans doute y aura-t-il un Savonarole, un Robespierre ou un Danton pour contredire le bienveillant écrivain dans sa description de notre monde en proie aux idées partisanes.... Claude Luezior se surprend à découvrir du beau dans le « sfumato » des gaz lacrymogènes et des fumées en volutes des saucisses grillées. À qui sait la voir, la poésie est partout.


Certes, le souffle de la fraternité est bien mal mené et la mondialisation capitalisante n’est pas étrangère au chaos qui est de plus en plus prégnant, avec ses technologies nouvelles qui conduiront l’homme à l'aliénation et servitude. Et notez bien, face à l'émeute devant le parlement de Berlin : « N’oubliez pas le mot Reich, n’oubliez pas les chemises brunes et leurs sombres cohortes. »


Si la plume de Claude Luezior joue avec humour et dérision, elle sait aussi être grave, émouvante devant une telle misère qui se débat dans les filets d’une société infiniment blessée. Ici le poète revendique son droit au rêve, passage vers le pays de l’utopie :  « les pavés s’envolent tels des oiseaux de paradis. »


Alors oui mon Frère : « Lève-toi avec vigueur et majesté contre le tyran, dresse tes piques mais que ton combat ait du corps et de l’audace chevaleresque ! » 


Ce recueil impose le respect : quelques braillards en guenilles pourront se nourrir de ces fruits. Tout lecteur les trouvera pertinents et visionnaires.

 

Michel Bénard.  

 

PS : Art brut ou art singulier, l’illustration en couverture, « Le couple » du peintre Philippe Tréfois,  symbolise magnifiquement le côté dépareillé et fractionné de notre société en perte de valeurs. 

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16 février 2022 3 16 /02 /février /2022 08:13

 

PLANÈTE SOLAIRE L’INSTANT S’ÉGOUTTE, JEANNE CHAMPEL GRENIER, ILLUSTRATIONS DE L’AUTEUR, ÉD. FRANCE LIBRIS, 107 P., ORTHEZ, 2021


“Moi j’aime tant tout ce que j’aime! Si tu savais comme j’embellis tout ce que j’aime ! Et quel plaisir je me donne en aimant ! Si tu pouvais comprendre de quelle force et de quelle défaillance m’emplit ce que j’aime…C’est cela que je nomme le frôlement du bonheur ». Extrait des Vrilles de la vigne de Colette.

C’est à ces phrases de Colette que j’ai pensé en refermant Planète solaire, L’instant s’égoutte de Jeanne Champel Grenier.

J’y ai lu la même énergie du vivre :
«  Alors je décidai de saisir, partout sur ma route, le verre à demi plein et de le brandir afin qu’il se remplisse de cette lumière, de ce cru céleste qui éclaire loin et longtemps ».

Le même talent et la même avidité du vivre aussi qui consiste à appréhender le monde dans ses moindres joies et ses plus petits mystères pour les faire immédiatement siens :
« Messages subliminaux à la fois mystérieux et familiers » dont la poétesse ne doute pas un instant qu’ils lui soient « personnellement adressés ».

Dès lors tout devient le lieu d’une communion avec la nature pour qui désire être :
« Un miroir vivant qui se laisse traverser
Absorber par la Beauté palpitante de l’Univers. ».

L’arbre d’abord, cet être majuscule entre branches et bronches que Jeanne inscrit à la cime de son arbre généalogique,

Les fleurs dont elle possède une connaissance parfaite et dont on lira deçà delà les noms savants comme Le Rosa Rugosa ( le rosier pourpre de ma mère) et avec lesquelles elle joue d’une langue savoureuse : Des Vies…Des Violes…Des Violettes. (Elle évoque d’ailleurs Colette dans ce texte.)

Et tant d’évocations de l’enfance... Ah ces longues briques (lombrics) qui me renvoient une fois encore à l’escargot presbytère de Colette !

Et puis cette voix tutélaire, toujours féminine, qui rappelle à l’ordre l’enfant trop libre avec beaucoup de dérision et d’amour :

-« Alors ? Tu es encore allée traîner tes guêtres chez les De Montreynaud ? Méfie-toi, un jour le garde te prendra pour un renard et te fera empailler ! »

Sous ses pépites de bonheur pourtant se glisse en filigrane une véritable réflexion sur la vie, sur le motif de l’instant qu’il faut saisir. Ce questionnement existentiel passe souvent par le biais de la peinture. Car faut-il le rappeler chacun de ces textes est illustré d’une aquarelle originale de la peintre poétesse.
Et même si la mort plane aussi ( Je pense en particulier aux deux très beaux textes dédiés à Miloud Keddar, peintre, poète et ami de Jeanne Champel Grenier, parti « célébrer le silence le 20 janvier 2021 » il n’en reste pas moins que ce recueil est un Feu de joie.

La poétesse conclut :

«  je convoquerai mes amis les plus chers, ceux qui sont tout en bas, ceux qui sont tout en haut, pas un ne manquera à la ronde d’hiver, et on se tiendra chaud, chacun avec ses mots d’amour et d’amitié »
« Ah, qu’elle sera courte l’Eternité, courte et renouvelable à satiété ».

Permettez, Madame, que je m’y glisse aussi un instant !

Barbara Auzou.

 

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30 janvier 2022 7 30 /01 /janvier /2022 07:28

MAIS LA DANSE DU PAYSAGE-Barbara AUZOU-Poèmes - Préface de Claude LUEZIOR-5 Sens édition-2021

 

« ...Mais la danse du paysage... » Ce vivant mot de passe transmis par Blaise Cendras, l'éternel voyageur, nous prépare à un changement de rythme plus qu'à de belles descriptions des pays traversés. Il s'agit bien de voyages mais de voyages vécus et rapportés sur un autre ton : ''le paysage ne m'intéresse plus, mais la danse'' nous dit Cendras qui voit défiler les pays.

Claude Luezior, pertinent préfacier de ce livre, note aussitôt ce point original : il s'agit pour l'auteur de :

« Prendre et reprendre les lignes qui ondulent et fuient vers les frissons »

Barbara Auzou paraît si naturellement prédisposée au bonheur de la découverte qu'elle semble vérifier d'emblée la parole de Claude Estéban fustigeant les poètes qui se nourrissent de noirceur, en ces mots : « Quelqu'un qui crie que tout est noir, c'est dans sa tête qu'il se cogne »

Dans ce recueil, tout est fluide, ouvert, musical et positif : il s'agit de la ''substantifique moelle'' du voyage, celle qui vous soulève et nourrit votre vie...pour la vie.

Essayons d'emprunter un instant cet « Itinéraire de l'éphémère »qui n'exclut pas ces repères de stabilité que sont partout, les arbres ; l'auteur nous parle de ''l'arbre que l'on s'est choisi'' qui est cité de façon rémanente, où que l'on soit comme un repère, un tuteur entre sol et cieux : 

« comme ces arbres debout sur une seule jambe tremblants séculaires et tout en visions »P.21

On note, à chaque halte, ce qui va demeurer vivant à l'esprit, le son, le timbre du lieu ou de l'instant, tel « le renard gris des Rocheuses...avec son langage à émettre des oiseaux au-dessus des cactus »P.22

Au Kénya « où la beauté s'émonde tendue entre deux gazelles »P.24

Sur l'Ile de Pâques avec « ses vieux enfants de basalte et l'or sombre de la voix à l'aube accordée »P.27

À Wallis et Futuna où «  le bleu qui sert à aimer là-bas se pose comme une coccinelle sur un sein »P.32

Aux Açores où l'on dit « que ce même soleil fait tomber l'amour des corniches »P.36

Au Sri Lanka où « nous aurons désappris à aller vite et nous voilà voyageant à l'abri d'un autre temps »P.38

Dans la Pampa Argentine... « et dans les plaines du vent tressons nos voix pour apprendre à la vie / à épeler toutes les lettres clandestines du consentement »P.40

Et aussi en Sardaigne où, l'auteur nous dit reconnaître «  la Diane doucement poignante du destin ( citation en hommage à René-Guy Cadou)

Et combien d'autres destinations encore qui font de ce recueil un carnet de voyage écrit dans une langue sobre, pertinente, et sur un ton très personnel ; un voyage de connivence avec l'amour qui permet de côtoyer la beauté vivante dont un cœur ouvert et positif ne peut se déprendre quelles que soient les circonstances. Après avoir suivi en pensée l'itinéraire de ce voyage je dirais en conclusion comme l'avoue Barbara Auzou :

« J'ai marché pieds nus vers l'Ailleurs...

« Je ne savais pas qu'on pouvait à ce point aimer la vie »

Recommandons à tous, en cette époque de repli funeste, non pas la lecture mais la fréquentation de ce livre exceptionnellement positif et profond et terminons par ces mots de l'auteur, émouvants et légers à la fois :

« Et je m'éloigne des maçons du passé

de tout ce qui brûle les passereaux...

j'accepte la tiare somptueuse du printemps

sur le roux de mes cheveux... »( Au pied d'un seul arbre)

 

Jeanne CHAMPEL GRENIER

 

Mais la danse du paysage( Poèmes)-Barbara Auzou-5 Sens Editions Genève( Suisse)

 

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 08:14

 

Traduit du roumain et préfacé par Dana Shishmanian, 4e trim. 2021
Éd. L'Harmattan, Paris, 96 p., ISBN : 978-2-343-24323-8

Nul doute qu'Ara Alexandre Shishmanian a une plume de poète, bien que celle-ci puisse paraître, au prime abord, acérée, voire vertigineuse. En effet, comme le note justement sa préfacière, il faut entrer dans cette écriture comme dans un monde inconnu, où tout est à découvrir : ne pas reculer devant l'insolite des connexions, ou s'obstiner à chercher le sens dans le seul plan du discours, mais se laisser plutôt porter par le souffle, tantôt syncopé tantôt continu, des mots et des images, tels qu'ils viennent dans leur bousculade en rupture des conventions sémantico-syntaxiques (...)


L'on serait même tenté d'aller plus loin : le propos de l'auteur, que l'on pourrait qualifier de carrément débridé ou, du moins, d'idées verbales en fuite, semble justifier son équilibre virtuel dans le rêve, le cauchemar, voire le mythe sous-jacent.


le poète traîne ses haillons parmi des nids de limites*
ses yeux crient à travers le sang de ses paumes-
des explosions flétries de crépuscules *
personne se croise songeur-
méconnu de lui-même*

 

Ses mots, telles des éclaboussures issues de leurs cavernes, prennent forme en de surprenants jaillissements. Puissance d'images cristallines et contresens naturels s'intriquent dans des mêlées où s'étranglent, pêle-mêle, des vocables rares et des expressions aux limes de la syncope.


Y renaissent et s'y bousculent incantations aux aguets, néant pavé de solitude, clameurs et sirènes.


À noter de curieuses astérisques en fin de lignes, comme s'il s'agissait là d'une ponctuation nouvelle ou d'un code suintant du fond des âges.


Avec un lyrisme hors du commun et que d'aucuns qualifient de post-romantique, Shishmanian évoque, tel un fil rouge, l'amour indicible d'Orphée, l'enfer d'Eurydice, l'inénarrable lien et les failles entre les êtres, au-delà des contingences.


Et l'auteur de conclure :
je scrute -tenant personne par la main-
des amnésies qui dépassent l'anamnèse-
je la vide des pas et de la substance de l'ouïe
où elle s'était incrustée- jusqu'à ce que j'oublie
toutes les différences qui me crucifiaient *

 La poésie, est-elle, quelque part, un espace privilégié pour une fusion inachevée du réel et de l'irréel : lunaisons singulières, prières et vibrations laïques, entrelacs chamaniques de mots et d'absolu en quête de transcendance ?

©Claude Luezior


 

 

 


 
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12 janvier 2022 3 12 /01 /janvier /2022 08:00

Éd. Alcyone, collection Surya, 63 p., 2021
ISBN: 978-2-37405-085-0

 

Condensé pour ossuaire de solitude, accords mineurs, ce recueil distille une sève noire issue du fond de l'être. La respiration du rythme tient lieu de ponctuation, des plages immaculées donnent leur oxygène à la phrase, une majuscule relance le propos à chaque page : tessons de lumière, voix blanches presque aphones, magique fluidité, bienheureuse poésie en jachère...

Un filament de lymphe
entaille le ciel

certains le nomment
nuage

en vérité
il n'est que souvenance
de l'imparfait de la pluie

À contre-lumière, à la frontière, à l'entre-deux, dans des espaces inachevés, aux limes de l'aurore, l'infini est fragment. Pourtant, le poète est en belle cohérence, celle du rêve, celle d'une lueur  incertaine, diffractée, d'une indicible douceur... sur un vélin d'absence.

Bien que les images tirent leurs racines dans la calligraphie de l'eau, de la glèbe et du feu, on est aux limites du figuratif, dans une sorte d'abstraction qui se suffit à elle-même :

lentes torsades
où affleurent les cendres
d'une genèse

élégie du feu
parole accrue de chair
palpite
dans l'étreinte des pierres

quelles flammes là jetées

Poète-funambule de haute lice, Jean-Louis BERNARD joue avec le langage à l'extrême limite de son sens, quitte à nous prêter une manière d'apnée où convulsent les mots. Ivresse des profondeurs où se côtoient les sombres rayons d'un Jean de la Croix et le noir-lumière d'un Soulages.

Un bémol, à propos du fort beau texte en quatrième de couverture où l'auteur évoque ces personnages. Y jouent à la marelle des caractères lilliputiens. Diantre, est-ce une éloge à la microscopie ou un complot de mon lunettier ?

Rouvrir les feuillets, une fois encore, est une vraie récompense :

Liturgie d'un regard
sur l'île submergée
par l'émeute des nuages (...)

océan songe
terre abyssale
de secrets
où se mirent les nuits
de tous les millénaires

nos estuaires inaccessibles
lui font allégeance
auraient voulu dompter
la migration des sources

Alcool de la poésie, vertige des mots !

©Claude Luezior
 
 

 

 


 
 

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12 décembre 2021 7 12 /12 /décembre /2021 08:03

Editions Les Poètes Français

 

''Caillou de lumière sur le sentier de la nuit''nous confie Hafid Gafaïti dans la belle préface de ce livre d'Art ; et je dirais très vite et de façon convaincue, que cette pépite encore brûlante vaut son pesant d'or, mesurée à l'aune de tout ce qui se publie sur cette planète.

La personnalité d'Eliane Hurtado marque aussitôt d'un sceau indélébile l'imagination de celui qui se trouve confronté à l'une de ses oeuvres ; on se situe à l'instant de création, mais à l'instant positif où la poésie élève la vision. Un chemin de lumière tel un serpent de feu ou de sang traverse parfois en diagonale le tableau, lui donnant une élégante pulsion ascendante. Il n'est jusqu'aux fleurs couleur rouge feu sur fond noir qui ne soient créations quasi volcaniques ; fleurs divines qui demeurent en la mémoire longtemps après le jaillissement initial.

Les mots de Michel Bénard, (grand peintre voyageur, poète lauréat de l'Académie Française entre autres cent titres de reconnaissance) sont comme une sereine et fidèle voix qui accompagne ce créatif chemin de beauté. Venus en écho d'émotion depuis les falaises et abimes lancés et colorés par la main inspirée du peintre Hurtado, ces mots nous accompagnent, ce sont les mots d'un habitué de ces lieux rares, un éclairé qui nous dit comment recevoir ce qui se présente à nous : un ami, poète et peintre de très grande qualité lui-même, qui nous guide sans effet de manches :

 

''Au cœur de la douceur/ D'un cloître ocre-rose / Le regard en exil / J'ai découvert votre visage/ Rayonnant en toute tendresse/ Dans le cristal d'une perle de rosée...''( p.14 et tableau''Alternance'' p.15)

 

''Dans l'onirisme imprévu/ D'une parenthèse de vie...S'imaginer pouvoir un jour/De la partition déchiffrer l'éternel''(p.28 et tableau : ''Errance fractionnée'')

 

Un livre sublime, riche de 160 pages où toutes les œuvres sont en couleur, ce qui hélas n'est pas toujours le cas dans les livres traitant d'Art et Poésie. Un livre exceptionnel où la parole sereine de Michel Bénard nous accompagne d'oeuvre en œuvre, ces planètes secrètes bien connues en tout point de lui seul, afin de ous inviter à

''Danser avec les galaxies / Sur les pouponnières d'étoiles / Jusqu'à la naissance sublime/ De la ronde des mondes/ Pour l'insolite de l'amour ( p.38)

Comment ne pas se laisser tenter par un tel voyage dont on ne peut revenir qu'augmenté ?

Plus de 70 textes poétiques de Michel Bénard face à autant d'oeuvres en couleur d'Eliane Hurtado, un ouvrage dont la couverture cartonnée format 32/32, présente une très belle et riche oeuvre en couleur sur fond noir, signée Michel Bénard !

Rêve de vitrail - Eliane Hurtado

 

Jeanne CHAMPEL GRENIER

 

Adresses :

Madame Eliane Hurtado - 74 rue Championnet -75018 - PARIS

Monsieur Michel Bénard -124 rue de Vesle - 51100 - REIMS

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13 novembre 2021 6 13 /11 /novembre /2021 07:38

 

 

 

Illustré en première de couverture par ''la chapelle royale du château de Versailles'' (Excellente photographie de l'auteur), Chris Bernard nous présente son nouvel ouvrage : une compilation des éditos de la Revue PORTIQUE dont il est président actif, et cela pour sauver du piratage ses données informatiques ; merci donc encore au livre, cet outil durable, qui permet ce genre de protection. Et comme il serait dommage de perdre la trace de ces éditos pleins de foi en la poésie et en la langue française !

 

Chris BERNARD, cet homme de conviction qui fut conseiller municipal, créateur de prix littéraires, administrateur du Centre Culturel de Vaison-La-Romaine, occupe encore et toujours tant de bénévoles et belles fonctions en rapport avec l'humanisme et le rayonnement de notre langue, et ceci sans tapage médiatique ! Afin de ménager sa modestie, je ne citerai pas ( ils sont nombreux) tous les titres honorifiques qui s'attachent au nom de Chris BERNARD, poète, humoriste, directeur de publication de la revue Portique.

 

Signalons avec force à quel point ce poète s'est investi, sans la recherche d'honneurs tapageurs, dans la protection et la sauvegarde de l'expression poétique de langue française, sans oublier la main tendue au patois provençal de sa région, langue ensoleillée de Frédéric Mistral, toujours fidèlement pratiquée par bon nombre de ses concitoyens.

 

Fervent protecteur de la langue française, disions-nous ? En effet pas un seul de ses éditos qui ne lance l'alerte sur un relâchement quel qu'il soit : orthographe ou vocabulaire ; et c'est avec humour, mais insistance et clairvoyance que ce chantre du bon français nous relate toutes les aberrations linguistiques nouvellement créées par le laisser-aller du langage et celui de l'écriture.

 

Je me souviens d'un dessin humoristique ( un personnage à cheval qui partait en guerre avec pour légende : « Je suis à cheval sur l'orthograffe! » ( orthographe avec deux ff!) Un joli clin d'oeil que ce dessin publié au cours d'un nouvel édito !

 

Il n'est pas inutile de relire cette centaine d'éditos, voire plus, qui essaient de prévenir la lente mais sûre déperdition de notre langue par un abus d'anglicismes ou de termes informatisés qui font perdre au français toute sa richesse d'expressions, rendant la pensée plate et linéaire, reléguée à l'expression d'urgences ou de banalités.

 

Et si la désaffection des Français pour la poésie venait de cette lente descente aux enfers de l'expression stéréotypée, dénaturée ? Cette langue courante abrégée par l'urgence, le quotidien servile, le ''fast-food'' de la parole, peut-elle encore porter la musique, le rythme et la beauté nécessaires aux rapports humains?

 

Alors que notre bon français est si riche de tournures, de vocabulaire, d'expressions variées, riche en musicalité aussi ; pourquoi irions-nous le saboter ? Pour communiquer plus vite ? Aller à l'essentiel ? Etre ''dans le vent'' ? Mais l'essentiel n'est-il pas notre appartenance à un grand peuple instruit, ouvert, qui communique sa culture au monde entier et qui respecte sa propre langue, celle de ses écrivains, de ses artistes, de ses poètes ?

 

À suivre donc, avec joie et courage, la croisade de sauvetage de notre français. Et en route pour de nouveaux éditos qui ne manqueront ni d'humour, ni de sérieux, dans cette attachante revue PORTIQUE, toujours debout et fière, grâce aux poètes qui lui sont fidèles et au dévouement passionné de Chris BERNARD.

 

Jeanne CHAMPEL GRENIER

 

 

Editos et Poèmes - Chris BERNARD - Edition Portique -18 euros

à commander à :

Chris Bernard -587 Chemin du Jas - 84110 Puyméras

 

 

 

 


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17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 08:26

 

Isabelle Poncet-Rimaud, Dialogues avec le jour, éditions unicité, 2021

 

Le quotidien bouleversé par la pandémie ne manque pas de surgir de façons différentes dans l’écriture des poètes et des prosateurs. Le ressenti de ce temps,qui a renversé les habitudes de tous, est le noyau du recueil Dialogues avec le jour d’Isabelle Poncet-Rimaud.


Face à l’agression d’un événement qui oblige au confinement, la profonde sensibilité de la poète cherche refuge dans la poésie. Un dialogue avec soi-même, jour à jour, lui permet d’observer plus attentivement la réalité et de s’observer soi-même à travers ses sentiments et ses états d’âme. Mais elle se garde de faire de son écriture une chronique de ce temps, comme le font certains poètes et romanciers qui adoptent la forme du journal intime. Isabelle Poncet-Rimaud ne cède pas la place de la vraie poésie au minimalisme, au prosaïque du réel trop accrochant, elle se tient à la hauteur de la grande poésie qu’elle a toujours écrite.


Les poèmes s’enchaînent sans titres, il n’y en a que de très rares à en avoir un titre pour marquer un événement, comme le premier, Confinement, pour nommer une situation hors du commun, vécue non seulement par la poète, mais par le monde entier. C’est le début d’un temps fracassé, lourd, paralysant, celui de l’exil imposé.


Elle surprend l’atmosphère pesante de l’espace qui se rétrécit et se ferme sur l’homme, la sensation d’être prisonnier, l’incompréhension d’une force obscure qui s’infiltre dans la vie des gens, les tenant immobilisés contre leur volonté, l’inquiétude et la peur face à la mort, autant d’images qui renvoient à l’absurde existentiel de Camus. On se rend compte de l’authenticité du vécu pendant l’isolement, chacun se retrouve dans les vers d’Isabelle Poncet-Rimaud.


La première image est celle de la ville immobilisée, où le rythme de la vie s’arrête brusquement. Un silence écrasant règne partout, pareil au linceul, présage de la mort, il pèse comme un fardeau sur l’âme :
« La ville
en arrêt,
comme un chien de chasse
renifle la proie cachée.
Tout se tait. »


La ville est paralysée, suspendue entre la vie et la mort, l’homme solitaire, isolé, désorienté, en attente : fin ou renouveau.


Seul l’oiseau traverse le silence de la ville immobile, symbole du vol, de la liberté, alors que la poète, « sentinelle au balcon », guette l’heure de vie ou de mort, nuit et jour, entre l’angoisse et l’espérance:
« Attente traversée de l’humeur vagabonde
des oiseaux-sémaphores
qui relie l’homme mis à terre
au langage oublié du ciel.»


Rendu à la solitude insupportable, à la claustration, à la peur, le dialogue avec soi devient source de résistance psychique, de même que le printemps qui fait renaître les arbres, alors que les mots s’efforcent de livrer des sentiments confus, faire sentir la fragilité de l’être dont les heures semblent comptées.


De fenêtre en fenêtre, le long des rues désertes, les regards de survie, de reconnaissance d’une humanité vouée à l’incertitude du demain, l’appel à la vie, l’amour, le souvenir, le regret sans consolation pour ceux emportés par ce temps « fou », malheureux.


Comment faire face à la solitude, à l’isolement, à la peur de mourir sinon en les affrontant, rêver, espérer, retrouver le rythme naturel de la vie paralysée par la peur ? La fête de Pâques  devient « signe d’Espérance » :
« Faire de l’exil
une terre de retour,
de l’immobile une transhumance,
de la distance
un accueil,
de la perte
une partition
pour les notes de la vie. »


La métaphore ne manque pas de créer les images de la vie sur l’horizontale et sur la verticale, surtout celle de l’oiseau que retient le regard captif. Il ranime l’envie de s’échapper du confinement, de se réjouir de la vie ; ou  l’image de l’arbre, lien entre la terre et le ciel, riche de sens :
« Chien de garde tapi
en creux d’âme,
le manque attend
prêt à bondir
sur l’ombre fugace
d’un souvenir de liberté. »

Dialogues avec le jour d’Isabelle Poncet-Rimaud ne reste pas dans la pesanteur de l’isolement et, de la peur, mais retrouve l’espérance, exhorte à la vie, « à la ferveur d’exister  »

 

Sonia Elvireanu

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