Toutefois, le souci d’un sain communautarisme qui habite l’auteur depuis sa jeunesse incite à penser que c’est en conscience – en pleine conscience – qu’il cherche à déborder des frontières étroites de l’ ego pour incarner plutôt une subjectivité interpersonnelle.
De là à penser que l’écriture « bipolaire » de Claude Roy puisse être projective d’une attitude assez fondamentale, il n’y a évidemment pas un océan à franchir. Curieusement, le roman Le Malheur d’aimer qui date de 1958 traduit lui aussi cette indécision face à l’engagement profond et indéfectible, cette fois dans l’amour et quand bien même il apparaît totalement partagé. C’est vrai, aussi, que c’est donc l’année qui lui fera connaître enfin un amour sans équivoque.
Risquons un rapprochement avec le jugement -sur un tout autre plan - de Maria Van Rysselberghe (***) qui, dans ses Cahiers, relatait une rencontre de Claude avec Gide en octobre 1941 : « nettement de droite avant la guerre, il ne reconnaît plus son idéal depuis qu’on l’applique ; mal à l’aise partout, tâtant de tous les groupements, de toutes les directions sans pouvoir adhérer à aucune ». L’opinion toujours extra-lucide d’Edgard Morin ne dit pas autre chose : « Claude Roy, comme tout naïf stalinien, avait peur de lui-même … Le parti est notre garde-fou, me disait-il comme si nous étions des déments. Et sans doute son esprit un peu tout-fou, toujours prêt à adhérer à tout et à rien, trop léger de sa gentillesse universelle, avait besoin d’un centre de gravité, d’un tissu conjonctif, d’un squelette » (5).
Fort heureusement, l’auteur s’est largement ressaisi de ces atermoiements en s’affirmant aux plans politiques et philosophiques, mais également affectifs, pour ne garder ce trait (comme une coquetterie ? Comme une signature ?) que dans l’écriture. Sa fidélité en amour comme en amitié, même à l’égard d’un être d’un autre temps (L’ami qui venait de l’an mil) devint exceptionnelle. On ne saurait taire sa vénération pour le couple Anne et Gérard Philipe, elle comme sinologue avertie et lui comme idole du théâtre décédé tellement jeune et dont la génération actuelle imagine à peine le rayonnement dans toute la Francité. Mais un culte non moins grand est réservé par exemple à Octavio Paz, de passage à Paris en 1995, mais longtemps « courtisé » avant cette rencontre ultime.
Au service de la droiture, le talent.
Nous avons longuement envisagé le style et bien plus sommairement les sujets de l’écriture de Roy ! Ne le quittons pas sans souligner encore son art de « camper » (le mot nous semble approprié) la physionomie et le profil psychologique de ses personnages : il y a là de la causticité, parfois, mais aussi de l’adoration (n’ayons pas peur du mot !) qui donneraient bien envie de troquer cette manière contre toutes les descriptions techniques de la biométrie et de la caractérologie ! Choisissons peut-être un échantillon de chaque tendance, la gentîment moqueuse et la finement admirative : On commence par laquelle ?
Le visage en triangle, front de proue, menton de brise-glace, et le double rond des lunettes-hublot il ressemblait à une lame de ressort qui fait dzing constamment. C’était un ressort d’acier à l’accent alsacien, et deux fois martelé : par l’énergie impérieuse et les accents toniques de l’allemand. (…). Il avait construit des maisons. Il allait reconstruire le monde. Il était, il est resté, pur comme un tire-ligne, modeste comme un fil à plomb et entêté comme une équerre (Nous, p. 43).
Mais voici pour illustrer la phase dévotion admirative, une évocation de Jean Paulhan, éminent représentant de la NRF dont il avait été évincé pendant la guerre :
Paulhan avait l’esprit biseauté, une malice parfois perverse, une ironie à étages, comme les fusées spatiales. Mais le désintéressement était fondamental chez lui. Il commençait ses journées en écrivant dis ou quinze lettres et billets, qui avaient comme dénominateur commun le souci des autres, le désir d’aider leur travail, de les encourager à accomplir leurs dons, de perfectionner leurs manuscrits, de découvrir des êtres humains intéressants (Le Rivage des jours, p. 167).
Honorer la figure d’honnête homme et d’écrivain de Claude Roy ne serait pas complet sans un écho final à sa carrière de chroniqueur dont la qualité vient se greffer avantageusement à toutes celles déjà évoquées ici : ce n’est effectivement pas négligeable que d’avoir donné, notamment, une vision fidèle de la Chine de son temps, lorsqu’on est soi-même entouré de fins sinologues comme Anne Philipe mais aussi Simon Leys qui rend hommage à sa clairvoyance.
Notre compatriote salue « le rare courage de Claude Roy, d’autant plus admirable que son activité journalistique s’est principalement exercée dans des endroits où la terreur de ne pas paraître suffisamment à gauche atteignit parfois des proportions paniques » (Essais sur la Chine, Bouquins, Laffont 1998).
Ainsi donc, notre auteur, parfois taxé d’hésitation voire d’aller-retour entre idéologies, se voit-il consacré par un commentateur hautement avisé pour sa fidélité jamais démentie envers ses idéaux de déconstruction de toute forme d’absolutisme, fût-ce au risque de se départir des sympathies d’une fraction de penseurs et de clans politiques infiniment proches.
(1) nous reprenons là une expression de l’astronome Bernard Lyot, son ami, qui disait textuellement trouver chez Claude Roy une « lunette d’approche dans le cœur ».
(2) non encore devenu le futur témoin pathétique de Buchenwald.
(3) fille de M. Monnom, l’éditeur bruxellois de Verhaeren, et épouse du peintre Théo Van Rysselberghe, parfois dénommée la petite dame d’André Gide dont elle fut la confidente.
(4) Prenons à dessein quelques citations tirées de Un seul poème (1954) et de Le Rivage des jours (1992) : Un autre me répond, un autre ou bien personne (USP p. 96) Il semble qu’il vécut II semble qu’il rêva Il semble qu’il aima (p. 93). Quelqu’un qui était moi sans l’être tout à fait (p. 94). J’entends quelqu’un un peut-être moi ou bien l’autre qui serait moi (p. 121). Il sent que quelque chose lui manque, mais il ne sait pas quoi (LRDJ p. 46) ; Dans cette nuit d’été qui n’a pas existé (p. 148).
(5) Il est toutefois piquant de lire, sous la plume de Claude Roy lui-même, l’attribution de cette même attitude et d’une naïveté toute pareille à Jean-Paul Sartre, son Mentor, et ce des années plus tard. « Dans son horreur (non anti-communiste) du Parti communiste il conservait cependant une image un peu romantique, et je crois bien naïve, de ce qu’était « le Parti ». (…) Les « compagnons de route » respectaient trois fois le « le Parti » : parce qu’il était une force, parce qu’il s’appuyait sur eux, et parce qu’ils n’en étaient pas » (Le rivage des jours 1990-1991).
Claude Roy n’est certes pas le plus connu, notamment hors frontières françaises, des auteurs francophones du XXe siècle : en revanche, il a lui-même connu tout le monde au sein des grands noms de ce siècle et cela bien au-delà des limites de son pays. Sa passion d’écrire s’est traduite par une bibliographie impressionnante mais aussi une diversité peu commune des genres abordés : la poésie, que lui-même aurait placée en tête, mais aussi le roman, l’essai, les carnets de voyage et les carnets intimes, et tout cela réparti sans faille au long de ce siècle si bousculé dont il aura connu la quasi-totalité en naissant en 1915, à l’aube de la grande guerre, et en décédant en 1997, invariablement à Paris.
Ce n’est pas, pour autant, que Paris ait été son séjour permanent, tant il a pu visiter de contrées lointaines et tant la géopolitique a pu lui inspirer d’ouvrages : mais procédons peut-être par tranches de vie, comme il a pu lui-même le faire à travers ses écrits, car sa biographie explique grandement sa physionomie littéraire et n’est vraiment pas ici sans intérêt.
Il semble avoir été très tôt voué à côtoyer de futures gloires, et cela commence, entre Jarnac et Angoulême, par ses études en compagnie de François Mitterand. Bientôt étudiant en droit à Paris, il milite dans les rangs de L’Action Française et publie dans l’organe de la presse maurassienne, L’Etudiant français, et la revue Combat, animée notamment par Thierry Maulnier. Il se lie d’amitié avec Robert Brasillach qu’il rencontre chez Jules Supervielle. En même temps, il se désolidarise du ton xénophobe de plus en plus affiché par les organes comme Je suis Partout, où lui-même n’aborde que des sujets littéraires.
Mobilisé au 503ème régiment des chars de combat, il participe à de violents échanges de tirs dans la Meuse peu avant l’armistice. Faut prisonnier dans la zone de Verdun combien évocatrice, il s’évade et rompt avec le journal Je suis Partout et passe en zone libre grâce à de faux-papiers obtenus de Jean Paulhan et d’Adrienne Monnier, libraire et grande protectrice des arts.
Même en exil forcé à Marseille, il ne renonce pas à sa vocation artistique en intégrant le groupe Jeune France, créé par Pierre Schaeffer, le futur découvreur de la musique concrète, où il anime des émissions à la radiodiffusion nationale. Patriote jusque dans sa vocation poétique, il multiplie les contacts avec la jeunesse littéraire et notamment avec Aragon qui l’achemine vers le Parti communiste en 1943. Ensuite c’est de Paul Eluard qu’il fait la connaissance, une amitié qui ne les quittera plus.
Il participe alors à la libération de Paris, d’où il tire un livre-reportage qui fit sensation (Les yeux ouverts dans Paris insurgé). Ce passionnant témoignage vaut tous les films d’époque et figurera dans la second tome de sa trilogie autobiographique (Moi Je, Nous et Somme toute) ultérieurement. Suivant, en tant que correspondant de guerre, l’avancée des alliés en Allemagne, il vit une autre libération, celle du camp de Bergen-Belsen qui le foudroie littéralement pendant des mois. S’ensuit l’affreuse période de l’épuration où il aurait rétracté sa signature, sous la pression du parti, visant à gracier son ami Brasillach, dont on sait les dérives collaborationnistes avec le Troisième Reich. Bien d’autres artistes de ses connaissances signent la pétition que rejettera finalement de Gaulle.
La vie intellectuelle reprend ses droits avec de nouvelles et d’anciennes figures du Parti comme Eluard, Picasso, Aragon mais aussi Marguerite Duras, Edgard Morin parmi d’autres figures françaises moins familières à des yeux étrangers. S’engage dans ce contexte hyperactif une vraie vie consacrée aux voyages et aux lettres qui n’est pas sans rappeler l’existence de Max-Pol Fouchet, son strict contemporain. Ses livres les plus remarqués (Clefs pour l’Amérique, Clefs pour la Chine) autorisent ses prises de position viriles, aux côtés de Jean-Paul Sartre, son idole, mais aussi de Roger Vailland, Jacques Prévert ou Vercors, contre l’insurrection hongroise en 1956. Passons sur ses relations tumultueuses avec le Parti communiste dont il se détourne, comme tant d’élites de son temps, et revenons davantage sur son constat désabusé du stalinisme ou sa tardive opposition à la guerre d’Algérie, quand il co-signe le Manifeste des 121. Son horreur du totalitarisme, de la torture, de toute répression devient le leit-motiv de ses interventions dans la presse. C’est dans les colonnes du Nouvel Observateur qu’il commentera désormais des ouvrages comme La révolution introuvable de Raymond Aron ou du Premier Cercle de Soljénitsyne. Il n’est pas à Paris lors des événements de mai 1968, où sa place semblait toute faite, peut-être, mais sa croisade continue à propos d’autres chapitres internationaux.
En 1958 encore, il se remarie avec Loleh Bellon, comédienne et dramaturge, elle-même divorcée de Jorge Semprun (2): cette union sera le « bonheur d’aimer », contrairement au titre de l’un des romans de ses débuts et alors qu’un certain échangisme, pris dans une acception plus qu’honorable d’ailleurs, prend place dans les rangs des artistes, comme pour Gala devenant Madame Salvador Dali après avoir été l’épouse d’Eluard.
Or, entre Claude et Loleh, ce sera cet « amour de diamant », comme elle le décrira finement, et c’est elle qui escortera sans faiblesse un mari qui se sait cancéreux de longue date, et auquel elle ne survivra que quelques mois, à la veille du XXIème siècle.
Le style en poche
Il est pour le moins étonnant de voir coexister chez Claude Roy, comme aussi chez Apollinaire avant lui, des odes des plus sublimes à côté de textes nettement plus quotidiens dont le langage autant que l’intention semblent tomber sous le sens. Or, ce n’est nullement une question d’âge : le sublime peut avoir été conçu très jeune, et le quotidien bien plus tard ! Mais commençons donc par évoquer telle page irrésistiblement inspirée, écrite en 1984 :
Tant je l’ai regardée caressée merveillée
et tant j’ai dit son nom à voix haute et silence
le chuchotant au vent le confiant au sommeil
tant ma pensée sur elle s’est posée reposée
mouette sur la voile au grand large de mer
que même si la route où nous marchons l’amble
ne fut et ne sera qu’un battement de cil du temps
qui oubliera bientôt qu’il nous a vus ensemble
je lui dis chaque jour merci d’être là
et même séparés son ombre sur un mur
s’étonne de sentir mon ombre qui l’effleure
(A la lisière du temps)
Par contraste, voici la conclusion mignonne et cependant plus tardive (1990-1991) de Souvenir de l’île de Ré : Quand ma préférence sera de retour
nous éplucherons tous deux les pommes de terre
puis nous irons nager avant le déjeûner
sur la plage où la mer est de si bonne humeur
(Le Rivage des jours)
Quelquefois, cette poésie confine à la simplicité des ritournelles d’antan, bien apte à rappeler que notre auteur fut un inégalable conteur de textes pour enfants : A Réaumur-Sébastopol
J’ai rencontré mon ami Paul
À Saint-Maur et Ménilmontant
J’ai dû quitter mon ami Jean
(Un seul poème)
On le voit, la poésie de Roy s’assimile résolument à une déclaration d’amour à la vie, non sans comporter presque perpétuellement une inquiétude sous-jacente qui est, elle aussi, bien palpable en d’autres pages.
Un trait particulièrement présent ici sera l’expression d’une hésitation subie ou voulue entre les deux pôles d’une alternative vécue ou à vivre : serait-ce un simple procédé de style qu’on ne le découvrirait pas aussi intensément : ainsi, cette phrase qui conclut significativement Le Rivage des jours :
Quelqu’un m’attend. Je ne sais pas où. Il ne sait pas qui,
Nous ne savons pas quand.
Cette tendance à l’indécision témoigne, à n’en pas douter, d’une fragilité ressentie face à l’exigence de choix que requiert invariablement toute existence, or les allusions en sont légion chez notre auteur : bien plus, c’est même l’hésitation quant à être soi ou autrui, ou encore quant à exister « pour de vrai » qui taraude par moments l’écrivain (4).
Un texte intitulé Le portrait modèle illustre particulièrement cette tendance au nihilisme, voire à la dépersonnalisation, comme il faut bien la nommer : J’entre et je sors de vrais miroirs
Ils n’auront rien gardé de moi
La nuit efface au tableau noir
L’apparence qui se croit moi.
(Un seul poème)
Vibratile l’instant
qui instaure l’amour
quand il s’éprend muet
d’une icône de chair
De chair, mais le sait-il ?
Il se suffit de digitales
il se suffit d’épervières
et d’un bout de robe échancré
dans les causses vampirisés
entre les rudes pieds de vigne
Le silence est troué d’abeilles
Jamais ne revivront les gages
déjà donnés par d’autres noeuds
Le pays perd de sa superbe
renonce devant ta splendeur
pour s’en aller plus loin enfin
régner en maître
Les mains s’enflent de plénitude
au jeu des caresses du vent
Ton corps enfin se désaltère
à la fraîcheur des arbousiers
et là soudain tu t’abandonnes
insoupçonnée charnelle
le visage à l’aune de gestes
de ta séminale beauté
Au chevet de l’inaccompli
le temps raffermit ses jambages
soupèse à l’envi ses arceaux
élongue ses vastes consonnes
Au seuil brumeux des lendemains
son appel survient des abysses
ou des sommets peut-être bien
Qui saura jamais son lignage ?
Mais il est là le mot l’indice
le signe qu’on n’attendait plus
on le tient pour peu qu’on y croie
qu’on le saisisse à bras le corps
lui saute céans à la gorge
Pas de quartiers pour cet oracle
Il se révèle il se dérobe
mais son sillage est cousu d’or
Et soudain le printemps s’impose
sans ménagements impitoyable
cruel en sa jeune luxuriance
dessus la tombe encore ouverte
de l’hiver terrassé exsangue
aux abois devant la victoire
l’inégale témérité du prince
la neuve splendeur suzeraine
le brusque enchantement des prés.
Tout doux ma vorace saison
laisse-nous donc un temps de pause
A peine dévoilés tes méandres
tu livres déjà tes alpages
aux braconniers insaisissables
et tes purs bouquets de mariée
à tous les gros bras des faubourgs
Va pour la neige des vergers
le blanc poudroiement des gazons
Mais suffise à notre bonheur
la timide invasion des tulles
dans la fraîcheur des sentes
et la gaze des premiers nés
sur les jonquilles consentantes
Nos répulsions et nos délices
croisent la même mise à feu
dans les jardins du paroxysme
Nos errements nos certitudes
ont cette morsure identique
au talon de leurs équipées
Les victoires et les défaites
se disputent les mêmes jeux
les mêmes torrents galvaniques
leurs cris de foule et leurs outrances
leur même tanière abyssale
Fourches caudines
Sous le joug
de votre impériale jactance
nous vivons à jamais l’hiver
de sombres promesses du soir
de l’été de nos résiliences
matutinales
L’espacement parfait de deux tours accordées
la gothique élégance d’un cri lancéolé
une ascèse penchée sur les splendeurs florales
une muraille grise en contre-chant des braises
forgées de vitrail mauve et de ciel absolu
Les regards éperdus dès le portail franchi
font une haie d’honneur aux gisants gaéliques
sous la prude insolence des orgues insoumises
comme ce sang breton contrarié des rias
et du bourdon sonnant l’angélus de la mer
De peu s’en faut qu’à l’aube on s’éternise
pour ne plus quitter l’or de ces quartiers bénis
tant le soleil y tient son rang d’envahisseur
applaudi des jambages de l’Odet fleuri
comme aucun autre arpent dont Dieu fasse mystère
L’enfance sera marquée par la pauvreté et par une santé fragile ! Les retours annuels d’Algérie en France sont facilités par l’oncle Charles Fouchet, notaire dans l’Eure. Très tôt, Max s’improvise récitant des poètes classiques et joli cœur des amies et des petites cousines. Il est un élève irrégulier, brillant en français, histoire et géographie, mais nul en en gymnastique et en maths : encore un chez qui les enseignants n’auront ni réussi, ni même tenté sans doute, de susciter une excellence cependant évidente en d’autres branches.
A dix-sept ans, il fonde les Jeunesses socialistes en Algérie, une organisation toute neuve issue en droite ligne de l’inspiration paternelle, et déjà lance des revues éphémères : son ami n’est autre qu’Albert Camus, compagnon pour l’exaltation comme pour la promenade, infinies l’une comme l’autre. On s’échange les livres, vu la pauvreté partagée, et bientôt la jeune Egérie, Simone Hié, qui quitte Max, retenu par les devoirs militaires, pour Albert : on connaît d’autres exemples, presque contemporains, avec Gala renonçant à Paul Eluard pour Salvador Dali.
En 1933, Max-Pol s’embarque sur un cargo transportant des vins d’Alger à différentes destinations y compris françaises : il s’essaie à la vie des marins, poussant le mimétisme jusqu’à l’identification, mais ne tenant aucun de sa constitution plutôt frêle, exactement comme sa consoeur Simone Weil qui, à la même époque, travaille comme ouvrière en usine et se révèle, plus encore que Max, mystique dans ses conceptions (3). L’expérience du sort commun vécu avec une trentaine de vieux loups de mer, bretons de surcroît, marquera profondément notre militant, d’autant qu’aux escales il rend systématiquement visite aux sections locales du parti socialiste.
La misère l’attend néanmoins, plus féroce encore, à l’école Lavigerie – oui, il sait, avec un pareil nom : une école « catho » - où l’alimentation douteuse et l’habitat insalubre achèveront de compromettre ses poumons : on pourra y voir un nouvel essai d’identification au père, si l’on est psychanalyste ! Voilà Fouchet admis en sanatorium dans l’Isère, tandis qu’un sort commun – décidément – survient à Camus, demeuré à Alger. Celui-ci lui écrit : « nous nous évertuons à masquer de formules et de recherches désespérées une vérité trop nue et trop simple : que notre condition est désespérante ». En sanatorium, Max-Pol aura rencontré Emmanuel Mounier, approché sa jeune revue Esprit et rédigé les trois textes d’Histoires Saintes, un titre qui, venant de lui, interpelle évidemment.
Revenu à Alger en 1936, il s’indigne du sort réservé aux musulmans : « Quand donc ce peuple se révoltera-t-il ? ». Bientôt, c’est le Front populaire et les défilés dans les rangs des Jeunesses socialistes ; c’est aussi l’entrée dans sa vie de Jeanne Ghirardi. L’échec de Léon Blum et l’abandon des républicains espagnols lui sont autant de plaies ouvertes, inguérissables et qui motivent sa démission du parti.
Nommé conservateur adjoint du Musée national d’Alger, il aura eu le temps de participer, grâce à une bourse, à des travaux d’archéologie en Grèce, et chaque expérience laisse chez lui des traces profondes. Infatigable, il poursuit études et agrégation d’histoire : il hérite de la direction de la revue Mithra qu’il rebaptise en Fontaine, destinée essentiellement à la poésie et où il joue tous les rôles : expéditeur, rabatteur de textes et, bien entendu, auteur ! Sauf que la guerre va passer par là !
La censure s’installe, qui voit des messages codés pour l’ennemi en chaque expression insolite ! là-dessus, Fouchet lance, quelques jours après l’appel du 18 juin (non encore parvenu aux oreilles des Algérois), un éditorial dans le numéro 10 de Fontaine : « nous ne sommes pas vaincus … Français, pour gagner leur régime, vos généraux ont perdu la France ! » et, non contents de pareils propos destinés aux littéraires, le couple fabrique des tracts à disséminer nuitamment dans la ville : ah oui, car Jeanne et lui se sont mariés le 13 juillet dans cet enfer politique.
La revue, cependant, paraît et parvient aux lecteurs de la métropole, aux yeux et à la barbe des censeurs trop inconscients, et y collaborent des noms toujours plus prestigieux, comme Pierre Emmanuel. Fontaine devient un authentique organe de la résistance, dénoncée bien évidemment par la talentueux Drieu la Rochelle, qui se fourvoIe dans la collaboration.
Or, en janvier 1942, c’est le drame : Jeanne Fouchet s’était embarquée pour la France à bord du Lamoricière : Il s’agissait pour elle, d’obtenir son agrégation. Le paquebot ira sombrer dans la tempête non loin des Baléares, et alors que le mari nourrissait dès le départ de sombres pressentiments. On le sait assez rationaliste et pourtant il épèle le nom du bateau différemment : « la mort ici erre » … Mieux, il se découvre, dans ses poèmes récents, d’étranges accents prémonitoires (4, 5) :
Mystérieusement, sans pouvoir m’y soustraire
Mes poèmes unissaient la mer, l’amour, la mort
Je voyais un naufrage, je l’écrivais,
Je ne pouvais rien écrire d’autre.
C’était la dictée d’un langage inconnu,
Qui attendait sa traduction. Elle vint.
Le 7 janvier 1942, ma femme s’embarquait
Sur le navire Lamoricière. Le 8, dans la nuit,
Au large des Baléares, ce navire sombrait.
Je l’avais su, sans le savoir.
La vie reprend son cours, plus acharné que jamais, plus frénétiquement voué à la quête de la Liberté, ce dernier mot du poème que lui propose Paul Eluard pour Fontaine n° 22, en ayant eu soin de biffer la dernière strophe juste pour la censure mais de le rétablir ensuite : or, Vichy se fâche ! On ferme encore une ultime fois les yeux, en raison du deuil qui frappe Fouchet. Et la revue effectue d’invraisemblables détours pour parvenir à la Métropole : elle collectionne désormais des signatures éminentes, avec Bernanos, Breton, Rougemont, le couple Maritain, Saint-John Perse, Supervielle, Saint-Exupéry, tant d’autres ! En d’autres termes, Fontaine devient un organe de l’élite intellectuelle en lien avec la France occupée, une voix d’Afrique du Nord vers le monde libre. En 1943 débute une série d’émissions Lumière de France sur radio Alger. A la faveur d’un séjour à Londres, Fouchet ira jusqu’à prendre la parole sur les ondes de la BBC durant l’été, en écho à ce de Gaulle du 18 juin 1940 dont il ne suivra l’exemple que pour autant que cet éclaireur soit le porte-parole de la liberté non capitaliste, non colonisatrice, non militariste : hum, hum ! Un gaullisme de « désobéissance » comme celui de 1940, soulignera Jean Queval, or nous ne sommes plus en 40 !
Les textes d’actualité et d’indépendance de Fontaine seront repris en édition ultra-légère de manière à être parachutés sur les maquis de France par la R.A.F. en même temps que les armes, les médicaments et les explosifs. Un peu plus tard, des textes de la revue se verront réunis sous le titre La France au cœur, autant d’intitulés laissant entrevoir une obsession joignant à une haute idée de la poésie une conception non moins exigeante de la patrie : un sentiment, on le verra, qui ne tient cependant aucunement du nationalisme, la suite de la carrière en est garante.
En juin 1944, Fouchet se voit nommé au sein du comité national des écrivains en tant que représentant la résistance en Afrique du Nord. Sa revue réunira jusqu’à 15.000 abonnés dans l’immédiat après-guerre pour se terminer avec son n° 63 en 1948, de par une autogestion déficiente.
C’est alors le temps, pour notre poète, d’entamer une vocation de grand voyageur dont on retiendra notamment ceux qui figureront dans une future bibliographie dévorante. En 1948, Fouchet part pour les USA où il fait cours à Columbia University et donne des conférences aux comités d’Alliance française. Un an plus tard, il est à l’université de Middelbury tout comme à l’AmerIcan University Center de Paris. De séjours en Afrique noire et à Madagascar, il réunira la matière d’un livre : Les peuples nus (1953). Et tout Fouchet se reconnaît dans cet extrait (6).
Le « bon » sauvage – ni bon, ni mauvais, ni sauvage – n’ignore pas la notion de faute. Certes. Mais elle est, chez lui, assez relative pour qu’on n’aille pas réduire à néant l’innocence qu’il possède encore. Je vois sur l’Afrique déferler – clercs ou laïques, clercs surtout – les missionnaires de l’ordre de la Faute. On ne contestera pas leur courage, on reconnaîtra leur dévouement à sauver de la maladie, de la mort, des peuples entiers. Pourtant, on ne baissera pas la voix (tout Fouchet est dans ce mot NDLR) on ne cessera de dénoncer ce qu’ils apportent avec leurs quinines : la calamiteuse notion de péché. Mille exemples se présentent. L’amour charnel était, chez les Noirs, libre, spontané, sans problème. Il faut qu’ils apprennent désormais à tenir cette spontanéité pour coupable. (…) Le Noir était nu. On l’incite à se vêtir. Déguisé d’oripeaux, il renonce la belle naïveté du corps. Il avait une âme, son âme. On veut qu’il s’affuble de la nôtre.
Du Guatemala et du Mexique, dont il se verrait bien obtenir la nationalité, il en approfondit ses connaissances des civilisations précolombiennes et publiera Terres indiennes (1955), où le texte se voit enrichi de photos de sa facture et de sa collection, car cette nouvelle passion ne le quitte plus.
Or, depuis 1953, Max-Pol donne en télévision – la toute jeune télévision - de courts exposés littéraires : il y rencontre Marguerite Gisclon, speakerine à radio-France, qui devient sa compagne et dont il aura un fille unique, Marianne (évidemment !) en 1960. En donnant un accent tout spécial à l’apport humain trouvé dans les livres. Max évoque avec naturel bon nombre d’auteurs peu susceptibles d’être interviewés, s’agissant surtout des anciens, des classiques ou alors d’étrangers. Survient alors la demande d’une émission plus fréquente : ce sera Le Fil de la vie, parfois diffusée alors que l’animateur voyage aux antipodes. Cela ne saurait manquer en effet, l’année 1956 est celle d’un voyage en Inde d’où il rapportera texte et photographies de L’art amoureux de l’Inde.
Plus d’une fois, Fouchet se voit menacé – et le mot est faible – pour ses prises de position durant ces années de paix comme il le fut en temps de guerre : ainsi de sa condamnation de la peine de mort, mais à chaque fois il est suivi par son public et remporte le dernier mot par sa popularité bien conquise.
Les voyages effectués sont à ce point nombreux que leur énumération en serait fastidieuse : les titres qu’on en retire parlent d’eux-mêmes : Portugal des Voiles, pour ce qui est des livres, mais aussi Terre des Arts en télévision où sont développés des thèmes précis comme les origines de l’art, la signification de l’art abstrait etc. l’esprit de ces émissions est de ne jamais séparer l’expression artistique de la vie des peuples, exactement comme on trouvait précédemment le vif souci du substrat humain derrière chaque œuvre littéraire commentée.
Devenu toujours plus prisé de son public, à travers surtout Lectures pour tous, Fouchet gardera indemne son rejet de toute censure et bientôt celui de la mort du « direct » qui caractérisait si bien sa présence à l’écran : comme de Gaulle, il s’exprimait sans aucune note et gagnait la sympathie par cette franchise du contact véritable : déçu de voir une fois de plus le politique noyauter les décideurs de « sa » télévision, il se retira à Vézelay où il avait opté pour une maison sobre et recueillie, à proximité de l’abbaye romane et sur ces terres où avaient vécu d’autres penseurs humanistes comme Romain Rolland et même le déroutant Georges Bataille Max décède le 22 août 1980 et repose au cimetière du lieu : figure sur sa tombe selon ses voeux « il aima la liberté » : cet incroyant ne craignait rien de la mort : « c’est un pays à connaître ».
Finalement, le poète ?
Malgré son mode de vie trépidant, Max-Pol ne cessera jamais d’écrire de la poésie, tout en n’y consacrant que ses moments de rare décontraction. L’esprit, cependant, ne se disperse pas ni ses intérêts pour le tout-venant de la culture, encore faut-il souligner qu’aucun sujet n’est abordé sans passion ou sans profondeur.
Parlant de son style, certaines figures sont recherchées voire fulgurantes, et pourtant le lexique est simple et presque quotidien. Comme pour ses présentations en TV, il souhaite, dira André Brincourt, non pas nous instruire, mais nous mettre en confiance et, face au poème, cette approche est tellement essentielle ! Ce que lui-même traduit dans son Anthologie thématique de la poésie française par sa préface : « … La prose peut être poème, le poème ne peut être prose : son rôle n’est pas de raconter, mais de nous placer devant une soudaine évidence, et si on lui accorde de raconter, que ce soit pour nous conduire à cette évidence. Un amour particulier nous importe, en poésie, dans la mesure où il révèle l’Amour (…) Le poème s’accomplit s’il parvient à un seuil où plus rien n’est relatif (…) Le poème vrai dévoile une essence, une substance indemne des phénomènes. Il s’ouvre sur une éternité ».
On saisit donc bien la conception que notre auteur se faisait des belles-lettres au plein sens du mot. Il se devait, par conséquent, d’écrire selon un registre qui ne déçoive ni ses propres exigences, ni celles de ses lecteurs. On trouve, dès lors, un jugement éclairé sinon définitif de cette œuvre sous la plume d’un connaisseur s’il en est : Hubert Nyssen, le fondateur d’Actes Sud : « Cet homme incarnait, et demeure avec les livres et les documents qu’il nous laisse, une totalité (Gestalt) de telle nature qu’on ne saurait isoler une partie sans déliter l’ensemble (…). Max- Pol Fouchet n’était pas ici un poète, là un romancier et ailleurs un essayiste, mais il est et restera (…) un être hors du commun, un polygraphe inspiré, une voix qui en charrie d’autres comme un fleuve ses glaciers et ses affluents, un religieux du genre humain, un prophète pour lequel notre vocabulaire n’a pas de mot. »
« Le savoir-vivre de Max-Pol Fouchet c’est aussi le savoir lire, le savoir écrire et, ce qui est plus rare, le savoir dire. » : c’est encore ici un autre pur poète qui le décrit en son intime conviction et son propre savoir de l’existence telle qu’on la rêve : Monsieur Jacques Prévert soi-même, et son jugement laisse peu de place aux querelles d’école ou aux délits d’initiés, face à leur quête commune et indéfectible de la liberté : une quête, de plus, qui choisit la discrétion pour mot de passe, et magistralement :
Pour que demeure le secret
Nous tairons jusqu’au silence (7).
1)Queval, Jean, Max-Pol Fouchet, Poètes d’aujourd’hui, Pierre Seghers Editeur, 1964 p. 52.
2)Ibid. p. 54.
3)Weil, Simone, La condition ouvrière, NRF, Gallimard, 1951.
4)Van Dam, Francis, Poésie et prémonition, Le destin en psychanalyse, sous la dir. de Riadh Ben Rejeb, Ed. In Press, Fac. Des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, 2005.
5)Guérande, Pierre, Poésie et prémonition, La Revue Générale, 2005.
6)Fouchet, Max-Pol, Les peuples nus, Ed. Corréa, Paris 1953.
7)Fouchet, Max-Pol, Demeure le secret, Poèmes. Mercure de France, 1961.
Quelques références
Collectif, Max-Pol Fouchet, un amoureux de la liberté, La pierre et le sel.
Limousin, Christian (coordinateur), Centenaire de la naissance de Max-Pol Fouchet – L’album des commémorations Max-Pol Fouchet, un poète ? Cahiers bleus n° 20, Troyes, Printemps-été 1981.
Rouquet, Guy, (coordinateur), Max-Pol Fouchet, le passeur de rêves, Atelier imaginaire, Le Castor astral, 2000.
Se souviendra-t-on longtemps de nos excellents présentateurs de l’actualité littéraire qui, en radio comme en TV, nous sont connus depuis, pratiquement, la naissance du petit écran ?
On applaudissait à raison un Bernard Pivot pour Apostrophes, Lecture pour tous et même sa redoutable dictée, avant qu’il ne rejoigne le jury du Goncourt ; coups de cœur aussi pour Jacques Chancel avec Radioscopie (France Inter) et Le Grand Echiquier ; sur nos ondes radio, on se rappellera l’inimitable Armand Bachelier pour ses chroniques parisiennes. On fait désormais la fête à François Busnel pour La Grande Libraire, mais on est tout aussi réceptif à l’émission radio d’Emmanuel Khérad pour La Librairie francophone qui réunit les voix d’auteurs et de libraires français, canadiens, suisses, africains francophones et … belges !
Est-ce à dire que ces animateurs du meilleur cru garderont fort longtemps leur présente ou ancienne notoriété, on peut en douter en constatant le relatif oubli où s’enlisent certains noms de qualité, et l’on pense forcément à Max-Pol Fouchet qui cumulait les profils – tous remarquables – d’auteur, de présentateur TV en son âge héroïque, d’ethnologue et surtout d’humaniste et de résistant pour la liberté.
Ce palmarès flatteur n’autorise-t-il pas d’en évoquer le détenteur, alors que sa disparition remonte maintenant à quarante années, et que ses attitudes politiques – qui n’apparurent que dans ses pamphlets à pointe à peine émoussée, jamais dans un mandat – appellent à un salut rétrospectif sans demi-mesure ?
Un père qui fut un saint laïc
Max-Pol était le fils d’un incroyant, Paul-Hubert Fouchet, qui avait foi dans la fraternité des hommes et le prouva du côté de Verdun durant la grande guerre, pour sauver nuitamment des compatriotes blessés en première ligne des combats, mais aussi en retournant, sans l’approbation de ses chefs, porter secours à des combattants allemands qui agonisent. « Afin de mieux voir en conduisant (son ambulance) et d’aller plus vite, il ôte son masque à gaz. A son retour, il a les poumons gravement brûlés » (1).
Ancien armateur à Saint-Vaast, dans le Cotentin, il avait baptisé ses trois voiliers Liberté, Egalité, Fraternité et ses deux chalutiers Karl Marx et Jean Jaurès, lesquels sont tous promis à la casse à son retour du front. Ruiné, il sera co-fondateur d’un comptoir de mode à Bruxelles, avant d’émigrer en Algérie, qu’on lui conseille pour rétablir sa santé et d’y relocaliser ses activités.
En 1929, Paul-Hubert vit ses derniers jours : « Devant ses longues souffrances, Max-Pol fait le serment de le venger et d’abattre des Allemands. Son père l’appelle près de son lit et lui fait jurer « de tendre ses mains à l’Allemagne, par-dessus sa tombe, pour la paix des peuples ». Quelques heures après, Paul-Hubert meurt. On l’enterre au cimetière de Saint-Eugène, face à la mer, comme il l’avait demandé » (2).
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...