Dans la sinuosité des regrets
la brûlure a des yeux d’Eden.
Aux berges de l’estompe
crisse le gel.
A contre-mot
a contre-envol
que reste-t-il des flammes ?
braise dans la chevelure de la cendre
feu vêtu de bure
serpent aux paupières d’opale
jardin sans pommier
à contre temps
à contre cœur
retour au chaos.
À doigts d’oblate
solfier les soupirs
ensauvager les accords
à pas mesurés tracer des îles pour bure déchiquetée
à pas de chanoinesse défaire le chapelet des tensions
avec des grains de tendresse
à mains de moniales sculpter un visage
dans les repentances de la fumée
à courbes d’abbesse allumer la calligraphie d’un cierge
boire les gouttes cireuses
ambroisie
à gestes de païenne donner la clé de la partition
fermer le temps
ouvrir l’espace
pour toi.
Préface de Claude Luezior Éditions France Libris, juin 2021
Ceux qui rêvent éveillés ont connaissance
de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent
qu’endormis. Edgar Allan Poe
Depuis l’origine du monde, l’arbre est le fidèle compagnon de la vie de l’homme. N’est-ce point sous un arbre, au jardin d’Eden, qu'Adam et Ève échangèrent leurs premières caresses? Du berceau au cercueil, l’arbre est présent. Trace conservée au plus profond de l’être, taillée dans notre histoire / et qui résonne au cœur de la nef végétale.
C’est pourquoi souvent, les images de la vie et du rêve se confondent. Tout comme Gounod, inspiré par Goethe dans la nuit des Walpurgis, l’auteure fascinée par les arbres perçoit, dans leur écorce tourmentée, les reclus du temps qui l’attirent, l’inquiètent. D’où cette trentaine de photos pour en garder la trace.
Hésitation des souvenances, jaillissement et métamorphoses du regard.
Les cernes du mirage brisent les barrières du visible pour retrouver le dialogue perdu avec tous ces êtres qui apparaissent devant Kathleen Hyden-David.
Étonnant ailleurs, inquiétants visages aux regards immobiles qui, impassibles, observent, épient dans leur tronc d’arbre pour seul refuge (page 20). Veulent-ils renaître, ou entraîner une proie ? Mais aller à l'envers du miroir est toujours dangereux car le dragon veille et les fantômes, resurgissant dans l’hésitation du devenir, transforment celui qui les voit : ils me rendent étrangères.
Leur écorce est le canevas de quelques âmes errantes, vouivre ou gorgone, c’est une chambre de mémoire qui fascine la poétesse.
Écorce, titre du livre, interroge. Le lecteur peut se demander pourquoi le singulier au lieu du pluriel : chacun aura sa réponse.
Lorsque les alvéoles des branches s’égouttent sur les ombres, l’auteure écoute, en conjurant les puissances d'un au-delà pour en retrouver les racines. Souvent, selon Cesbron, un arbre humanise mieux un paysage que ne le ferait l’homme ; il faut alors la justesse du regard et la précision du mot pour le démontrer, ce que fait très bien Hyden David.
Les photos sont toutes plus surprenantes les uns que les autres, accompagnées par des textes qui suggèrent le rêve : illusion de rétine / ou rêve secrété / du fond des siècles / troll ou fou du roi, raconte-t-il ses ancêtres ou quelque farces grotesques? L’esprit laisse faire le rêve et quelque dieu généreux / aurait-il mélangé à la sève / quelque gouttes / de génie ?
L’auteure, en créant une image, oriente l’imaginaire du lecteur. Comme le souligne Bachelard : créer une image, c’est vraiment donner à voir.
La forêt manifeste la permanence de la vie. En s'identifiant au monde végétal l’auteure nous fait échapper à notre condition matérielle, à notre individualité périssable. Mais la vie se nourrit d’interrogations sans réponses. Peut-être en trouverons-nous dans ce recueil ?
Dans cette forêt vit tout un peuple d'ombres, mais rien n'est vain aux racines du ciel. Hyden-David, en ouvrant la forêt au regard, a su retrouver quelques genèses sculptées.
Sur les routes forestières se blottit une vie entre deux mondes. Malgré la rouille des lichens, la sève est toujours jeune : c’est ce que le lecteur ressent en s’imprégnant des photos et en lisant les textes qui les accompagnent. Nous avons ici un dialogue entrent l’énergie cachée des éléments, entre la chair du végétal et la chair de l’homme.
Nous ne saurions terminer cette recension sans souligner l’élégante préface de Claude Luezior qui se glisse dans les failles du soir. Par un flux de l’esprit et une grande sensibilité, ses mots captent les rumeurs de la forêt et soulignent la richesse de ce recueil.
Nicole Hardouin
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Sur une pierre égarée
un clair d’étoile
tisse une plume
pour un oiseau blessé.
Le silence scelle les paupières d’un amour perdu
le crépuscule interroge l’ossature du silence
éperonne les marges de l’ombre
ciel en agonie, nudité du vent, mantilles d’embruns
reflets dans les prémisses de l’ombre
oser l’accord des harpes nocturnes
plonger dans la crue des chimères
entaille dans les heures opalines
qui ne parlent qu’aux roses
nuit.
Les pétales du vivre s’effeuillent sur le marbre
dalle funéraire pour une rose fanée.
Seule la tige acérée darde en faisceau
toute l’agressivité de la vie.
La douceur s’est évanouie sous une once de poussière
dans le vase l’eau s’est évaporée
le bouquet est d’épines
pour quelle couronne ?
La lumière s’abreuve au creux des rochers, elle s’initie à la dureté,
nous portons la crue rebelle de nos illusions.
Vide au cœur, solitude en bandoulière, fuir l’indifférence, réenchanter la solitude et partager quelques gouttes de rosée.
L’hiver range ses tréteaux, les jachères refleurissent, les couleurs percent la brume
passe un vol d’hirondelles.
Dans les vibrations du matin, un axe d’or se profile
les héliantes décoiffent la mousse.
Sur les manèges, l’amour sourit de nouveau
bec ouvert un oiseau s’envole au-devant du fruit
la lumière fait la roue sur mon corps
lisse les obliques
renaissance.
L’amour se suspend à un lit d’impatiences et le ciel a des songes d’alcôves.
Andante, nos yeux se renvoient des flammes
crescendo
corps en accords
remets tes empreintes dans les miennes.
Secret au goût d’airelles.
Sous l’apparente inertie hivernale, tout vibrionne, foisonne, pulse.
Pour se hisser hors de leurs cachots, les racines bataillent en un combat titanesque.
Lignes de vie gorgées de sucs internes, elles naissent de quelques secrètes copulations.
La poussée des tiges écorche l’immobilité des mousses, les plissés se défroissent, l’herbe broute le sol engourdi, les feuilles bousculent la léthargie des branches, elles blasonnent l’écorce des arbres,
une libellule interroge le matin.
Comme un torrent trop longtemps contenu, la végétation s’échappe en langues voraces vers des enluminures colorées.
L’hiver s’est pendu au gibet d’un rayon de soleil.
La horde carnassière prend possession de ses hoiries.
Sous les voûtes romanes, une novice mêle
sa voix de castrat à celle de l’abbesse dans
le poignant Stabat Mater
Pergolèse enflamme l’autel.
Les moniales cheminent, mains dissimulées
dans les amples manches de leur coule.
Pour ceinture, un lien de cuir rythmant
chaque pas. Nuques ployées, elles avancent
vers le mystère de la Transcendance.
Au-dessus de l'océan, le volcan rageur brasse l'incendie des profondeurs, une coulée pourpre éperonne le flan de la montagne.
Le feu originel roule, palpite dans le ressac.
La roche réveillée crache les cicatrices d'avanies retenues.
Langage du secret outragé.
Complices, les grandes marées dévident l'écheveau des clameurs, lacèrent des paupières de sel.
Les ondes sont désaccordées.
Rétiaire, le magma serpente, délire dans la nasse des marées.
Baveuses morsures.
Les cendres assassines étouffent le tatouage des derniers gréements. Les fonds marins revendiquent leur butin
Les oiseaux morts gisent dans l'acier d'une légende.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...