Dans une villa près de la côte varoise, une femme était inquiète, la météo prévoyait une forte canicule et des vents violents.
« Tu ne vas quand même pas te baigner par un temps pareil » dit-elle à son fils qui s'apprêtait à partir.
« Ecoute, petite mère, je n'ai pas l'intention de me priver d'un petit plongeon. Arrête donc de te centrifuger le sang, c'est mauvais pour le cœur. A l'avenir, tes conseils, balance-les aux oubliettes car j'en ai vraiment ma claque. » Et il déguerpit rageusement. Tout excité, il monta dans sa petite auto et prit la direction de la mer. Il roulait lentement, trop lentement, à cause d'un teuf-teuf qui n'en finissait pas d'escargoter. Pour échapper à cette galère, il s'embringua sur une petite route, persuadé qu'elle le conduirait à une plage. Mais très vite, il dut slalomer entre de grosses pierres.
Brusquement, il n'y eut plus de chemin, seulement du sable, à perte de vue : le désert, inhospitalier et si inattendu que l'homme crut, pendant quelques instants, qu'il funambulait sur le fil du rêve. Pour couronner le tout, un gros soleil à la mine réjouie se donnait à fond pour créer une chaleur de crotale. Dans son œuvre, il était aidé par le vent, un vent turbulent qui s'amusait à faire les 400 coups et soufflait son haleine brûlante sur tout ce qu'il touchait.
Le gars sortit de sa guimbarde et regarda, hébété, ce paysage en délire. Il hésita quelques secondes seulement et se mit à marcher en marmonnant : « il faut que je la dégote cette mer, elle ne s'est quand même pas fait la malle. » Mais avancer dans cet enfer, cela frisait la folie. Pourtant, au début, il alla d'un bon pas. Mais très vite, le soleil freina son élan. Après avoir résisté pendant quelques heures, la chaleur parvint à déboussoler notre énergumène et la peur pénétra dans tout son être. Malgré tout, il trouva encore la force d'avancer, à pas lents, certes, mais il avançait, le dos voûté, les yeux baissés.
C'est alors qu'il l'aperçut. Petite, fluette, mais éclatante de lumière, une fleur jaillissait du sable. Lui qui ne s'était jamais intéressé aux merveilles de la nature car seul comptait son ordinateur, s'agenouilla pour contempler cette vie offerte. Cette fleur, avec sa beauté, sa force, sa résistance, sa volonté de vivre, fut pour lui, à cet instant, l'être le plus précieux au monde. Il sentit alors en lui, des choses qui se mettaient en mouvement, circulaient, vibraient, chantaient.
Enfin il la vit, belle, attirante, rafraîchissante. Encore quelques pas et il s'affala sur le sable mouillé et resta immobile, inerte.
Toute la nuit, vague après vague, la mer le berça. Au petit matin, l'homme ouvrit les yeux et regarda, émerveillé : « Que le monde est beau dit-il et que ma joie d'y vivre est grande... »
©Michèle Freud
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