Depuis très longtemps
L’Un à l’Autre, étions très attachés,
Petit à petit son amour, en moi, a grandi
Sa beauté aussi.
Pourtant, très complice,
Parfois du mal m’a fait.
Quand, de rire, j’éclatais
Scintillante, Elle s’illuminait.
Elle aimait partager, déguster,
De la vie, toutes les saveurs.
Aujourd’hui, Elle est Partie
Pour un Autre ailleurs.
Frivole,
Depuis l’ère des brumes ténébreuses,
La lumière créatrice est venue.
Des continents surgis des Abysses,
Dans l’âme et le cœur des hommes,
On a chanté les dieux, la nature
Créé le beau
Partagé des langages
Interrogé les consciences
Pensé avoir vaincu la misère,
Appris la solidarité, le partage
Honoré les beautés nouvelles de la vie
Vomi sur les horreurs de la guerre
Honni l’intolérance
Glorifié la connaissance
Depuis l’ère des brumes ténébreuses,
La lumière créatrice est venue.
On a réinventé les sciences
Pensé faire tomber les murs de l’indifférence
Eloigné l’heure du repos éternel,
Mais la folie des hommes est toujours là,
Vigilante, venin des cœurs,
L’intégrisme prospère
Soif d’Avoir, recherchée plus que d’Être.
Le Veau d’Or, toujours debout
Chasse la sérénité, l’espoir,
Fait de nouveaux esclaves
De nouveaux ravages
Depuis l’ère des brumes ténébreuses,
La lumière créatrice était venue,
Tout a été dit, ciselé,
Mis en couleurs, en musiques
Doit-on laisser l’archet, la plume,
La gouge, le ciseau, le pinceau ? Que reste-t-il à inventer,
A dessiner, à mettre sur portée,
Connaissances pour l’Autre
Richesses de la diversité,
Pour voir se lever l’Astre de Paix?
Orgueil, vanité que
Questions se poser ?
Résister, debout, est promesse d’avenir.
Tous avidement
C’était avant
Profitaient sans en apprécier
Comme il eût fallu
La saveur du temps qui passe
L’éclosion fugace d’une fleur
L’envol d’un papillon
Le regard d’une femme aimée
Le nuage fugitif
La clarté du jour les étoiles
Le sourire d’un enfant
L’eau pure bondissante
Leur préférant
Le confortable avoir
Le traître rutilant
L’imbécilité crasse
La courageuse lâcheté
Le débile moutonnement
L’indignité du soi.
C’était avant
Ignorant ce qu’ils devaient
A ceux d’avant
Défendant le pré carré
De leurs futiles possessions
S’accommodant de l’oubli
Du meilleur des autres
Ils marchaient aveugles
Vers le néant
C’était avant
Avant
Il y avait toujours eu un avant
Avant la clarté immense
Folie des hommes
Qui définitivement a gommé
L’après
Bretagne de la blanche hermine
De l’eau vert et des prés gras
Blanche et noire des colères des tempêtes
Des matins éblouissants
Des couchants sanglants
De l’eau cascadante des torrents
Bretagne feutrée des chapelles
romantiques
Bruissante des forêts antiques
Haute en couleur des costumes d’or
Noire des deuils innombrables
Veuve de la mer insatiable
Aux festins marins dignes des rois
Bretagne qui sont ces hommes
Fils de ton sang peut-être
Qui de noir vêtus inondent ton sol
Bretagne que veut-on faire de Toi
Comment veut-on te faire mourir
De cette mort glauque, visqueuse
De cette mort incolore, inodore,
Invisible de la grande explosion
Bretagne n’accepte pas de mourir
Ou alors
Bretagne choisis ta mort !
Pour t’inviter en terre hospitalière,
A tes yeux d’avance gagnée,
Inconscient, maladroit
Tu ne sais éviter,
Pour ton but atteindre,
Les récifs, défenses acérées,
Sur lesquels la vague
Drosse à jamais les esquifs impudents.
Tu tentes une approche
Par la côte abrupte sondant
Au ponant,
L’Océan, sans limite et ses déferlantes,
Tourmenté sous un ciel colérique
Griffé par le vol planant des oiseaux.
Ne sois pas meurtri
Par l’aridité de l’accueil
Qui au loin te rejette,
Contourne, en une nouvelle approche,
Les aspérités granitiques.
Ecueils menaçants,
Aborde par l’échancrure protectrice,
En te jouant des brisants,
A travers les embruns,
Le havre de sable blond
Aux varechs épars,
Atteins
La plénitude sereine
D’une nature généreuse
Disponible
Restant à découvrir.
Toujours à conquérir…
Je suis une île.
Nous sommes tous,
Des îles.
Sous le souffle des tempêtes,
J’ai tenté souvent de gagner,
Impétueuse, à l’abordage,
Gonflée d’orgueil,
Les nus rivages
Mais, impuissance ultime,
Dans un dernier effort,
Blanche d’écume,
Je me suis échouée.
Ce soir, sous un ciel apaisé,
Eclairé par les derniers feux du jour,
Conquérante,
Force sereine,
Insinuée, lovée,
Inexorable caresse
J’ai avancé mes flots,
Dans les moindres interstices
Poussée tranquille,
En une vaste coulée serpentine,
Créant des îles,
Dessinant d’inconnus paysages
Vers les dunes qui,
A chaque montée de mes eaux,
En vain, attendaient mon étreinte.
J’ai recouvert les varechs séchés
Depuis des lunes,
Emporté les mortes branches
Et les détestables témoignages
Epars, abandonnés,
De la vie des hommes,
J’ai repoussé, loin, dans l’intimité
De la terre féconde
Les ruisseaux venant à moi, trop faibles
Et en joyeuses noces, riches limons mêlés,
En une nappe lisse, d’argent,
Sous la face ronde de la nuit
Nous avons consommé, complices,
Un instant de vie. Grande marée.
Pacifistes, écologistes
Manifestants de tous poils
Vomisseurs de slogans
Au verbiage pollué
A l’intolérance exacerbée
A la bonne conscience retrouvée
Pour une heure de manif accordée
JE VOUS ACCUSE
Vous n’êtes pas la conscience universelle
Vous n’êtes que la voix des manipulés
Soyez la montée individuelle
La vague déferlante de la volonté
Du non égoïsme, de la reconnaissance
A la différence
Du respect de l’Autre
Arrêtez vos déluges de mots
Enlevez vos masques grotesques
Montrez votre vrai visage
Le Vôtre
Ne soyez pas faibles aux puissants
Et intransigeants aux faibles
Ne soyez pas indifférents
Réapprenez comme vous le dit
Fonvielle Alquier, l’Irrespect
Ne vivez pas votre vie par délégation
Assumez-vous, agissez
Soyez un, soyez cent, soyez millions
Mais soyez responsables !
Montagnes comme vagues sur la mer
Mon lac dans ma forêt
Ma forêt dans mon lac
Ma cabane dans ma forêt
Mon lit dans ma cabane
Et moi dans mon sac
Dans le sac de moi-même
N’existent plus les chaînes
N’existe plus la peine
Je ne sens plus rien
Mais l’opaque silence
Puis tu éclates
Immense
Énorme
Envahissant
Alourdi du tonnerre
De noirs et d’éclairs
De grêle aussi bruyante
Que cent mille crécelles
Pour me prendre ma vie
Orage de cette nuit
Tes bruits sont tant si grands
Que plus rien je n’entends
Et je suis devenue
Ce que je n’entends plus
Je suis l’eau de la pluie
Je suis le vent,
Je suis le tonnerre
Je suis la clameur
Née en janvier 1929 à Rockland, petite ville ontarienne sur les rives de l’Outaouais, Marcelle Tessier est la huitième d’une famille de neuf enfants survivants. Rapidement, la famille s’installe à Ottawa où son père fait de petits métiers pour nourrir femme et enfants. Le milieu est humble, mais non sans culture.
Les racines d’un talent
Le père, Adélard, fera l’écrivain public*. Pour des clients du petit restaurant-épicerie qu’il tenait, il a écrit des lettres destinées aux soldats basés ailleurs au Canada ou dans le monde pendant la Seconde Guerre mondiale.
Rudel, frère aîné et seul garçon de la famille, est déjà journaliste quand Marcelle est encore une enfant. Les histoires et les visites de gens connus se succèdent à la maison.
Grâce à Rudel devenu soutien de famille après la mort du père Tessier en 1945, Marcelle et sa sœur Paule fréquentent l’École des Beaux-Arts de Montréal.
* Le talent de communicateur d’Adélard Tessier se perpétuera du reste dans sa descendance. Parmi ses enfants, petits-enfants, arrières-petits-enfants et conjoints de ceux-ci, on trouve : journalistes, rédacteurs, réalisateurs, dessi-natrice de costume, photographes, directeur de plateau, auteurs de mots-croisés, libraires, typographe, éditeurs, webmestre, illustrateur, publicitaire... et une poète.
Poésies
Pendant ses études, dessinant joliment, Marcelle illustre quelques livres. Elle publie aussi des caricatures dans des journaux populaires.
Cette carrière naissante cesse en 1950 quand Rudel propose à Marcelle et Paule de l’accompagner en France. C’est que Rudel appartient maintenant au milieu intellectuel de Montréal, et il est normal pour les membres de cette communauté d’aller séjourner quelque temps au pays des ancêtres.
Ce sera un séjour de douze mois dans le Paris d’après-guerre, celui de Saint-Germain-des-Prés, des existentialistes et des artistes de la chanson qu’elle aura l’occasion de croiser (de Félix Leclerc aux Compagnons de la chanson, d’Édith Piaf à Juliette Gréco).
Marcelle rentre au Canada en mars 1951. Sur le navire, il y a des immigrants, certains sont français ; parmi eux se trou-vent les Lebarbé, et parmi les Lebarbé, Gaston* (de CARHAIX 29)
.
De fil en aiguille, Marcelle et Gaston se marient en août 1952. Trois garçons naîtront : Martin en 1953, François en 1954 et, pour clore, Daniel en 1957.
* Gaston Lebarbé a écrit deux récits autobiographiques. Face à la vie, publié en 2011, raconte, parmi d’autres souvenirs, sa rencontre avec Marcelle et leur vie commune durant plus de soixante années. Dans un premier volume, paru en 2002, Ar sonj, l’auteur dépeint son enfance dans la Bretagne d’avant la guerre, la guerre vue par un adolescent et les doutes d’un jeune homme que sa famille destine à la prêtrise.
Mère et épouse, s’occupant de sa marmaille, Marcelle l’artiste n’a pas perdu sa sensibilité et son besoin de créer. Ce sera, pour ses enfants, bricolages et dessins, décorant murs et vêtements. Et, pour la sensibilité, un univers de chansons de France et d’ici diffusées par l’appareil accroché au mur de la cuisine. Toujours à la radio de Radio-Canada où Gaston travaille. Ce sont les années soixante et soixante-dix, années de grandes chansons aux textes riches. (Entre autres, l’œuvre de Gilles Vigneault, qui est, disons-le, un réel fantasme textuel pour Marcelle.)
Alors, même si c’est sans musique, lorsqu’il y a surplus d’émotion, spleen, maladie, adolescents déprimants, rêves d’un ailleurs... le crayon dessine des mots sur les feuilles, les faisant chanter. Des mots pour soi et non pour les autres. Des mots pour guérir.
Puis viendront d’autres choses à dire, d’autres mots, d’autres raisons d’écrire, sans drame, des mots dessinant des images. Enfin, s’offrira la possibilité pour Marcelle d’aider avec ses mots, de les partager avec des jeunes de maintenant...
Par Gérard Gautier
Voir en fin de page d'accueil du blog, la protection des droits
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...