Rampent les heures en tapinois
ainsi qu’un funeste tournois.
Insaisissables elles ricanent,
se faufilent sous les arcanes
de nos journées et de nos nuits,
inaltérables et sans répit.
Et dans les instants de bonheur
elles nous trompent, elles nous leurrent
car elles nous guettent constamment
pour nous jeter dans le néant.
Elles sont d’autant plus pernicieuses
qu’elles avancent, silencieuses,
tout en creusant impunément
leur lot d’entailles dans le temps.
Oui, c’est une ronde infernale,
une véritable bacchanale.
Excellente relecture de la fable de Jean de la Fontaine par Ellen Fernex !
La cigale ayant chanté
tout l’été
se trouva fort dépourvue
quand la bise fut venue.
Elle alla crier famine
chez la fourmi sa voisine.
Mais sur le pas de la porte,
anxieuse, elle s’arrêta ;
malgré la bise très forte,
elle attendit, hésita.
La fourmi n’est pas prêteuse,
c’est là son moindre défaut.
Va-t-elle me traiter de gueuse,
prendre ma requête de haut ?
Vais-je frapper pour quémander
au risque de me faire renvoyer ?
Ou irai-je mourir dignement,
seule, dans la neige et le vent !
Pourtant, glacée et affamée, elle s’enhardit.
Elle frappa.
La porte s’ouvrit.
Ah, dit la fourmi,
c’est toi, cigale ma voisine.
Ne reste pas au froid.
Viens t’abriter sous mon toit.
La pluie s’est mise à tomber,
vite, entre te sécher.
Le vent souffle méchamment,
ferme la porte et viens dedans.
Mais la cigale étonnée restait là,
devant la porte, empruntée.
Vite, dit la fourmi, approche toi du feu
pour sécher tes pattes et tes ailes.
La cigale n’en croyait pas ses yeux,
n’en croyait pas ses oreilles.
La fourmi qu’on disait pas prêteuse
l’accueillait et paraissait heureuse
de la recevoir dans son logis.
près du feu la cigale s’assit,
regarda autour d’elle, se détendit,
se croyant en paradis.
La fourmille s’affairait,
assiette et tasse apportait,
bouillon remuait.
Voici pour toi, cigale ma voisine ;
mange, régale-toi et reprends bonne mine.
C’est une joie pour moi de t’accueillir,
de te soigner, de te servir ;
un devoir de te récompenser
pour le bonheur que tu m’as donné ;
car tout l’été tu as chanté ;
tu m’as aidée à travailler ;
les brindilles si lourdes à porter,
cette fourmilière à préparer.
Ce labeur si fastidieux,
c’est grâce à ton chant joyeux
que j’ai pu l’accomplir
tout l’été sans faiblir.
C’est ton chant dans les oliviers
qui m’apporta la gaité.
Maintenant, reste ici pour l’hiver ;
tu n’auras rien d’autre à faire
qu’à chanter pour nous distraire.
Le bonheur de vivre en frères,
notre travail et la musique de pair.
Toute vie serait triste
sans les oeuvres des artistes.
Grâce à Jeanne Champel Grenier qui a reçu son accord pour que je la publie sur Couleurs Poésies, j’accueille avec une grande joie ELLEN FERNEX. J’espère que, tous, vous lui réserverez un excellent accueil ! (Jean Dornac)
Courte biographie d'ELLEN FERNEX
Enseignante de formation, Ellen FERNEX a étudié le piano au conservatoire de Lausanne et obtenu un diplôme de l'art à l'école du Louvre à Paris. Elle est membre de l'Association Internationale des Arts Plastiques auprès de l'UNESCO. D'une sensibilité littéraire autant que visuelle, elle a obtenu plusieurs prix de photographie et de poésie. Artiste cosmopolite qui a vécu sur plusieurs continents à la suite de son mari géologue, Ellen FERNEX partage sa vie entre Villefranche-sur-mer et Thonon-les-Bains, où elle demeure un œil, une oreille et une plume d'exception, avec au cœur le sens de l'amitié et du partage. Reçu de Jeanne Champel Grenier
Amazone, toi
dont le sang pulse la Vie
à travers le Monde ;
sang jaune, noir, rouge ou vert,
qui véhicule la Vie
dont s'abreuve le Monde.
Amazone,
je te salue,
je te vénère,
je m'incline devant toi.
Tu roules ton corps superbe,
tes flancs larges et puissants
à travers Terre et Forêt ;
tu tends tes bras innombrables
pour serrer le monde contre ton sein ;
monde végétal, minéral, animal :
le monde de l'Indien primordial.
Tu es la Mère
dont le souffle enveloppe le Monde.
Oui, tu élabores la Vie
dans le secret de tes entrailles ;
tu submerges la Terre et la Forêt,
tu les inondes pour mieux les féconder ;
et tu propulses cette Vie
au loin, au très loin,
dans ton élan de générosité.
De ta respiration surgit la Vie,
surgit le Monde.
Ton silence,
tes cris étranges
qui parfois déchirent l'air ;
tes tressaillements ;
tes chuchotements impalpables ;
tes froissements furtifs
qui glissent ou qui rampent ;
tes feulements ;
tes bruits mystérieux enveloppés d'ombres,
sourds, étouffés, ou rauques, ou aigus :
ta lumière glauque ;
ta moiteur oppressante ;
ton haleine à la fois forte et fade,
pourrie et moisie, sucrée et piquante,
et douce et putride ;
tes architectures végétales fantasmagoriques,
débridées, hallucinantes,
cernés par tes eaux dormantes ou fuyantes
amalgame de matières indéfinissables
d'un immobilisme inquiétant,
ou d'une mouvance énigmatique.
Amazone, tu m'as envoûtée,
ensorcelée ;
par ton immensité obsédante,
par ta beauté incommensurable,
par ta magie créatrice...
Oh, ne pas te blesser !
Ne pas te violer,
ne pas égorger ta forêt,
ne pas prostituer tes eaux,
ne pas braconner les Indiens !
Ne pas saccager ton ventre fabuleux,
cet utérus, source de Vie
pour toute notre planète...
Amazone,
je te salue,
je te vénère
je m'incline devant toi ;
et je te remercie.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...