Tu étais aussi simple
Que le dos de la main
Que la pierre du lavoir
Ou qu’une laie de soleil
Sur le parquet de la chambre.
Si simple que tu ne laissais
Qu’un peu d’ombre sur mon âme.
Tu voulais donner si peu
Un mince filet d’eau
Chuchotant sous la palme,
Qui ne troubla point
Le ruisseau de ta vie…
Tu avais si peur d’être aimé
Et restais si loin
De ma faim, de ma soif
Que je m’en retournais
A mes moissons d’étoiles.
Si tu ne dors pas
Au creux de la ville immobile,
C’est que j’ai laissé dans ton coeur
Les mille parfums de l’amour,
Et sur ton corps
Des myriades de baisers
Qui palpitent
Comme sur les étangs
Les flocons duveteux du printemps.
Les moments de bonheur
Se délitent
Dans la brûlure de l’absence,
Et nous gisons
Sur les sables de la nuit
Pareils à des nacres veinées
D’une même blessure
De laque rose.
Nous n’irons jamais ensemble
Dans la maison tutélaire
Car je suis l’étrangère,
Le fruit de tes amours traversières.
Pourtant je fais partie de toi
Autant que cette terre
Qui bat dans ton sang
Au rythme des saisons.
Je voudrai respirer
L’air que tu respires,
Vibrer de la même lumière
Emplir mon âme
Des paysages que tu aimes
Parcourus d’invisibles présences.
Et le soir devant l’âtre
Où murmure la flamme
Je m’endormirai
Dans le berceau de tes bras.
Dans la mémoire évasive du temps,
Elle nous attend
Notre chambre idéale
Dont les paupières de lin blanc
S’ouvrent sur le lac
Où glisse une yole
Etirant deux blessures jumelles.
C’est l’heure méridienne
Où naissent les métamorphoses,
Les mains qui se frôlent
Les corps qui se cherchent
Et qui osent
Des corolles de baisers
D’où s’échappent des soupirs
Quand viennent mourir
A l’aube devinée
Les vagues soyeuses du plaisir.
Des parfums d’humus et de lichens,
D’odeurs de branches finissantes
Et de feuilles froissées,
La forêt accompagne tes pas
Quand tu vas
Dans le vertige de l’air
Avec la mort familière
Pendue à ton épaule.
Alors tu n’entends plus ma main.
La lumière glisse
A l’ombre des fougères,
Et sous les chênes
Où murmurent les fées.
Mais nul n’osera t’enfermer
Dans ces envoûtements
Ni la mandragore
Ni la salamandre d’or,
Quant dut tressailles
Tout entier oublieux du monde
Pour un éclair d’acier,
Pour un frémissement
D’aile qui s’abat
Dans le linceul de l’aube.
Il pleut sur les murs de la cité,
Sur les immeubles sans toitures,
Le toit des voitures
Et dans le regard oblong
Des paraboles
Qui poussent sur les balcons.
Il pleut sur les platanes
Que n’arrivent pas à grandir
Et sur les ballons oubliés
Des enfants.
Dans tout ce gris, les graffs
Lancent au ciel délavé
Leurs cris, leurs paraphes.
Et la ville endormie
Décline ce Dimanche de pluie
Glissant triste, sur les vitres
Et dans le coeur des gens.
Tout est bien rangé
Sur les étagères de ta vie,
Où tu veux que rien ne bouge.
Ni la montre qui grignote le temps
Ni les draps repliés
Dans leurs rêves de lavande
Ni le pain qui attend
Sur la nappe rouge.
Pourtant tu as dû m’oublier,
Près du verre où le soleil miroite,
Endormie dans la paume de ta main,
Où dans le coeur d’une fleur…
Peut-être le front appuyé
Sur la vitre où chuchote la pluie.
Dans ton espace familier
M’as-tu fais une place ?
… Tu me tiens serrée contre ton coeur,
Et voici que tu fermes ta veste,
Que tu ouvres la porte,
Et m’emportes avec toi
Dans la houle des jours.
C’est terrible de perdre un amour
Une rose à peine ouverte
Un papillon aux ailes
Humides encore
Un sang clair
Illuminant les pages,
Des mots nacrés
Pour une musique d’aube
Une gemme jetant ses premiers feux,
C’est terrible de perdre
L’amour d’un poète
Encore enfant.
La flamme était trop belle
Trop haute, trop éclatante
De celle dont les braises
Ne veulent pas mourir.
L’étoile s’est brisée
Mais les fragments épars
Glissent
Dans l’infini du temps.
Nul ne peut jeter
La gerbe d’eau dans l’âtre,
Ni disperser
D’un geste sur les cendres.
Seule « la grande nuit qui marche »
Viendra verser un jour
Dans mon âme en attente
Le suave breuvage de l’oubli.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...