D’un stylet d’ivoire
Nous gravons nos amours
D’eau et d’argile
Sur les tablettes du temps.
Je prends ta main
Par les chemins caillouteux
Où tu me conduis sans un mot.
Ni Maître, ni Serviteur
Nous sommes un même fruit.
Un jus de papaye
Coule frais sur nos lèvres,
Maîtres des mots
Serviteurs du poème,
Nos coeurs saignent
Comme grenades éclatées
Des blessures du monde,
Pour proclamer
La pérennité de la vie.
Je serai à toi
Par petits bouts
Comme le chat de Lewis Caroll
Et tu me chercheras
De sourires en sourires
Mais mon amour t’embrasera tout entier
Tu ne connaîtras pas
Le goût des larmes
Et je tremblerai sous tes baisers
Quand jailliront
Dans le bruissement des nuits
Des semences d’étoiles.
Tu m’accueilles dans tes rêves d’aube
A l’heure où la mer hésite
A quitter les langueurs de la nuit
Et je me glisse en toi
Silencieuse
Quand tu me berces de caresses
De baisers fleurs
De parfums de ton île,
Quand l’écume s’attarde sur nos grèves
Avant de se retirer
Dans l’embrasement liquide du jour.
As-tu songé à lui dire que le monde attend
Qu’il pose son regard
Sur cette île divaguant
Comme une barque démâtée
Entre deux Amériques
Lui as-tu raconté les villes qui ont soif
Chaque fois qu’elles deviennent
De boueux réceptacles,
Lui as-tu dit la faim qui élit domicile
Dans chaque maisonnée
Sait-il que les miséreux
Regardant les enfants
Qui jouent à la marelle
N’ont que la Providence pour salut
A travers la nuit où s’abîment les rêves
Dieu voit seulement
Les semences d’étoiles
Dont tu as fécondé le jardin d’Eden
Au soleil dérobé.
Je cueillerai tes mots
Avant qu’ils ne s’éparpillent
Dans les friches du temps
J’en ferai des jardins pour mon âme
Où je viendrai reposer
Chaque fois que la horde
Fera insulte à la vie.
Dans les allées
Où chuchote la pluie
Je caresserai ton regard
Qui m’ouvrira le seuil
Des mondes celés.
Ta voix me parlera de celui
Qui parcourait l’invisible,
Et nous écrirons des romances d’amour
Dans la fureur indomptée des orages.
Un jour je dirai adieu
A mes amants de papier
A ceux qui m’ont traînée
De rivières endormeuses
En rêves chimériques.
Je m’évaderai de leurs pages
Je quitterai leurs paysages
Déposant à leurs pieds
Des brassées d’orchidées
Et des corbeilles de délices.
J’oublierai leurs visages
Leurs regards innocents
Et leurs voix recélant la magie
Des îles caraïbes.
Je fermerai le livre
J’effacerai les mots
Les parfums les couleurs,
Mais toi, mon ti mamoun
Mon âme soeur
Tu seras toujours dans mon coeur.
Ton âme est une aube dormante
Où glissent des baisers
Et des caresses roses,
Quand saupoudré d’or
Tu butines les calices
Qui s’ouvrent devant toi.
Parfois des améthystes
Embrasent ton regard effaré
Des hantises qui rodent
Aux portes de ta vie.
Vient l’heure
Où parmi les voix ensorceleuses
De femmes oubliées
Une déesse folle
Criant ton nom
Meurt de soif auprès de la fontaine.
En mémoire de Jacques Roche, poète, journaliste assassiné le 13 juillet 2005 à Port-au-Prince
Ce soir ne m’écris pas
Ils ont tué le poète
Ils ont liés ses mains
Porteuses de lumière
Ils ont brisé son chant,
Ignorant que sa voix
Ne mourra jamais.
Ce soir mon âme
Ne trempe pas ta plume
Dans le sang,
La lampe s’est éteinte
Qui éclairait la nuit,
Et les dunes, derrière les mots
Ensableraient le coeur.
Mais à la lueur des torches
Nous veillerons, égrenant le silence
Le poète qui dort
La face vers le ciel
Dans la repentance des étoiles.
Toi qui fus ma Muse androgyne
Ma transcendance,
Ma lumière au-delà de l’aurore,
Mon plein chant.
Toi qui fus mon paroxysme.
Aujourd’hui tu retrouves
La respiration calme des rivières,
Le reflet des étangs pâles
Où passent les nuées.
Et ton sang paisiblement
Coule dans mes veines.
Ton coeur bat dans mon coeur
Sans que je décèle sa présence.
Et mon souffle se mêle
Si doucement au tien,
Que rien ne palpite à tes lèvres
Si ce n’est
L’inadmissible soie
Du souvenir.
La nuit vient avec ses doigts de silence
Effacer les souffrances du jour.
Tout ce temps égrainé
Au sablier de l’absence,
Ces heures distillés dans le coeur
Comme un poison subtil.
Ton nom renaît sur mes lèvres
Et pétales de jais,
En libellules
Poudrées de lapis-lazuli,
Caressant mon corps ensommeillé
D’un minéral frissonnement.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...