Dieu ne m’a pas fait de signe
faut-il pour autant jeter
le manche après la cognée
Pourrais-je avoir mérité
autre chose que de vivre
si j’ai gagné l’aller simple
ce n’est déjà pas si mal
Sommes-nous vraiment importants
ou simplement insignifiants
plus ou moins que ce que nous sommes
le livre un ne le dit pas
mais qui sait quoi de prochain épisode
Mina et son frère Gaspard décident de prendre le chemin de l’Alsace pour leurs libations de Noël.
Leur route sillonne à travers la grande hêtraie des Vosges. Orée lumineuse, landes sommitales, flore et faune sauvages, ce massif forestier a bien des points communs avec leur Haut Livradois.
Les lignes bleues se succèdent pour apercevoir, au pied du Hohneck, le lac de Retournemer. Gité dans une ancienne cuvette glaciaire, c’est un miroir d’eau profonde.
Mina ne peut quitter ces lieux sans caresser l’écorce lisse d’un jeune hêtre, encore toute parfumée d’arnica et de pensées sauvages.
Un ciel plombé couleur d’ardoise leur suggère de reprendre la route avant l’arrivée de la neige.
Adieu ballons vosgiens, c’est maintenant la descente vers la plaine d’Alsace.
Vêtue de grès rose, apparaît la ville de Munster où rugit un lion de fierté sur la place du marché.
Mina et Gaspard veulent, cette année, rompre avec les foie gras, dinde et bûche traditionnelle ; ils ont simplement envie d’un duo magique, d’un accord de fête.
Le blond sourire de Coralie les accueille à l’auberge de la Marcairie.
Cette auberge exhale une puissante séduction à l’image de sa tenancière raffinée, portant vêtement de fantaisie épousant la forme de son corps.
L’accueil se fait autour d’un vin chaud parfumé à la cannelle et d’une copieuse tranche de Kougelhopf.
Coralie parle avec aisance et distinction, et se plaît à dire qu’il est vulgaire de maudire son temps.
Elle connaît nombre de poètes et les prononce avec respect. A ses heures, elle déclame du Musset.
Coralie aime les choses qui convoquent le toucher, le goût et l’odorat.
Elle parle souvent de poétique de l’infime, inépuisable source née de la simplicité des choses humbles.
Tiens, dit-elle, ce soir je vous propose d’épouser cimes et vallons de notre région.
Je vous promets de faire émerger l’âme d’un territoire, de vous faire aimer l’étonnante sagesse de la terre.
La nuit tombée, chandelles allumées, Coralie revient près de l’âtre avec une broche bleu saphir fermant à demi son blanc corsage.
Point de dentelles et de fragrance, tout en harmonie, lumineuse, elle est prête à s’enthousiasmer de couleurs, de mots, de vin, de bon pain, de tout.
Elle invite Mina et son frère à s’installer près du poêle en faïence sur une banquette commune devant la Rêverie du soir, reproduction d’un tableau de Mucha.
Maintenant la neige tombe à gros flocons, rehaussant le charme lié à l’atmosphère de l’auberge.
C’est dans ce décor qu’arrive le duo magique : Munster et Gewurztraminer.
Une première image vient : Ariane semble conduire le cortège des ménades portant pain croustillant, fromage à la croûte rouge orangé, tandis que Bacchus présente en musique, chants et danses ses augustes flacons.
Mina et Gaspard ont pris soin d’apporter leur couteau, un Laforet d’Arconsat, pour trancher généreusement le pain au carvi, cette ombellifère qui a le pouvoir de fleurir une seconde fois la croûte du Munster.
Mina voit dans le modelé et les couleurs de la croûte du fromage une parfaite symbiose avec paysage et éléments d’architecture : la robe de bure des chaumes du Hohneck, l’argile, la paille et le crin du torchis des maisons à colombages, le grès micacé à grain fin vosgien, ainsi que les tuiles plates en écailles des toits alsaciens.
De la croûte au cœur, le Munster se signale par une saveur fleurant bon les pâturages des Vosges que survole le faucon pèlerin.
Gaspard accueille avec joie la bouteille de Gewurztraminer – Domaine Hugel - vin blanc titrant 14,5°, issu de vendanges tardives 2010.
Fermant les yeux, il devine les grappes de ce cépage, récoltées tardivement, d’un jaune mordoré qui n’a rien à envier à l’or des Incas.
Il va même s’imaginer les reflets sur l’aile d’une bécasse à l’heure de la croule.
Le long col de la bouteille n’est pas sans rappeler le clocher de Riquewihr baigné des brouillards d’automne où se développe le fameux Botrytis.
Décanté avec doigté, le vin est mis en carafe.
Le Gewurztraminer se distingue avec des arômes d’agrumes confits, de fruits exotiques, parfois de réglisse.
C’est un vin opulent aux notes de miel et d’abricot sec particulièrement perceptibles lorsque le Botrytis cinerea, autrement dit la pourriture noble, a fait son œuvre.
Coralie partage le bonheur de Mina et Gaspard.
Un croissant de lune ouvre le bal des étoiles.
Tous les trois écoutent ce frémissement né au nid de l’amitié où palpite la flamme de Noël sous son duvet immaculé.
LE MUNSTER :
Originaire des Vosges, le fromage Munster a reçu l’AOC en 1978. C’est un fromage à pâte molle et à croûte lavée. Il est fait de lait de vaches vosgiennes, race scandinave introduite au dix- huitième siècle.
Ce lait, riche en protéines, est caillé à la présure.
A ce stade, le caillé ne doit être ni lavé ni malaxé.
Ensuite, il est mis dans des moules qui laissent lentement s’écouler le petit lait. Puis, retiré, il est prêt pour être affiné.
L’affinage est de trois semaines minimum, souvent porté à 2 ou 3 mois pour les productions fermières.
Entreposé dans une cave à 11-15°C - hygrométrie de 95% , le fromage est retourné tous les 2 jours, frotté à la saumure diluée, souvent directement à la main.
C’est ainsi que se développe la croûte rouge orangé.
D’une saveur piquante, fort et épicé, le Munster s’apprécie avec un âge avancé.
Bien sûr, pour un accord parfait, il voyage avec son compagnon préféré, le Gewurztraminer, voluptueux et d’un irrésistible moelleux.
LE GEWURZTRAMINER :
Il y a 250 millions d’années, au Trias, la région est de la France est pénétrée par une mer « germanique » au fond de laquelle se déposent les gypses, marnes et calcaires des futurs terroirs alsaciens.
Niché entre Vosges et Forêt-Noire, le vignoble alsacien bénéficie d’un terroir où se juxtaposent treize types de sols, la plupart du temps étroitement imbriqués, notamment, volcanique, gréseux, granitique, gneissique, schisteux, marno-calcaire, argilo-marneux, loess.
Les vignerons ont dû tester une multitude de cépages pour, au final, obtenir une très large palette de vins.
Les vignobles qui entourent les villages de Kaysersberg, Riquewihr et Ribeauvillé sont le terroir d’élection du cépage Gewurztraminer.
Comment reconnaître le cépage Gewurztraminer ?
Après un bourgeonnement cotonneux blanc à liseré carminé, la feuille est orbiculaire et gaufrée. Grande, elle se découpe en 5 lobes.
La grappe est tronconique avec des baies ovoïdes roses à rouge clair pour devenir ambrées en vendanges tardives, donnant la fameuse pourriture noble ; voilà un bel oxymore n’est-ce-pas !
La température de service est entre 8 et 10° C.
Le potentiel de garde se situe entre 2 à 10 ans avec une aptitude au vieillissement pouvant dépasser le demi-siècle pour les récoltes en vendanges tardives et sélection de grains nobles.
- Ouvre-toi, regarde... Le rouge lumineux et parfait du soleil couchant a le pouvoir d'apaiser les peines de cœur. Même quand il a disparu derrière les toits, et qu'il se reflète encore sur une vitre, sa brève incandescence t'interpelle. Si tu voulais, au moins, essayer de voir, au lieu de te refermer sans cesse...
- Tu parles comme une carte postale romantique de la côte !
- Mais tu es romantique ! Sans cela, tu ne souffrirais pas...
Mon argument la touche. Elle s'entrouvre, prudemment, attend d'autres paroles.
- En contemplant la beauté, non seulement tu distrais ta pensée de ton chagrin, mais tu découvres un autre objet digne d'amour.
- Quand j'écoute une belle musique, je pleure...
- Tant mieux. Tu ne pleures pas seulement sur toi, mais tu pleures d'émotion d'entendre une musique qui exprime ta douleur, ou qui chante la joie, une joie que tu croyais perdue, et que tu découvres ailleurs...
- ...
- Oui ?
- ... Si nous partions en voyage... pour découvrir un horizon, un soleil qui ne soit pas masqué par les maisons quand il descend le soir ? Tu m'as parlé de ces pays de ta jeunesse...
- Quand tu veux. Nous ferons provision de soleil. Tu reviendras éblouie, éblouissante, et peut-être l'éblouiras-tu...
- ... Et toi ? As-tu aussi, dans ta vie, eu besoin de contempler le soleil couchant ?
- Je suis arrivée à un âge où je le préfère levant.
- C'est drôle, ça !
- Ce n'est pas une boutade. Je veux dire que l'âge, paradoxalement, mène vers les commencements...
Pour toutes les personnes aimant la poésie et la peinture, je ne peux que recommander ce superbe recueil, n’hésitez pas à vous le procurer ! (Jean Dornac)
Elle est là, elle avance
corps face au spectateur
visage de profil
Armée de nudité
brodée, revendiquée
elle avance, elle est là
en place du bourreau
la tête de Saint Jean
sur un plateau d'argent
Blancheur de lait d'ânesse
des ivoires antiques
le corps dans un fourreau
de dentelle de soie..
Et brille sa peau blanche
qui fait rêver le roi
La tiare au lion de Perse
fleurs de lotus au ventre
elle avance et vous berce
déesse somnambule
prêtresse orientale
voilée de libellules
Rêvée, satin de Chine
peau de neige brodée
toute blanche elle avance
telle une épée dans l'air
au tranchant raffiné
de chryséléphantine
Elle avance en silence
ni luth, ni gong, ni sistre
aura de dessin pur
qui guidera l'artiste
au geste tendre et sûr
plus loin qu'il ne le pense
Rouge et or le décor
d'Orient fantasmé
Univers opposés :
Nudité et Mihrab
reliés par le peintre
Elle avance, elle danse
L'artiste a peaufiné
la châsse du mystère
Ainsi va l'Art sacré
tatouages des rêves
toujours inachevés
qui brûleront Moreau
sans cesse à fleur de peau
Cheveux en l'air,
Regardez-moi sur mon cheval qui prospère,
Avec son pelage couleur de fer
Qui luit sous le soleil d'une lueur pépère,
Et virevolte dans le vent, survolant terre,
Flottant telle une bannière.
Regardez-moi sur mon cheval qui prospère
Déchaînant ses sabots qui ne se font plus taire,
Se libérant de cette muselière qui le serre,
Embrassant d'un galop cet horizon, objet de réunion entre ciel et mer.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...