Des guerriers sans visage
ont blessé la pierre de notre mémoire
et l’encre sombre de l’injure
a défiguré les façades.
Mais le sang des pierres
n’a jamais donné à boire aux assoiffés.
Quand la colère abandonne les mots
et que la force du geste
ne connaît plus de limite,
la souffrance étend son territoire
et la désolation s’installe.
Qui croyait trouver ressources dans la destruction
ne trouvera que terres asséchées, sources taries.
Soulager la souffrance par la violence
est un vieux mythe dont l’Histoire
n’a cessé de montrer les limites.
Quand brûlent les richesses,
le pauvre reste pauvre.
Alors que peut-on espérer
si ce n’est que raison et humanité
inspirent ceux que nous choisissons pour guides.
Toudoum Toudoum
Le son de mon cœur qui bat
Résonne encore dans ma tête
Tap Tap
Le tempo de mes pas
Sur ce sol qui m’est inconnu
Ffue Ffue
La saccade de mon souffle
Qui s’essouffle dans ma course
Ploc Ploc
Les clapotis de ma sueur
Coulant sur mes muscles endoloris
Grrrr Grrrr
Les grognements des chiens enragés
Dont je perçois l’haleine malodorante
Cours… ! Fuis… ! Vers le cours d’eau… ! Vite… !
Les cris de mes ancêtres
Qui me talonnent pour continuer le combat
Shh Shh
Le bruit du torrent
La rivière m’attend
Mais… Qui es-tu ? Qui es-tu ?
La sempiternelle question…
JE SUIS UN NEG MAWON !
Maëllie DURO--CARDONNET
– 4ème - 97170, PETIT-BOURG, GUADELOUPE PRIX CESAIRE JEUNESSE 2022Toudoum
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Il suffit de dire... « SABLE »
... pour imaginer le désert,
Et de dire « DESERT » pour penser à
... « personne »
Ici, le psychanalyste demandera :
_ « QUI ? »...
Alors que le sage méditera sur
... « PERSONNE »...
L’espacement parfait de deux tours accordées
la gothique élégance d’un cri lancéolé
une ascèse penchée sur les splendeurs florales
une muraille grise en contre-chant des braises
forgées de vitrail mauve et de ciel absolu
Les regards éperdus dès le portail franchi
font une haie d’honneur aux gisants gaéliques
sous la prude insolence des orgues insoumises
comme ce sang breton contrarié des rias
et du bourdon sonnant l’angélus de la mer
De peu s’en faut qu’à l’aube on s’éternise
pour ne plus quitter l’or de ces quartiers bénis
tant le soleil y tient son rang d’envahisseur
applaudi des jambages de l’Odet fleuri
comme aucun autre arpent dont Dieu fasse mystère
En mémoire de Jacques Roche, poète, journaliste assassiné le 13 juillet 2005 à Port-au-Prince
Ce soir ne m’écris pas
Ils ont tué le poète
Ils ont liés ses mains
Porteuses de lumière
Ils ont brisé son chant,
Ignorant que sa voix
Ne mourra jamais.
Ce soir mon âme
Ne trempe pas ta plume
Dans le sang,
La lampe s’est éteinte
Qui éclairait la nuit,
Et les dunes, derrière les mots
Ensableraient le coeur.
Mais à la lueur des torches
Nous veillerons, égrenant le silence
Le poète qui dort
La face vers le ciel
Dans la repentance des étoiles.
Je viens d’apprendre le décès de Luce Péclard, le 2 juin 2022. Je veux lui rendre hommage, elle était une grand poète suisse, elle a reçu divers prix, mais surtout, pour moi, sans que nous ayons pu nous rencontrer, elle était devenue une amie que je publiais régulièrement. Tant qu’il me restera des textes d’elle, je la publierai encore et encore.
Je pense aussi à sa famille frappée par ce deuil et à tous ses amis, en Suisse, en France et ailleurs… (Jean Dornac)
Gérard Le Goff : La cité chimérique, Encres Vives, Collection Encres Blanches, janv. 2022 et Brisées, Encres Vives no 516, nov.-dec. 2021, 16 p. chacun, 6,20 Euros
La cité chimérique est une nouvelle commise par une plume trempée dans un style hors du commun, fait de précision, d'images, de rythmes. Preuve, s'il en fallait encore, que la poésie peut se terrer dans la prose... Parfois, la ville ouvre ses portes sur la limpidité de l'évidence. Sans un bruit. Parfois, elle les maintient closes sur l'oubli. Je sais qu'elles ont toujours été là, dans le reste de ces jours qui sable mes paupières, dans le peu de ces nuits qui s'égoutte au fond de mes yeux. Il m'appartient de vérifier leur disponibilité. La phrase est taillée au couteau. Elle annonce un cauchemar...
Peu à peu, nous avons l'impression d'être dans une toile de Dali. La peinture est extrêmement bien dessinée mais thèmes et personnages s'entrelacent, se bousculent, se fondent dans une cité mystérieuse puis dans une jungle. Zeste d'érotisme pour évoquer des sirènes égarées. Décrits avec une sorte de froideur chirurgicale, des peuples étranges tel celui des Financiers, prennent vie dans des décors byzantins plus vrais que nature. L'observateur passe d'un palais à une cathédrale, d'une échoppe à une rue insensée. On se croirait dans une Venise ourdissant ses complots, mais ce n'est pas Venise. Ou dans Londres égrainant ses venelles prêtes à un crime, ou dans Paris affûtant ses lumières ou dans Amsterdam chuchotant entre deux canaux. Mais nous ne sommes ni à Londres, ni à Paris, ni à Amsterdam...
On entre dans un magasin étrange, sorte de cabinet des curiosités. Une fois, le négociant m'a conseillé d'acquérir, sans sourciller : une mèche de cheveux de Yul Brynner, le prépuce d'Albert Einstein, le glaive de Saint-Paul, un grain de beauté de Marilyn ainsi que l'intégrale de la correspondance entre Adolf Hitler et le Mahatma Gandhi. Humour grinçant, déjanté.
Le propos se veut presque journalistique, d'allure réelle, porté par un locuteur (le "je" omniprésent) dont le langage châtié, parfaitement correct, est parsemé de mots rares : aventurine, tavelé d'étoiles, turquin, céladon... Les descriptions acérées ramènent le lecteur à une pseudo-réalité qui donne à l'ensemble une allure surréaliste à la René Magritte ou à la Max Ernst.
En un mot, cette nouvelle surprenante me fait penser à l'adage : "nous avons tous fait l'expérience de la folie, c'est celle des rêves"... Encore faut-il le talent et la plume de Gérard Le Goff pour l'exprimer de manière aussi éclatante et chimérique.
***
Le recueil, également chez l'éditeur Michel Cosem d'Encres Vives, intitulé Brisées, est constitué de soixante-quatre quatrains en vers octosyllabiques de belle facture. Le sous-chapitre, Sauf-conduits, a particulièrement attiré notre attention, puisque chaque quatrain est inspiré par une ville ou un lieu : Londres, Rome, Florence, Prague, Barcelone, voire Louxor... Résumer chaque fois un émerveillement n'est pas facile.
Il leur reste tant de hauteur
Aux Météores tombés du ciel
Que leur ombres même déroute les cœurs
Vers un désir d'élévation
Ou bien, pour Abou Simbel :
Pharaon un et multiple
Ses regards ignorent les royaumes
Que conquirent le sable et le vent
Avec pour seule arme le silence
En quatre lignes, donner la main à un lieu. Non pas le résumer, mais ouvrir une porte, des effluves. Pari insensé : celui du poète...
Plus loin, Gérard Le Goff évoque avec délicatesse l'offrande des hautes fleurs (...), la harpe (qui) parle toutes les langues de l'eau / Elle sait les prophéties des sources (...) Accorde son cristal à la pluie.
Marc des mots, condensé de poésie. Seize pages ? Encore !
Un oiseau se pose
sur le rebord d'une fenêtre,
une mouette sans doute,
qui crisse dans le silence,
dans la béance de ce jour creux,
dans ce jour lourd de bleu,
d'un feu sans soleil, sans rose,
sans fleur éclose sur le sol.
Un oiseau se pose.
Son cri déchire l'air bleu
comme le chant d'une sirène
échouée sur le sable et sa solitude.
Un oiseau se pose,
sur un rayon de soleil cette fois-ci,
sur la circonférence d'une fleur morte,
sur son calice qu'a sucé l'abeille éclose
qui à butiné cette pluie d'or
pour en faire un miel
de lumière imprescriptible,
un miel à la saveur d’un soleil au zénith,
au parfum d’azur inaccessible
au son des cigales qui crépitent.
Si avec humilité
Possibilité m’est donnée
De suggérer comment,
Le moment venu,
La Mort doit arriver,
Je lui demanderais
D’être franche, brutale
Sans détour
Et non point latente, incertaine
Insidieuse, nauséabonde
INTERMINABLE …
Je la voudrais définitive,
Sans appel,
Je voudrais, en fait,
Le moment venu,
Lorsqu’il sera temps,
Etre encore…VIVANT.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...