Édition L’Harmattan, collection Accent Tonique, juillet 2022
La barque de Charron conduit toujours aux enfers, il n’y a pas de nautonier du bonheur. Bachelard
L’auteur, tel un oiseau sans ailes qui pourtant vole, est toujours entre rêve et réalité, en étant accompagnée par des accords venus de nulle part mais prégnants, des doigts s’agitent sur les touches d’un piano au désert mille sonates se bousculent/ dans le labyrinthe d’une oreille spatiale invisible.
Dans ce recueil où se croient Debussy, Goldberg, Lalo, Chopin et bien d’autres, on sent que l’auteur est musicienne dans l’âme, c’est ce qui lui fait un manteau invisible mais protecteur, elle est torture plaisir et souffrance. Son dire est embrasement, feu brûlant et pourtant si loin de l’âtre invisible où elle brûle et se cendre à l’assaut de l’échelle du ciel. Elle est notes, accords dans l’extase du manque toujours à la recherche d’une marque, d’un souvenir, elle les voit, les touche et tout fuit, histoire de voir si Eurydice vous suit/ elle l’obstinée de la perte/ comme toutes les illusions. Quête sans fin, quête du tout qui devient rien, un rien opulent, torturant, envahissant, mais c’est le rien du Tout.
Son dire est fait de mots réverbères pour raviver les ombres réelles mais imaginaires, les souvenirs, mirages/ réels, fuyants mais obsédants, ce sont des mots calices pour offertoire interdit, des mots qui font des souvenirs sans légende, mots au goût amer et torturants, même lorsque les bourreaux sont partis / les victimes ensevelies, lamento funèbre, mots à jamais inclus dans sa chair alors que les bottes orgueilleuses s’enfoncent / dans la boue des champs de massacre. Pourtant, pas à pas, contre toute logique, l’auteur passe le gué.
Elle laisse filtrer l’architecture de sa pensée, sensibilité à fleur d’âme, traces noires, zones d’ombre au gout âpre, égarements qui s’entrelacent, se percutent se tordent sur des radeaux en précaire équilibre, ample liturgie lorsque le sang flagelle le corps, digue sans remparts qui ramène le lecteur au gîte de la déraison, il boit au goulot d’anciennes racines errantes qui pourtant n’ont pas d’attaches… Électro choc, électro quelque chose c’est la vie avec ses murmures, ses fusions, ses effusions, où l’on se perd pour se retrouver, peut-être tentative de communion avec l’Absolu, tresses du silence bruyant qui libère toute une chapelle à explorer.
Dana Shishmanian se fait relieuse, c'est si près de religieuse, sa fourrure d'hermine se lustre au poil fin de ses mots en nervures, elle pose les épingles de ses bâtis, découd l'ourlet d'un nuage pour offrir trois notes de la musique des sphères issues d'un tabernacle de silence et d'encens à chacun de savoir l’ouvrir.
Elle va s’en aller, à la recherche du pardon, issu des lamentations angéliques qu’un violoncelle/ sorti d’abîmes sans fond/ distille subrepticement…il anéantit et console, elle a besoin d’apaisement, de paix on appelle les larmes au secours/ ce sont les bonnes sœurs toujours prêtes à consoler.
Le sens magnétique, est un tourbillon de mots-pensées, qui s’enroulent, après le lecteur, le tord, le roule, le palpe, l’oublie, le reprend, le traîne pour en faire une toupie dans une étoile filante,.. adagio en guise d’adage/ définitif et muet.
À lire avec étonnement, vite transformé en bonheur méditatif.
©Nicole Hardouin.
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