Certains disent que les gens changent, qu'ils évoluent ;
D'autres que les masques tomberont à un moment qui sera révolu.
Certains affirment que les tempêtes et les orages nous forgent, nous construisent ;
D'autres que ce sont les illusions qui s'abandonnent et s'épuisent.
Certains déclarent que les temps diffèrent, que le passé cause cette différence ;
D'autres que seul le brouillard se dégage pour plus de clairvoyance.
Certains jugent que l'esprit s'ouvre, se développe ;
D'autres que c'est simplement le cœur qui perce son enveloppe.
Certains assènent que le changement est permanent ;
D'autres que c'est simplement notre réelle identité qui remonte du néant.
Guetteur des lunes bleues,
Sur la branche d’un if
Grand Duc, de quel royaume
Tiens-tu cet air déchu ?
Tu parchemines les feuilles
A l’envers des nervures
Où sans fin tu ratures
Ton poème rapace :
Chant bref, acéré,
Les serres sur l’écorce
Et la plume qui griffe.
Encre bleue, encore noire,
Tu lacères à vif
L’écran blanc de l’éternité.
Dans ta prunelle luit
Le feu des galaxies.
Ulule tout ton saoul,
Mon effraie de velours
Et broies ton noir, Hibou
Tu fais neiger la suie
Tapie dans la nuit blanche.
Le poème fait partie d’un recueil paru en roumain, ce mois-ci (juillet), à Cluj, sous le nom de Praguri (Seuils), à la maison d'édition Casa Cărții de Știință.
Je me faufile hors du sommeil pareille
à l'esprit du matin en train de quitter les ténèbres.
Il n’y a pas de chemins, pas de voies tracées.
L’écho du rêve continue de troubler le miroir
et moi, je me réveille
le goût de la parole interdite
cachée comme une proscrite
au coin même de ma bouche.
Je l’essuie à la main, comme si j’essuyais
la salive d’un corps impuissant.
Il n'en restera plus aucune trace.
Juste un masque déchiré.
Et un autre jour, le même masque.
Juste ça.
Dites moi pourquoi avez-vous choisi neuf rayures horizontales (cinq noires et quatre blanches) brisées près du mât d’un rectangle d’hermine ?
Il se dit du côté de Landerneau que les ducs de Bretagne sont des cadets des comtes de Dreux. En effet, c’est à l’occasion d’un mariage avec Damoiselle Alix de Thouars que l’hermine arriva en Bretagne.
Le carnassier au poil blanc immaculé apporta en Bretagne innocence et pureté. Tout un programme !
Alors me direz vous :
Où sont les fourrures d’hermine caressant les jolis minois et les camails des vénérables ecclésiastiques ?
Qu’en est-il à présent du blanc et de l’association avec du noir, couleurs à part entière ?
Le blanc reste la voie du Sage, de la prudence et de la pureté. C’est la charnière du visible et de l’invisible. Le blanc prend naissance à l’Est dans la clarté de l’aube et vient finir sa course à l’Ouest sur les rivages maritimes où toutes les couleurs du jour s’évanouissent au profit de la nuit.
Quant au noir, c’est la contre - couleur du blanc.
Il se situe, comme le blanc, aux deux extrémités de la gamme chromatique.
Placé sur l’axe Nord - Sud, le noir exprime la chute, la mort du soleil, le silence éternel.
Il est aussi les eaux profondes, les abysses de la grande obscurité gestatrice, le grand réservoir de vie latente où vivent les déesses - mères de la fertilité.
Aujourd’hui, le vent hurle sur la presqu’île de Crozon et le drapeau flotte sous les embruns.
Entendez vous le biniou sous la hampe du Gwen-ha-Du ?
Il s’égaye de bleu, de rouge et de jaune : les couleurs de la VIE.
Ragnarök, recueil de Dana Shishmanian, 94 pages, éditions L’Harmattan, coll. Accent Tonique, avril 2024, Paris, ISBN : 978-2-336-45748-2
Souffrance d’une poétesse face aux mondes d’injustices, de trahisons, d’indifférences, meurtres et conspirations. Voilà ce que suggère dans un premier temps ce brûlot.
Dana Shishmanian, que l’on connaît par ailleurs pour sa courtoisie et son ouverture d’esprit en son site littéraire Francopolis - Francosemailles, monte ici au créneau, fustige les crimes actuels et ceux de l’Histoire, se hérisse, scande sa prose à la verticale, implore Dieu et les dieux. On est dans un indicible Guernica, dans un Cri de Munch, dans un bouleversement des perspectives, des consciences et des cœurs. Comme le dit l’autrice, le poète (…) devient un apprenti chaman aspirant à la maîtrise des éléments et du vol par-dessus les nuages.
C’est à coup de mots, de verbes endiablés, de mises à la ligne surprenantes, de rythmes, de répétitions voulues et dénudées de toute ponctuation, d’incandescences, d’images au goût de sang et de sueur que l’écrivaine exprime sa révolte envers tout système de pouvoir et de cruauté, qu’il soit communiste, capitaliste, théocratique ou même anarchiste. Elle va plus loin dans sa quête : je crois que le politiquement correct déconstruit l’humain et ronge les démocraties tel un ver empoisonné, ce dont les dictatures profitent pour faire de la tradition un nouveau dogme totalitaire.
On est cependant loin d’une démonstration politique, sociologique ou philosophique. Ces mots sont ceux d’un pinceau jeté sur la toile, brûlants d’un feu tout à la fois intérieur, instinctif et profond.
Dans la deuxième partie de ce livre, Shishmanian fait place à une écriture davantage onirique, évoquant Ragnarök, bataille finale dans la mythologie germanique et, en quelque sorte crépuscule des dieux. Ah, chaman, quand tu nous tiens !
Qu’en est-il d’une solution, d’une issue pour notre triste humanité, peut-être ? Je crois que la beauté ne sauvera pas le monde mais, qu’alliée à la vérité, elle peut aider quelques âmes à se sauver du monde.
Mais s’il lit attentivement cette jetée de braises jusqu’à la fin, le lecteur survivant trouvera, malgré tout, des signes d’espérance dans l’un des ultimes textes, Une larme d’amour :
Visage qui es-tu ?
Dans la lumière matricielle , lier, délier l'infinitude de l'invisible avec les mots de l'envers, ceux qui se déploient quand les ourlets sont décousus, mots de l'endroit ceux qui tentent encore, mots réverbères, mots calice pour offertoire interdit donc dit, mots tissés dans les murs du silence, comme ceux du labyrinthe de Dédale, murs aveugles avec l'ambiguïté de cent chemins qui se rompent, s'entrecroisent mais d'où l'on ne revient pas sauf à casser le fil d'Ariane.
Visage aux mots entrelacés, mots foudre.
Visage, je te connais, ne te connais pas, te reconnais, Visage venu, revenu qui êtes-vous ? toi, vous qui habitez précisément là où on n'habite pas ?
Visage des soirs où l'homme est nu dans sa grande déchirure.
Visage qui tire l'aube de la nuit comme la femme tire l'eau du puits à Samarie
Visage, ton visage, votre visage, lié délié, relié dans l'épaisseur des murs de vent, visage couturé,
Visage, votre visage né d'une histoire qui porte encore le sel des antiques marées, visage qui s'origine en créant dans le souffle-soufre de la page avant que temps ne s'efface et t'efface,
Visage inscrit dans la sinuosité de la chair, visage, vôtre, mien, hiéroglyphes sur le chemin où il n'y a pas de chemin.
Tourbillon, valse lente à l'envers, à l'endroit qui taille les corps jusqu'à la moelle, pas de deux sans pas.
Visage, il neige sur la lisière de votre hanche, le grésil a froid.
Chaque dimanche ailé d’avril
la cloche incertaine du bourg
les voix des jeunes châtelaines
chantaient l’antienne des garrigues
laissée pour morte avant saison
mais revenant docile et calme
nimbée de ses blasons rustiques
L’impatience des vignes vierges
les enfourchements d’aubépine
le pré carré des sauges pourpre
longue et plurielle acclamation
s’étiraient au long des masures
loin des riches gentilhommières
et des vergers de bon aloi.
Chaque dimanche ailé d’avril
semait comme un déni d’alpage
un tendre refus d’ailleurs
avant l’ancienne migration
vers une estive hospitalière
prête à chasser les réticences
des troupeaux et des chevriers
Demain la grande solitude
attend les marcheurs du printemps
vieux coutumiers de l’herbe fraîche
pour la croisade vers les cimes
avec les grelots titubants
de leurs moutonnants pélerins
faisant d’un autre Compostelle
une promesse d’infini
Étrange douleur de l’amour
qui serre, puis brise le cœur
Jeunes fougères aux pousses tendres
nées de la douceur de mai
écrasées sous mes pieds
Sur le sentier au bord du volcan
la liberté sent le soufre
Soulevée par le vent
la feuille montre ses dessous
nervures délicates
vertes et soyeuses
réseau de veines qui court au cœur
couleur indicible
de douceur tendre et vive
L’amour se cache là et ne dit plus rien
Parfois glisse son ombre
Pour le trouver, pourquoi le chercher
c’est lui qui choisit, un jour, une nuit
s’il veut bien
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...