La poésie a un certain don d’ubiquité, elle se dédouble, devient multiforme, elle s’invite, s’infiltre un peu partout, elle trouve même une place privilégiée dans les milieux carcéraux où sa signification réelle a sans doute beaucoup plus raisons qu’ailleurs, d’ampleur également car ici elle libère un cri trop souvent refoulé, en vue sans doute de retrouver une place dans la société. Puisse-telle relever la tête, reprendre confiance et croire encore en l’espoir.
Michel Bénard.
Ce poème d’un détenu que nous nommerons A.D a reçu l’autorisation d’être publié, par l’administration pénitentiaire et son accompagnant, au terme de nombreuses démarches,
J’appelle
J’appelle à plein regard la fureur d’une larme
sur la joue de l’enfant
qui va mourir de faim…
J’appelle à pleins poumons le silence des mots
de ces hommes marchant
le mensonge à la main…
J’appelle à plein espoir le miracle de paix
que le choc des mitrailles
occulte au creux des jours.
J’appelle à plein délire mes rêves de bonheur
que le vouloir humain
brise dans mes tourments.
J’appelle à plein amour la grâce souveraine
qui fait de toi la reine
aux heures de désespoir…
J’appelle à plein coeur un unique sourire
sur le visage hideux
de la foule en délire…
J’appelle le monde de ma lèvre meurtrie
afin qu’on entende ma prière,
ultime soubresaut…
J’appelle pour toucher la sensibilité du monde
mais le monde
me dit tais-toi…
Vibratile l’instant
qui instaure l’amour
quand il s’éprend muet
d’une icône de chair
De chair, mais le sait-il ?
Il se suffit de digitales
il se suffit d’épervières
et d’un bout de robe échancré
dans les causses vampirisés
entre les rudes pieds de vigne
Le silence est troué d’abeilles
Jamais ne revivront les gages
déjà donnés par d’autres noeuds
Le pays perd de sa superbe
renonce devant ta splendeur
pour s’en aller plus loin enfin
régner en maître
Les mains s’enflent de plénitude
au jeu des caresses du vent
Ton corps enfin se désaltère
à la fraîcheur des arbousiers
et là soudain tu t’abandonnes
insoupçonnée charnelle
le visage à l’aune de gestes
de ta séminale beauté
moi dépoitraillée, moi dotée de sombres ailes
Je suis la Mémoire
et je consigne, monstre infâme, mangeur d'enfants,
dans mes annales des enfers de flammes,
car je n'oublie ni la Chute de ROME ni Treblinka,
ni les serpents d'Éden, ni la Saint Barthélémy.
Vieux méchant rouge comme loup affamé
agrippé à ta faux dentelée de janvier, la gueule
gluante de sang,
au moins tu peux me servir, valet odieux,
de support à mon plateau et à mon stylet
qui grave tes horreurs, tes misères, -Temps
bestial et meurtrier.
Oui, moi, dépoitraillée et même défaite jusqu'au nombril
grasse et pleine de bracelets à un euro d'or
je m'attache à rapporter par le menu toutes les affaires
de blanchiment d'argent,
les assassinats légaux et les empoisonnements d'abeilles,
Vieux méchant, - que la fortune et sa corne d'abondance
oublient ton existence, toi, l'horrible, un bras d'enfant
dans ta gueule de dragon ;
tes mains abjectes découpent la viande vierge pure
et ce toujours plus de sang nous fait dire :
« Ah, comme le temps passe... »
Moi, je suis l'Histoire, je suis l'Histoire inventée
par les hommes de bon sens,
par les Michelet, les Hérodote et les Césars divins,
et tout sera consigné, vieux Temps mauvais,
de tes camps d'extermination et de tes prisons
internationales aux tortures muettes.
Toutes les bombes, tous les avions explosés en plein vol,
toutes les escarmouches mortifères avec les fous tribaux,
tous les parricides, -toute la saleté du monde sera gravée
sur cuivre.
Car je suis la Mémoire du Monde,
celle que l'on dit universelle.
Découverte en l’appel flegmatique
Te parler dans le silence du regard
Et dans l’abandon de tout superflu te convier
Charme des chairs altières
Attrait des errances vestibulaires
L’air est au plaire mais aussi au leurre
Sou(s)-rire au pire à venir
Le port fièrement désinvolte mais cependant feint
Noires prunelles belles et pourtant obscures
Énigmatique posture prête à la morsure
Te fasciner par l’attente patiente et ne plus te lâcher
Pour t’emporter aux pays mystérieux
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...