La scène est soudain balayée de lumières de couleurs agressives, fluo. Durant ces flashes, par l'autre côté des coulisses arrive Dogre. Il s'assied au bout du banc et se met à jouer sur un harmonica. Arrive le père, d'un pas lourd. Il s'affale à côté de Dogre, se couche, recroquevillé, et tourné vers le public ; il ferme les yeux. Entre Aimée par l'autre côté des coulisses. Elle tient un carnet de croquis. Les flashes s'arrêtent.
Aimée :
Je vais dessiner les mendiants de la ville. Ils retrouveront leur dignité. (À Dogre :) Voulez-vous poser pour moi ?
Dogre(Il arrête de jouer, baisse son harmonica, rigole) :
Entre artistes, il faut s'entraider !
Aimée : Continuez de jouer... Restez naturel...
Dogre place l'harmonica devant sa bouche, mais ne joue pas. Il pose. Le père ouvre un œil.
Le père(D'une voix lasse qui se veut ironique) :
Naturel ? Naturelle misère ? Pas contagieuse au bout de ton crayon, fillette !
Le père se tourne vers les maisons, se rendort. Aimée a soudain l'air abattu, mais Dogre cligne comiquement les yeux, lui fait un signe de tête approbateur et joue sa musique. Aimée, encouragée, le dessine avec zèle. Elle a terminé.
Aimée : Merci !
Dogre : C'est moi qui vous dis merci !
Aimée sourit, lui glisse discrètement quelque chose dans la main, et quitte la scène par les coulisses. Le père s'assied lourdement.
Le père(À Dogre) :
À votre place, j'aurais refusé. Profiter de notre misère !
Dogre : J'ai donné et j'ai reçu !
Dogre se lève, quitte la scène par les coulisses.
Le père : Reçu ? Donné ?
Intrigué, il quitte la scène à son tour. De l'autre côté des coulisses, arrive la mère.
Ô Rêve
plus éphémère que la vie
tu dessines
le premier geste des anges
que nous traversons
aveugles et solitaires
telle une image
qui n'existe pas
mais d'un souffle
tu nous offres
l'enchantement
au milieu des ténèbres...
Une fois n’est pas coutume, je publie ce jour un texte de réflexion signé de Jeanne Champel Grenier que nous aurions intérêt à prendre au sérieux au moment où une canicule sévère nous frappe. C’est un avertissement, pas sans frais, hélas ! Il est grand temps de nous réveiller ! (Jean Dornac)
Par ce vide inexorable des campagnes et l'attirance tentaculaire des villes, une béance est née et ne peut que s'étendre : la terre et ses beautés naturelles, simples, offertes, ne touchent plus l'homme dans son enfance. La plupart des naissances ont lieu dans les cités loin de toute véritable nature sauvage. Il y a là un manque vertigineux inconnu et dont on n'est pas conscient dans lequel s'engouffrent de multiples quêtes qui mènent jusqu'aux paradis artificiels.
Semé ailleurs qu'au sein de la nature vivante, de ses couleurs changeant avec les saisons, de ses parfums, de ses attentes, de ses surprises qui interrogent, le petit de l'homme ne grandira que pétri de manques inconnus ; et même les revers de la vie n'en seront que plus graves : « Plus je me plante, et plus je pousse » dit Erik Orsenna avec son sens de l'humour enraciné dans l'expérience.
Sans vouloir philosopher, ni donner de leçon , quelqu'un qui a vécu dans son enfance, d'abord à la campagne et ensuite à la ville, peut parler de ce sentiment de véritable appartenance à la terre, à la vraie vie. Pour des milliards d'autres, ce sera le béton partout à l'horizon ; ce qui n'empêchera pas certains esprits ouverts de chercher à abattre les murailles de tous ordres.
Un frémissement ''écologique'' permet de voir s'ériger des murs végétaux, des jardins sur les toits, des bacs de plantes sur les balcons, mais c'est bien loin de ce dont a besoin l'homme pour ouvrir son coeur et se sentir responsable de ce qui l'entoure : la sècheresse, les feux de forêt, les eaux polluées...puisque tout cela ne lui appartient pas, cela ne le concerne pas.
Comment s'ouvrir aux autres si on ne s'est pas ouvert à la vie au profond de soi dès les premiers pas ? En notre enfance, il y a t-il du fond, une île, des arbres pour s'adosser un instant de doute ; y a t-il une plage où jeter quelques cailloux et entendre le ricochet, y a t-il des racines solides qui permettent de tenter la profondeur de cet ailleurs qui abrite les autres ?
Hélas, bien trop souvent, dans l'espoir légitime des adultes qui espèrent se forger une vie hors de la misère, le petit de l'homme n'a rien connu de la vraie nature. Il a vécu loin de tout ce qui nourrit la vie. Il semblerait que l'extrême erreur concernant le rapport humanité / nature se situe en Chine où la politique obtuse a transformé la terre verdoyante que peignaient les artistes d'estampes en pays totalement bétonné et pollué que l'on n'a plus envie d'aller visiter. Mais restons positifs, rien n'est perdu : « Nous sommes venus par des chemins perdus à la beauté » dit le poète Jean Pierre Siméon. L'espoir est une plante qui nécessite très peu d'eau, l'espoir ne meurt pas.
C'est à l'école qu'il faut mettre en contact les enfants dès le plus jeune âge avec la terre, la vraie, et tout ce qui vit grâce à elle ; j'ai le souvenir d'un élève qui, voyant dans un coin du jardin de l'école, du persil à huit heures du matin tout droit et vers quatre heures, couché dans un bac, s'est exclamé : « Maîtresse, il dort le persil ! » Ressuscité avec une lampée d'eau fraîche, le persil s'est redressé.
Il était grand temps d'expliquer que les plantes apprivoisées ont besoin de nous, mais bien moins que ce que nous avons besoin d'elles ! Pensons-y, car sans cela, c'est bien nous qui risquons de ne pas dormir...ou du moins, ferons de très mauvais rêve !
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...