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Les âmes s’en vont côte à côte et pourtant étrangères.
Dans la ville dévastée où tout vacille à contretemps
Un bémol s’obstine à obscurcir la flamboyance insolente des rires en cascade
Les orphelins du bonheur débarquent au port, lavés de tout espoir
La machine à broyer la joie ouvre sa gueule puante afin de recevoir l’empreinte de ces âmes en mal de jumelage.
Le voyage terminé, ils se sont trompés de gare
Ici tout s’estompe jusqu'à l’angoisse
Pas un geste d’amitié, pas un effleurement
S’absente l’amour
L’angoisse tisse sa toile autour de ces visages en pointillés marqués par les maux de l’âme amputée d’unions même
saisonnières
Oui, elle se souvient encore comme si c’était hier ou plutôt aujourd’hui
Elle, lui sur la place par l’amour désertée
Lui, oubliant jusqu’au clin d’œil au moment d’éternité
Elle croyant encore à la complicité retrouvée
Non loin, la fenêtre ouverte bée sur la montagne ou s’exile la pleine lune dont la face ruisselle des stries dévastatrices d’une
pluie d’illusions perdues
Les amants ou ce qui y ressemble s’amusent à jouer à s’aimer
Deux visages se grimant de silence, de peur et de demi-vérité
Elle se veut la source au printemps des amours renouvelées.
Lui ne connait plus de saisons que l’illusion d’une conquête d’été.
Le froid a emporté sa foi
Eux ce n’est plus deux mais la solitude jusqu’au moindre gémissement de leur contre-chant cascadant des « miserere » striant les
empreintes de l’âme
Elle, la chevelure en éventail, le corps modulé de désirs, devient navire, océan, à la fois captive et conquérante des gréements
et de la vague
Lui, phallus vengeur, bourlingue en terre étrangère son seul geste d’intimité et reçoit l’orgasme femelle, tel hommage a sa
virilité
Les mots d’amour dérivent, hoquètent et se taisent, naufragés du bégaiement de l’angoisse
Un amour se noie dans la jouissance devenue stérile et pleure son pareil attiré par le sifflement des mirages aux illusions
submergées de sable
Elle sait qu’il va faire nuit dans l’aube impalpable ou le coït terminé, les corps se séparent à nouveau étrangers
Une note enclavée dans le tumulte des émotions contraires hoquète sa démesure dans le courant-d’air
Sur le lecteur de disque John Hendricks fait des vocalises
Elle croit entendre claquer le fouet aveugle du néant dans l’embouchure de leur luxure
Il ne reste plus à quai que le mâle fonceur, dérivant les replis d’un antre dévasté
C’est l’agonie d’un amour qui n’arrête pas de mourir
Elle, devenue femme de passage, plie le bagage de ses attentes muettes
Lui, tourne le dos, avec pour seul aveu, un pantalon accordéonant sa mollesse le long de deux cuisses musclées maquillées de la
fragmentation d’une semence mort-née
Dans l’ombre, l’âme endolorie étreint l’inconstance du vent ou l’amour joue encore à se croire vivant
Sur la ville défigurée, la pleine lune pleure des larmes rougeoyant de son sang la source engorgée des vomissures de cet amour
qui emporte avec lui jusqu’au cri de mon plaisir
© Marie-Alice Theard
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