je te vois encore marcher légèrement
comme au-dessus de la terre,
tu arpentais l'air…
j’aurais voulu suivre,
exactement le même chemin que toi, la même trace,
mais je ne pouvais qu'à peine respirer en marchant
des enchantements dépouillés d’épouvantes…
je savais que tu allais venir,
comme si on sait que la sagesse de la terre allait passer,
et on se range de côté, le souffle coupé
pour ne pas bouger même pas de ta pensée
l’immobilité ou l’auréole de lumière,
mais je n’y pouvais rien,
j’ai voulu cueillir au moins une goutte de bleu au zénith,
des sons extatiques, limpides,
une lumière qui ruisselle sur tes paupières
tel un tremblement de rayons qui se heurtent l’un à l’autre
tels deux cœurs qui se confondent
ainsi m’as-tu envahi
et tu t’en es allé…
je te cherche encore parfois, balayant l’air,
en regardant, du coin de l’œil de mon cœur,
la lumière qui s’en va et des sons si limpides
dans mon cœur réverbèrent, dans un rythme sans fin…
Après je suis allé voir le grand magasin, « Goum », qui fait face au tombeau de Lénine et, derrière lui, au Kremlin. Profusion de richesses, déferlement de produits manufacturés principalement importés ; les grandes marques internationales sont là avec leurs vitrines alléchantes et aucun prix affiché. Qui aurait le culot de demander le prix ici ? Quel provincial médocain irait acheter quelque chose dans ces magasins de luxe. Richesse, luxe et pouvoir : face à cette immense accumulation de richesses vestimentaires, le pouvoir veille, le pouvoir surveille. Pas de vague, pas de remous, « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, / luxe, calme et volupté » ! Les mots de Baudelaire ont toujours résonné en moi depuis l’école mais ici « l’ordre » c’est celui du KGB (1), de l’ordre pour permettre à la beauté des richesses de proliférer.
Ce n’est pas pour moi cet ordre qui privilégie les riches, qui bannit les pauvres, qui espionne continuellement et tue ses opposants. Que faire avec un Poutine qui n’a appris qu’à se défendre et attaquer ? Petit espion judoka devenu grand chef de clan grâce aux passe-droits et ententes en tous genres. Main de fer dans un gant de fer même pas recouvert d’un peu de velours. Décisions à appliquer sans délai, révocations pour insoumission, prisons pleines de prisonniers d’opinions, disparitions inexpliquées, meurtres en tous genres et en tous lieux : du centre de Moscou (2) à la Grande-Bretagne (3) ! Partout ! Pour tous ceux qui n’écoutent pas, qui ne l’écoutent pas !
Le Tsar règne sur son peuple qui se soigne à la vodka ou au « samogon » ! Le concierge de mon hôtel, qui parlait étrangement bien le français, m’a expliqué que les russes distillent eux-mêmes leur alcool ; c’est ce que veut dire « samogon » : « bouilli par soi-même ». Alors, il m’a dit : « Souvent ça marche et parfois tu t’en relèves pas ! » Et pendant ce temps le dernier Petit Père des Peuples en date règne ; contre tout ennemi il règne ; il décide et fait exécuter…, pendre…, noyer…, empoisonner… Et le grand peuple obéit ; il obéit car c’est le chef, il a le pouvoir, il doit être respecté. Un jour, sans doute, on le tuera comme la famille royale, en 1918, comme les opposants communistes, comme ceux qui ne sentent pas le vent tourner, comme Raspoutine et autres Trotski, anarchistes ou mencheviks.
Je pars ! J’ai visité un peu la ville aussi. C’est lourd, c’est grand, c’est m’as-tu-vu, c’est, comme à Paris, les riches au milieu les pauvres ailleurs, c’est absolument pas pour moi. C’est une ville tout en muscles avec des flics visibles ou virtuels à chaque coin de rue. Fuir ! Mais avant ça, j’ai des cartes postales à envoyer ; le collectionneur que je suis ne peut s’en empêcher. Pour la petite histoire, j’ai trouvé une carte de Basile le Bienheureux enneigé. C’est fabuleux ! C’est tout blanc et comme le ciel est à la neige, il est blanchâtre lui aussi ; reste le bas des bulbes dont la couleur ressort sous un dôme recouvert de neige. Seuls quelques rares arbres sans feuille au bas de l’église et la barrière du trottoir apportent une couleur noire à ce paysage hivernal. Fuir ! Quoi qu’il en soit fuir ! Partir et ne plus revenir.
(1) Le KGB, soit « Comité pour la Sécurité de l’État », est le service soviétique de surveillance extérieure et intérieure. Redouté de tout citoyen russe, le KGB est l’artisan de toutes les opérations de police politique. Vladimir Poutine a été agent du KGB. En 1991, ce service a été remplacé, au sein de la Fédération de Russie, par le FSB, « Service Fédéral de Sécurité ».
(2) Boris Efimovitch Nemtsov, homme politique et opposant notoire à Vladimir Poutine, est assassiné de quatre balles tirées d’une voiture, dans la nuit du 27 au 28 février 2015 en plein centre de Moscou, à quelques pas du Kremlin, alors qu'il se promenait avec sa compagne.
(3) Sergeï Viktorovitch Skripal, ancien agent double russe, et sa fille Yulia ont été la cible d’un empoisonnement chimique à Salisbury en Grande-Bretagne, en mars 2018, après que des agents russes ont enduit de Novichok, produit chimique mortel, la poignée de leur porte d’entrée.
Extrait du roman « Basile n’est pas heureux » (écrit début 2021) à paraître aux éditions Stellamaris.
Sur le disque dansait La Manon de Massenet, un amour de la peinture et de la volupté.
Tout autour des hanches de La Danseuse indienne de van Dongen, les couleurs tournaient, tournaient : Sublime patine fauve qui garde le chef-d’œuvre de vieillir.
Le soir descendait, vermeil comme un ciel étrusque.
Il me semblait entendre sa voix aux accents incandescents.
Tandis que l’heure mystérieuse se drapait d’une tunique pourpre, elle apparut dans un vêtement de soie écarlate, ajouré aux vingt-deux endroits du corps où la chair est vulnérable.
Au miroir de la lune, elle s’offrait telle la page fleurie d’un conte d’Orient.
Attentive au murmure de la nature,
J’arpente la voie des signes
En cueillant sous l’olivier
Les fruits de la paix sacrifiée,
Là où croît la vigne sauvage.
L’oiseau de poésie guide mes pas
Vers le chœur de ma cathédrale
Qui confie ses vertes ramures
À la roue solaire naissante.
Sous la voûte de la croisée ombrée
Je rassemble les feuilles sacrées
Des mots sources
Posées sur la margelle
D’une fontaine abandonnée.
Les libellules apaisées
Effleurent par myriades
Les timides colombines,
Cortège de mon amie l’hirondelle
Qui salue la clarté embrasant
Les symboles arborescents
De l’alphabet céleste.
Une force nouvelle
Pénètre en mon âme,
Me faisant oublier
Le lent exode des abeilles,
Et croire encore
Aux promesses d’aubes fraternelles.
Un pigeon n’est pas seulement un oiseau
qui roucoule sur le toit des maisons
ou sur le bord d’un mur,
c’est aussi un gracieux messager
qui voyage entre deux volières
pour délivrer un courrier souvent essentiel
ou devenir lauréat d’un championnat
tout en essayant d’éviter les miroirs aux alouettes
parfois dressés sur son parcours.
Il n’a guère le loisir de bayer aux corneilles.
Pareil pour l’hirondelle
qui, en jouant son rôle habituel,
dépasse largement son statut
en annonçant le printemps.
Sans parler de la légendaire cigogne
à qui l’on attribuerait la livraison
de bébés à domicile.
Le monde entier est peut-être entouré de vautours,
par contre un nombre important d’autres volatiles
a toujours été présent à nos côtés
et fait le nécessaire
pour le rendre plus chouette !
L’humain
s’il était sage
l’humain
serait rebelle
et dirait aux chefs
qui ne sont tels
que parce qu’il le veut bien
« Allez tout seuls
faire les guerres
qui vous tentent
Avec votre corps
avec votre vie
avec votre mort »
Et il n’y aurait plus de guerre
que tout au plus quelques duels
Mais l’humain se soumet
aux chefs qui ne sont tels
que parce qu’il le veut bien
Et depuis des millénaires
la dictature et la guerre
perdurent de par le monde
* * * * * * * *
traductions de Béatrice Gaudy
L’uman
se fugues sage
l’uman
sirio recel
e dirait aû capa
que ne soun tau
qui percé o fou vous be
« Ana tou sou
fa la guerra
que vous tenten
Em votre cors
em votro vido
em votro mort »
soulamen quauquei duel
Ma l’uman se soumet
aû capa que ne soun tau
que percé o fou fou be
E dempuei dan milenâri
le ditaturo e lo guerre
perduren per lou mounde
Depuis l’ère des brumes ténébreuses,
La lumière créatrice est venue.
Des continents surgis des Abysses,
Dans l’âme et le cœur des hommes,
On a chanté les dieux, la nature
Créé le beau
Partagé des langages
Interrogé les consciences
Pensé avoir vaincu la misère,
Appris la solidarité, le partage
Honoré les beautés nouvelles de la vie
Vomi sur les horreurs de la guerre
Honni l’intolérance
Glorifié la connaissance
Depuis l’ère des brumes ténébreuses,
La lumière créatrice est venue.
On a réinventé les sciences
Pensé faire tomber les murs de l’indifférence
Eloigné l’heure du repos éternel,
Mais la folie des hommes est toujours là,
Vigilante, venin des cœurs,
L’intégrisme prospère
Soif d’Avoir, recherchée plus que d’Être.
Le Veau d’Or, toujours debout
Chasse la sérénité, l’espoir,
Fait de nouveaux esclaves
De nouveaux ravages
Depuis l’ère des brumes ténébreuses,
La lumière créatrice était venue,
Tout a été dit, ciselé,
Mis en couleurs, en musiques
Doit-on laisser l’archet, la plume,
La gouge, le ciseau, le pinceau ? Que reste-t-il à inventer,
A dessiner, à mettre sur portée,
Connaissances pour l’Autre
Richesses de la diversité,
Pour voir se lever l’Astre de Paix?
Orgueil, vanité que
Questions se poser ?
Résister, debout, est promesse d’avenir.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...