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30 octobre 2023 1 30 /10 /octobre /2023 05:20

               
 
 
 
 

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29 octobre 2023 7 29 /10 /octobre /2023 07:32

 

 

Déjà la croisière capiteuse

des ramiers lasse l’acacia

 

L’arbre doit se défaire

de sa boulimie d’oiseaux

quand se flétrissent les fleurs.

 

Chaque corolle ouverte a livré

un trésor de sève, s’en est fatiguée

Sa robe profanée gît au sol.

 

Toute orgie apaisée,

que reste-t-il à l’escadre

de bourdons aspirant au relais ?

 

L’insecte devra-t-il se contenter de restes?

Mai est ce contrebandier pillant calles

et secrets des « galères capitanes » *

 

Délesté de panache désormais inutile

à la sobre nature, l’arbre mieux s’y fond.

En guise de jouir lui demeurent

quelques feuilles rutilant après pluies

 

Pas de dimanche sans soleil

 

* Victor Hugo

 

 

©Jeannine DION-GUERIN                
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 06:38

Photo Ellen Renneboog©

 

La poésie n’est pas une catharsis
C’est l’action d’extraire un diamant
Après un long parcours de cristallisation.

 

©Ellen Renneboog
Extrait du recueil « Poèmes pour P. » disponible chez Amazon.                                       
 
 

 

 

 

 

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27 octobre 2023 5 27 /10 /octobre /2023 06:34

à Robert Simonnet, ingénieur et psychologue breton,

                                                                                 dans le souvenir de Denise Simonnet-Guyot

                                                                            psychologue et  grande résistante 1940 - 1945

 

 

Charles Lindbergh et la naissance d’une collaboration

                                   

C’est en 1930 que Carrel est approché par Charles Lindbergh, le célébrissime aviateur de la première traversée de l’Atlantique, les 20 et 21 mai 1927. C’est que le héros du ciel est marié depuis l’année précédente avec Anne-Spencer Morrow, la fille de l’ambassadeur US au Mexique, dont la sœur souffre d’une pathologie cardiaque sans issue et pour laquelle Lindbergh espère avoir trouvé le sauveur potentiel. La démarche est donc généreuse envers celle, brillante aînée, qu’avait apparemment supplanté sa cadette Anne, poétesse à ses heures et bientôt pilote affranchie à son tour. Cette belle-sœur de l’aviateur décèdera finalement en 1943.

Quand Lindbergh constata combien rudimentaire était le modèle de pompe à perfusion de Carrel, qu’on assimila un peu vite à un cœur artificiel, il s’offrit à en perfectionner le prototype. La collaboration proprement dite deviendra effective en 1931 : une association improbable, comme l’ont qualifiée bien des commentateurs, en oubliant trop souvent d’y ajouter féconde et profondément humaine.

Car on connaît la terrible épreuve morale traversée par les Lindbergh en mars 1932 lorsque leur premier fils, âgé d’à peine quelques mois, se fera kidnapper par un sinistre personnage s’en prenant à la fortune (dans toutes les acceptions de ce mot) du héros de l’aviation ! L’enfant sera retrouvé mort deux mois plus tard. Cet épisode laisse le couple désemparé et écoeuré au point de les pousser à quitter l’Amérique pour Londres. C’est de cette façon que les Lindbergh seront accueillis, dès la fin de l’année, à Saint-Gildas, en recherche d’estime et d’objectifs réparateurs. Ils y seront reçus encore bien des fois, en 1936 et 1937, alors qu’une collaboration scientifique étroite se sera instaurée, aboutissant à la fameuse « pompe à perfusion » de Nième génération, qui était une étape dans la perspective de possibles transplantations d’organes ; aboutissant en outre à la publication plus tardive du livre, écrit en commun, La culture des organes (1938). Difficile, par conséquent, de complètement séparer l’évocation des protagonistes en présence, tant leurs liens en Bretagne et aux USA se confondent désormais. C’est en 1938 également que Lindbergh acquiert à son tour la petite île d’Illiec, toute voisine de Saint-Gildas, à dix minutes de bateau (**).                                                  

A la veille de l’entrée en Guerre des Etats-Unis, Lindbergh défend âprement le maintien hors conflit de son pays en tant que leader du comité « America first », un slogan bien antérieur à Donald Trump comme on le voit.

Il s’impose, à ce stade, de citer quelques rétroactes pour éclairer certaines prises de position.

Invité par son gouvernement à se rendre en Allemagne pour rendre compte de la puissance de la Luftwaffe, Lindbergh avait rencontré Willy Messerschmitt et son âme de pilote s’en trouva fascinée au point de prendre le pas sur son sens critique et sa moralité politiques. Ayant été décoré par Göring en personne en 1936, il refusera, cinq ans plus tard, de renvoyer, comme l’ordonnait Roosevelt, cette « médaille de la honte », en fait celle de l’Ordre de l’Aigle allemand. Pour comble, Lindbergh préféra renoncer à son grade de colonel de l’US Army.

Toutefois, à la suite de l’attaque de Pearl Harbor, Il modifiera totalement son point de vue en accomplissant en six mois, mais à titre civil, une cinquantaine de missions.  Les pilotes de l’USAF (United States Air Force) et des US Marines saluent dès lors son engagement au combat et son patriotisme ; il se voit réhabilité dans l’armée comme général de brigade. Sa visite, en juin 1945, du camp de concentration de Dora qui recèle en souterrain les ateliers de fabrication des V2, aura achevé de remodeler ses convictions à propos d’Hitler qu’il avait qualifié de « grand homme ». A présent, il dira tout haut son dégoût de voir une humanité atteindre un tel degré d’abaissement.

Après la guerre, il sera consultant auprès des constructeurs aéronautiques mais prendra à nouveau ses distances par rapport aux vols supersoniques, jugés trop destructeurs. Il en viendra même à douter de l’utilité de l’aviation face au devoir de conservation de la nature et des populations primitives pour laquelle il milite toujours davantage. Il connaîtra, en 1968, le lancement d’Apollo 8 depuis le cap Kennedy, toujours aussi passionné de techniques de pointe bien comprises.

Lindbergh achèvera sa destinée tumultueuse, et qui le fut aussi au plan affectif, en choisissant à nouveau une île, celle de Maui (Hawaï), pour sa résidence qui sera aussi sa dernière, en 1974.

 

Des conceptions socio-politiques partagées

 

Autant l’idéologie de l’Arcouest pouvait être gauchisante, athée, antiraciste, dreyfusarde, autant l’entente entre les deux collaborateurs présents régulièrement au large (si large il y a !) de Penvénan les aura dirigés vers des conceptions de droite et même d’extrême droite, teintée parfois de convictions héritées d’une foi austère insufflée dans l’enfance, et très comparable pour nos deux bretons d’adoption.

L’orientation politique commune mènera sans doute à un renforcement de l’amitié mais donc aussi à quelques outrances dont les traces ont, malheureusement, entaché les deux carrières en dépit du redressement héroïque mais tardif des attitudes de chacun face aux thèses nationales-socialistes. Ce sujet demande une analyse approfondie mais nous n’en citons que d’infimes éléments en vue de profiler les sources de la mésestime radicale qui s’est attachée peu à peu aux noms des deux personnalités.

Ces deux figures majeures du XXe siècle, déjà si exceptionnellement réunies malgré des compétences à première vue très éloignées, se retrouvèrent ainsi de par leurs conceptions philosophiques hasardeuses mais heureusement reniées au gré de leurs errements et des souffrances de fin de vie. Il serait bienvenu, à cet égard, d’adopter à notre tour le regard bienveillant qui est celui du Père, pour lequel on ne tombe jamais si bas qu’on ne puisse se relever de ses écarts, et ceux-ci furent à l’image de leur gloire, intense et semeuse d’indignation. Or, Carrel fut pour Lindbergh ce père, cette fois sans majuscule, dont la disparition le laissa dévasté et dont il se jura de rétablir les mérites aussi longtemps qu’il lui survivrait ; sans doute ce combat avait-il valeur de rédemption pour lui-même, mais on ne saurait pour autant déprécier cette croisade pour l’absent qui motiva ce héros si différent de son Mentor. L’avenir emboîtera-t-il généreusement le pas à cette double réhabilitation, en se souvenant de ne pas piétiner le bon grain qui demeure sous l’ivraie ?

                                                    

Un passé définitivement révolu ?

 

Pour fugitifs qu’aient été les séjours passés par tous ces Prix Nobel et autres savants en Bretagne, ils furent en soi révélateurs des pages essentielles de l’histoire du début du XXe siècle. Certes, ce fait-divers n’impressionne plus beaucoup les foules, à bien des années de distance, et ne rivalisera pas avec l’aura des héros, réels ou fictifs, que campe notre actualité à grand renfort de scoops assourdissants. C’est que la côte bretonne offrait précisément cette retraite hautement bénéfique, voire mystique, à la méditation et à la contemplation que nous appelons désormais tous de nos vœux pour la planète et ses survivants: et à cet égard comme à tant d’autres, ces résidents d’un genre unique furent en avance, ô combien, sur notre temps.

                                              ------------------------  

 

 (*) A propos de religion, d’ailleurs, on ne saurait passer sous silence l’épisode du voyage à Lourdes (1902) où le Dr Carrel accompagne un contingent de pélerins en tant que médecin, nullement en tant que croyant : il a renoncé à la foi depuis des années. Il est frappé par le cas d’une malade condamnée, scientifiquement parlant, par une péritonite tuberculeuse, et en phase terminale. Devant sa guérison qui interviendra cependant, le jeune médecin reconnaît devoir s’incliner comme il s’y était engagé face à l’hypothèse de ce qu’il fallait bien appeler un miracle : ce sera le retour à la foi.

(**) un « caillou » qui avait appartenu au musicien Ambroise Thomas, l’auteur de Mignon, l’opéra qui fut composé en ces lieux, que les nouveaux occupants écoutaient, dit-on, avec ravissement.

(***) L’article très fouillé d’Etienne Lepicard (Histoire des Sciences médicales, XLVI, n° 1, 1912) attribue une bonne part du succès de l’ouvrage au contexte historique déterminant au fond la lecture et la réceptivité d’un écrit : il souhaite que soient reconstitués les horizons d’attente qui ont vu naître une œuvre aux fins d’en évaluer la conformité ou l’écart par rapport aux normes instituées. Citant pour référence la théorie de la réception appelée « response theory » de H. R. Jauss, il préconise la comparaison de diverses lectures. De fait, la perception que nous avons actuellement peut différer très sensiblement de celle prévalant dans certains milieux de l’époque. Cette analyse permet de proposer de voir dans l’Homme, cet inconnu, « une réponse élitiste, savante, à la crise économique » des années 1930. Or, pareil essai d’objectivation des jugements émane méritoirement d’un membre (médecin, historien) du comité de bioéthique de l’Université hébraïque de Jérusalem, quand on sait les tendances antisémites dont a fait preuve le Dr Carrel.

Un article bien antérieur, écrit peu après le décès de Carrel, par le Dr Spaey dans la Revue Nouvelle, indique sagement « nous ne jugerons pas les raisons qui ont poussé un homme de Science à sortir du cadre qu’il s’était tracé, pour jouer, à une époque troublée, un rôle dans la vie publique ; néanmoins, il est plus qu’étonnant de lire qu’ « il attend d’une eugénique, hélas très matérielle, la rénovation morale et sociale de nos sociétés » et de passer sous silence le souhait d’élimination pure et simple des criminels, voire des individus susceptibles de nuisance du fait de déséquilibre mental.

 

Références

Drouard A., Alexis Carrel (1873-1944). De la mémoire à l’histoire. L’Harmattan, Paris, 1995.

Hertog S., Anne Morrow Lindbergh - her life First Anchor Books Ed., nov 2000

Jauss H.R., Pour une Esthétique de la réception, Gallimard, Paris 1990.https://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/12/22/21752-longue-marche-lassistance-cardiaque

Launet Ed., Sorbonne Plage, Ed. Stock, Paris 2016

Lepicard E., Une réponse bio-médicale à la crise des années 1930 : La construction de L’homme, cet  Inconnu d’Alexis Carrel. Thèse de Ph. D. Université hébraïque de Jérusalem, 2002 (en hébreu).

Lepicard E., La première réception de L’homme, cet inconnu, d’Alexis Carrel, Histoire des Sciences médicales, XLVI, n° 1, 1912.

Mallinin T.I., Remembering Alexis Carrel and Charles Lindbergh, Texas Heart Inst. J., 23 (1), 1996

Marck B., Lindbergh l’ange noir, L’Archipel, 2006

Soupault R., Alexis Carrel, 1873-1944, Les sept Couleurs, Paris, 1972

 


©Pierre Guérande


       
 
             

 

 

 

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25 octobre 2023 3 25 /10 /octobre /2023 09:45

                                                                     à Robert Simonnet, ingénieur et psychologue breton,

                                                                                 dans le souvenir de Denise Simonnet-Guyot

                                                                            psychologue et  grande résistante 1940 - 1945

 

Noirs horizons et granit rose : les Prix Nobel en Côte d’Armor

Bien que la population locale semble l’avoir largement oublié, et bien que le tourisme n’y prête pas attention, il n’est pas indifférent d’évoquer le fait que les côtes bretonnes, et plus précisément la Côte de granit rose, furent au début du XXe siècle le lieu de rendez-vous des savants les plus éminents, en tête desquels ont figuré plusieurs prix Nobel. Leur choix ne se portait donc pas sur la Côte d’azur mais bien sur ce pays d’Armorique réputé pluvieux et peu équipé, pour lors, en fait d’accueil hôtelier ou résidentiel. Cette dernière considération paraissait sans doute attractive, au contraire, pour ces universitaires soucieux avant tout de calme et de discrétion durant leur séjour. La nature de la côte n’a pas, en ces endroits, le caractère sauvage et intimidant de la Pointe du Raz ou de la presqu’île de Crozon. La roche a ici cet aspect plus lisse et plus arrondi, doublé de cette coloration rare qui lui vaut son nom. Les amas rocheux sont comme groupés par troupeaux et laissent le paysage s’aérer de loin en loin sans véritable causalité géologique apparente. Cette roche se pervertit et se noircit à sa base sous l’influence des marées, et prend alors une gravité que le soleil a tôt fait d’amenuiser.

C’est ce décor qu’un nombre grandissant de professeurs, chercheurs et penseurs adoptèrent durant plusieurs années. Nous aurons plaisir à évoquer ici deux de ces résidences d’été, à l’est de ce Ploumanach devenu village préféré des français, preuve que la beauté et le côté typique de ces lieux ne fut pas sans attirer ces vacanciers d’un genre à la fois élitiste et anti-mondain, comme nous le verrons

Les convergences ne manquent guère entre ces deux choix de séjour, non plus que les contrastes entre leurs commanditaires. Parmi les épisodes les plus saillants, notons déjà la venue en ces lieux des prix Nobel de 1911, Marie Curie pour la chimie, et de 1912, le Dr Alexis Carrel pour la physiologie et la médecine. D’autres suivront ! Ces deux icônes ont aussi en commun d’avoir défrayé la chronique pour des raisons bien étrangères à leurs spécialités académiques. Leur humanisme incontestable revêtira, comme leur patriotisme, des expressions fort différentes : tout un programme, au fond, et tout un pan d’histoire.

 

Sorbonne Plage

 

Lorsque l’on quitte le chemin villageois qui traverse la localité de Ploubazlanec, bien conscient de l’imminence de rejoindre la côte, on s’étonne d’avoir à descendre une pente aussi raide, au point d’hésiter un court instant à y engager sa voiture : on se persuade presque de ne rencontrer qu’une ou deux habitations en contrebas, et de jouir bientôt d’un espace vierge en bord de la rade, « au bout de nulle part » !

C’est ce qu’ont dû éprouver, en leur temps, les universitaires qui avaient élu ce site comme terre – et mer - privilégiés de leurs vacances, voici un siècle. Mais ce premier étonnement, demeuré d’actualité, se double à présent d’un sentiment inverse : c’est que l’on découvre paradoxalement là de vastes parkings et des hôtels de luxe fort prisés, en bordure de l’embarcadère des vedettes menant de la pointe de L’Arcouest, où nous sommes, à l’île de Bréhat toute proche, soit à quinze minutes de bateau environ. Un horizon proche, par conséquent, qui peut revêtir un aspect austère et vaguement hostile sous la brume ou alors un attrait ensoleillé et irrésistible selon l’heure et surtout la saison où on l’aborde.

Mais ranimons peut-être le passé qui, en ce début de XXe siècle, vit débarquer ici une communauté de savants, bientôt l’élite des penseurs et chercheurs d’alors, pour de légitimes délassements en commun, fort éloignés cependant des formules organisées qui leur ont fait suite de nos jours.

C’est ce passé d’exception que révèle le titre Sorbonne plage si révélateur et dont traite subtilement un ouvrage passionnant sous la plume d’Edouard Launet, un ingénieur doublé d’un sens aigu de la scénarisation et d’une passion affichée pour l’écriture.

Tout commence au fond par une invitation chez un poète, Anatole Le Braz, artisan du maintien (ou de la restauration) de la langue bretonne en même temps que subtil versificateur pour la langue française. Ses hôtes, tout à la fin du XXe siècle, sont le neuro-physiologiste Louis Lapicque, découvreur de la chronaxie, et le brillant historien Charles Seignobos. Nous sommes alors à Port-Blanc et les flâneries séparées des deux couples de résidents les mènent à repérer la presqu’Ile de l’Arcouest qui d’emblée les fascine : la destinée plus que dramatique de Le Braz – il perdra huit membres de sa famille lors d’un naufrage en 1901 – conduit les deux familles à élire plus à l’est leurs ambitions futures. Coïncidence encore : c’est aussi à Port-Blanc que Marie Curie avait fait ses premiers pas en Bretagne, en 1897 ; elle aussi cinglera plus à l’est, quInze ans plus tard, forte de ses deux prix Nobel et de ses deux filles Irène et Eve que, sans allusion à la science atomique, nous qualifierons volontiers de fusionnelles. Par rapport à l’évocation, à laquelle nous arriverons en seconde partie, des figures controversées de Carrel et de Lindbergh, celle de l’arrivée de la très estimée veuve de Pierre Curie ne lui vaudra pas non plus que des éloges, étant donné les rumeurs de « love affair » qu’elle aurait connue avec le grand mathématicien Paul Langevin, marié et père de famille, ce qui, là aussi, fit scandale. Ah, ce plaisir de ravaler les destinées glorieuses trop éclatantes !

Le physicien Jean Perrin et le mathématicien Emile Borel viendront avec leurs dames compléter la compagnie d’érudits bientôt muée en navigateurs et nageurs plus ou moins aguerris. Nous ne citerons pas la totalité des « têtes » qui composeront bientôt cet aréopage, allant jusqu’à compter une cinquantaine de familles, vivant manifestement en vase clos mais avec tant de simplicité et de gentillesse que la localité ne s’en émouvra pas outre mesure. Un zeste de snobisme ne dérange personne, semble-t-il, quand Louis Lapicque baptise son bateau du nom d’Axone …

Toute cette société se mobilise à la déclaration de guerre et Marie Curie, déjà assistée d’Iréne toute jeune, créera des unités de radiologie mobile et soulignera par l’action tout l’apport des technologies en période de conflit. Les interventions de notre savante au plan véritablement diplomatique sont à mentionner en marge de son rôle technique et novateur.

L’après-guerre voit se confirmer en Arcouest un style de vie bon enfant en même temps que s’accroît le nombre des fervents de cette jeune république, le mot n’est pas immérité. En 1926 apparaît l’élu du cœur d’Irène avec lequel se prépare un nouveau prix Nobel partagé, comme en 1903 pour les parents, c’est Frédéric Joliot-Curie. Lui seul brisera quelque peu l’apartheid du groupe, un mot que tous auraient cependant banni, en fréquentant bien davantage Paimpol et ses habitants, et forcément le large et ses inquiétants nids rocheux. C’est ensuite l’installation à proximité de la « colonie » d’ouvriers du Faubourg Saint- Antoine qui consolidera pour le groupe sa foncière détermination d’aider les classes populaires à accéder aux loisirs et à la culture.

L’orientation politique de nos résidents est nettement progressiste : elle est sensible aux droits de l’homme, à la défense acharnée de Dreyfus et de l’antifascisme, à l’obtention de mandats gouvernementaux notamment pour garantir un soutien légitime à la recherche. Dame, quand on peut se prévaloir de tels lauriers de l’académie suédoise ! Mais les avancées de l’expérimentation mènent nos lauréats à s’inscrire en tête de liste, au moins pour un temps, dans la domestication de l’atome ; les pages finales du livre, mais aussi sa trame tout entière vous glacent le sang puisque les concepteurs de l’utilisation pacifique de la radioactivité seront pris, un moment, entre le goût d’être à la pointe des découvertes et celui de rejeter les développements terrifiants qu’elles laissent entrevoir. Le vieil adage « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » revêt toute sa valeur, notamment à l’annonce des bombardements sur le Japon qui vient perturber les principes et les codes.

Ces « scrupules », diront certains, toucheront également Oppenheimer, le père de la bombe, dont l’astucieux Edouard Launet ne manque pas de citer la présence à quelques encâblures de Sorbonne plage, vers 1925. Son passé d’étudiant à Harvard et à Cambridge ne laisse guère beaucoup à jalouser de la part des émules des laboratoires français. Le destin décide ainsi de croisements dans l’existence qui vont bien au-delà des hasards géographiques, comme l’a fort bien décrit Launet.

Le littoral se ressent-il encore de la présence durant un demi-siècle de ces cerveaux redevenant, le temps de l’été, des êtres libérés et détendus, aux prises avec la vie de chaque citoyen(ne) ordinaire et seulement formattés par leur esprit de caste académique, dont ils se départissent malaisément pour leurs loisirs ?

Launet conclut avec nostalgie : « L’Arcouest, désormais, ce n’est plus qu’un nom gravé dans l’émail, celui du panneau que l’automobiliste aperçoit sur sa droite en quittant Ploubazlanec pour se rendre à l’embarcadère de Bréhat » : « un mémorial réduit à un simple muret de granit rose sur lequel est apposée une plaque de marbre murmurant en lettres dorées : En hommage à Irène et Frédéric Joliot-Curie, vies consacrées à la science et à la paix. Leurs amis de Ploubazlanec, où ils aimaient séjourner. »       

                       

 Du côté de Port-Blanc

 

Le rassemblement de cerveaux qui eut lieu, avec à peine quelque décalage de temps et d’espace, près de Port-Blanc, concerne deux figures très différentes des personnalités précitées : leur humanisme, leur engagement politique, leurs débordements mêmes furent largement à l’opposé de la ligne suivie par les Arcouestiens. Nous voulons parler du Dr Alexis Carrel et de Charles Lindbergh.

Commençons comme il se doit par l’aîné, qui précéda son futur collaborateur en choisissant de s’installer en Bretagne lors de ses retours en France. Notre objectif n’est une fois de plus que de dépeindre et de ressusciter quelque peu la relation, certes très labile, entre biographie et lieu temporaire d’existence, et pas du tout de nous étendre sur la carrière scientifique qui dépasse tout  autant les limites de notre article que celles de notre entendement. Nous proposons tout au plus un rappel de ces carrières trop oubliées par ceux-là mêmes qui hantent encore actuellement l’ancien habitat armoricain de ces deux noms prestigieux.

 

Le Docteur Alexis Carrel

 

Carrel est de la région lyonnaise : il y est né en 1873 et y a étudié, mais il émigre, dès 1904, au Canada puis aux USA : entré comme boursier au tout jeune Institut Rockefeller pour la recherche médicale, il y dirigera la Division de chirurgie expérimentale jusqu’en 1939. C’est donc dès l’amorce de cette mission, déjà en soi, lourde de responsabilité, qu’il obtient le Prix Nobel « pour ses travaux sur les sutures vasculaires et les transplantations de vaisseaux sanguins et d’organes ».

Si les dates de naissance de Marie Curie et d’Alexis Carrel sont rapprochées, l’attribution à l’une et à l’autre du Nobel (le second pour Marie, cette fois à titre personnel) respectivement en 1911 et 1912, fait d’eux des contemporains tout à fait évidents. L’implication immédiate, dans les services et dans l’effort de guerre, de ces deux icônes de la science et de la médecine est tout à fait exemplaire, comme nous l’avons déjà évoqué pour Marie Curie. Carrel, quant à lui, officie comme Major au Corps médical français où il met au point des méthodes de traitement des blessures de guerre et notamment des brûlures. Pour reconnaissance de ses découvertes, il sera fait commandeur de la Légion d’honneur ; de ce temps datent ses liens avec Philippe Pétain.

L’Institut Rockefeller gardant toujours sa préférence, il repart aux USA après l’armistice et collectionnera les travaux et les honneurs ainsi que les publications, en son nom propre ou à titre partagé.

Le site qui accueillera le couple Carrel pour ses séjours en France sera la petite île Saint-Gildas, dont ils font l’acquisition en 1922 grâce au montant du prix de l’Académie suédoise. Cette affectation de la récompense des travaux scientifiques ne correspond nullement à un caprice, puisque le savant choisira de s’y faire inhumer et cèdera le domaine à un ordre religieux après son décès (* ).

Entretemps, la carrière l’aura orienté vers des domaines parfois contrastés mais toujours avec un même brio et un impact incontestable sur le grand public, ce qui culminera avec la parution, en 1935, de son livre L’Homme, cet inconnu, publié simultanément en France et aux Etats-Unis, avec d’emblée un succès considérable.

Toutefois, les thèses eugénistes contenues dans l’ouvrage tombaient au plus mauvais moment, inspirées par un désir réel de développement humain sélectif et socialement bénéfique, voire par une idéologie de dépassement de soi, mais arborant une préoccupation élitiste à laquelle même des commentateurs spiritualistes ne parurent pas lucidement sensibles et à quoi les écoles bien pensantes d’alors réservèrent même un écho enthousiaste (***).

Il faut savoir que dès 1930, le Dr Carrel avait participé aux travaux d’un parti fasciste, et que sa sympathie affichée pour Philippe Pétain, Henry Ford et même Mussolini n’arrangea nullement les choses. C’est lui cependant qui déclara que « le national- socialisme est totalement opposé aux principes fondamentaux de la civilisation occidentale ; il n’a pas construit un monde adapté à l’homme ». Des souvenirs pénibles de la première guerre mondiale ajoutaient, en outre, à la défiance vis-à-vis du nazisme au quotidien.

Revenu effectivement en France en 1940, deux mois avant l’entrée en guerre, Carrel conçoit pour le Ministère de la Santé un hôpital mobile, bientôt adopté par les troupes britanniques en Afrique du Nord, et met au point des techniques de conservation du sang. Il recevra à nouveau le concours d’un spécialiste inattendu en la personne de Le Corbusier. La popularité de Carrel en France et en Europe ayant néanmoins très fortement décliné, il bénéficiera par contre du soutien d’Eisenhower qui exigera « qu’on ne touche pas au Dr CarreL »

Traîné peu à peu dans la boue comme il avait pu être encensé par ailleurs, Carrel vit sa santé rapidement se détèriorer et des reproches cinglants le conduisirent, dès avant la fin de la guerre, à la dépression et au décès.


©Pierre Guérande
       
 
             

 

 

 

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25 octobre 2023 3 25 /10 /octobre /2023 06:46



 Poèmes Lauréats Concours Jeunesse SPF 2023


 
 
Les bateaux…
Je les vois partir,
Sans jamais revenir,
Au gré du vent, au gré de l’eau.
 
Les vagues m’ont portée
Si loin…
Qu’elles ne m’ont ramenée,
Après un si long chemin.
 
Je m’élance vers les flots bleus,
Et je caresse l’écume
Semblable aux nuages dans les cieux
Je vogue sur ce spectacle merveilleux.
 
Je vais là où le ciel et l’océan drapé
Ne forment qu’un et prennent vie
Dans nos yeux fatigués
De marins vieillis.
 
Les vents marins gonflent mes voiles
Tels des poumons respirants
Et me mènent, guidés par les étoiles,
Vers des abysses sombres, calmement.
 
Je navigue vers l’au-delà,
C’est ici que le bateau de bois,
Dans l’océan, chez soi,
S’arrêtera.
 
Adieu, brises marines et vents salés
Adieu, soleils brûlants et lunes d’été
Adieu, vagues et marées
Adieu, tempêtes furieuses et horizons dorés.
 

©Emma ROBERT – 5ème
05100 VILLARD SAINT PANCRACE
1er prix 2023 Section 5ème à la 3ème  
                                                           
 
 
 

 

 

 

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24 octobre 2023 2 24 /10 /octobre /2023 06:44

traduction par Béatrice Gaudy

 


©Béatrice GAUDY                                                                  
 
 

 


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23 octobre 2023 1 23 /10 /octobre /2023 06:43

Illustration proposée par l’auteur.

 

 

Un petit caillou blanc s’est égaré dans l’escalier d’un vieil immeuble parisien.

Échu, désorienté, entre troisième et quatrième.

Blotti dans le fourrage d’un paillasson brosse-poils de chien

Il gisait esseulé, rue Linné dans le cinquième.

Un caillou sans papiers, balloté par un godillot

Pressé d’atteindre sa garçonnière, un Roméo

La chambre d’une Juliette, nymphette à brodequins

D’une Colombine, chaussons satins.

 

Maintenu par le manche d’une poigne matrone

Un balai effrangé fera choir l’étranger vers la bouche d’une pelle

À ordures gloutonne

Le ventre avide d’une poubelle.

Bien triste destinée, pour qui fut cœur de pierre

Que de passer poussière

Pour s’en aller sombrer dans un champ de gravas, pas même un cimetière.

 

Une main habillée saisit le fourvoyé

Le glisse dans une poche, dévale l’escalier

Ouvre la porte sur la rue

Traverse l’avenue

Le pose dans un parterre de fleurs repiquées.

Te revoici dans ton jardin, signent les doigts gantés.

Méfie-toi de la botte : celle du jardinier !

 

Heureux tout simplement de retrouver les siens

Le caillou se trémousse, il salue les ramiers

Ses amies les souris, les fourmis et les chiens.

Puis l’index d’ajouter :

Et merci pour ma plume de t’être fourvoyé entre troisième et quatrième

Car ce soir c’est à toi que je dois ce poème.


 ©Serge Lascar
Nouveaux Cahiers de Poésie                    
 
 
 

 

 

 

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22 octobre 2023 7 22 /10 /octobre /2023 06:46


 

Découverte en l’appel flegmatique
Te parler dans le silence du regard
Et dans l’abandon de tout superflu te convier
Charme des chairs altières
Attrait des errances vestibulaires
L’air est au plaire mais aussi au leurre
Sou(s)-rire au pire à venir
Le port fièrement désinvolte mais cependant feint
Noires prunelles belles et pourtant obscures
Énigmatique posture prête à la morsure
Te fasciner par l’attente patiente et ne plus te lâcher
Pour t’emporter aux pays mystérieux

 

©Gérard Leyzieux                    
 
 

 

 

 

 

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21 octobre 2023 6 21 /10 /octobre /2023 06:24


 
 
 
D’abord il y a ce point,
À la ligne, nu, sans virgule,
De croix ou de salut,
Tache dans l’œil du soleil
Qui vient regarder par-dessus ta haie
Si tu veux bien être aimée
Ou seulement réchauffée.
 
Après, il y a ce cri,
Venu de loin, né de nulle part,
Qui déchire mon cœur de sa césure âpre,
Juste après l’amour, juste avant la mort.
Un cri d’abandon
Long comme un jour sans pain,
Qui cesse brusquement quand la nuit le saisit.
 
Enfin, il y a ta joie, belle comme les blés
Qui laissent le vent léger
Se perdre en leur blondeur.
Elle me fait pleurer, elle me dit tant de toi
Je ne pourrai jamais la serrer contre moi
À peine désirée, sitôt envolée.
 
© Bernard Delpech               
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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