Voie d’escale, l’horizon du sentier gravite sur la pente du jour. Contredanse aux heures, le ballet des fougères module sa verve.
Le jour claudique. Le soir vient en maître. Entre ombre et lumière, les fougères penchent incertaines du choix.
Jour battu, la nuit distribue son jeu. Écartées, nos heures sont reines. Cousues de sommeil, elles incendient tout désarroi. Elles roulent en boule le monde draps et songes défaits, cueillent aux plis de l’œil fougères et sentier mêlés.
c’est dans cet excès de nature que je viens planter
notre grand poème géologique son silence indicible
entre vignes et oliviers sur des terrasses d’évidences
où rire d’aimer est un chemin sûr
des tonneaux d’impatientes clartés roulent
comme des petites filles amusées d’un acte multiplié
de mise au monde
les dieux calmes et transparents ont dépensé
depuis longtemps l’argent de leurs certitudes
ils mènent une ronde de douce ébriété
qu’ils boivent à même nos ciels sensibles
Je suis né
Pour semer
Pour aimer
Désaimer
Pour nouer
Dénouer
Je suis né
Pour tes
Beaux yeux
Zieuter
Tes yeux Je suis né Pour ma gueule
Pour gueuler Je suis né Pour vivre
Survivre Seul
je suis enfantée du sang et de la glaise,
de la côte d’Adam,
d’une nouvelle orfèvrerie de lumière tissus en soupirs…
je regarde la lune, je tourne autour du soleil,
je dis à la pierre et au ciel mère,
et pourtant, je m’attache aux choses, aux états, aux éphémères créatures que je crée par hasard
la chute est en moi,
je sens son goût salé tel du sang
j’entends la voix de l’ange,
qui semble déserte…
de mes pleures il lui pousse
une nouvelle paire d’ailes,
je vois s'effondrer la lourdeur du péché,
l’air s’émacie jusqu’à devenir onde,
la larme purifie même si elle pleurait juste pour une seconde…
j’ai peur que mon ange ne sonne trop tôt,
je ne peux plus ensorceler le temps,
des voix s’entendent dans mes veines
elles murmurent que la fin approche,
ô, qu’il me donne encore une saison, un automne,
qu’il me serre dans ses bras,
qu’il me tende la main afin que je guérisse une pensée éternelle…
puis, je vais me montrer devant lui telle qu’il me veut :
dénudée, mais sans corps,
délivrée de tous mes amours …
je les regarde se ranimer :
des vierges bleues marchant
au-dessus des eaux de ma pensée,
fumantes, brûlantes,
délivrant le temps pétrifié en secondes
Les dernières vibrations de cloche
dans le silence de l’abbaye,
nous enveloppent de sagesse et de paix
à l’heure des vêpres.
Elles s’étirent sur un rayon de lune
s’élèvent vers l’infini,
se perdent dans les nues.
L’espace en conserve les ondes
les moines seuls les perçoivent
jusqu’à l’appel du prochain office.
Réécrire le poème
Mille fois calligraphié.
Sur les lignes de ma vie
Défilent des paysages
Aux syllabes lacérées
Par les vents de la haine.
Interlignes ravinés
De larmes d’orage,
Vocables grugés
Par les marchands du temple,
Accents travestis
Aigus de violence,
Marges biffées
A l’encre noire de la géhenne
Sur des feuilles blanches froissées,
Bréhaignes des promesses envolées.
Je n’ai de cesse
De lier les lettres
De pétrir le verbe
L’assouplir
De l’union des coeurs
Sous la lumière amie de l’éveil,
Que renaisse le poème
Aux sillons germinés
De mots phares
Eclos de pensées racines,
Prémices de fleurs humaines.
De la source à l’estuaire
coule la Seine transparente de lumière
Fille de l’onde tu t’éveilles
le gris-bleu sur les paupières
Nymphe tu redessines les berges
quand l’échappée devient belle
Danse nef de Lutèce
dans les bras de Sequana.
Née des larmes d’une nymphe poursuivie par un satyre, Sequana* , fleuve d’histoire, de légendes et de poésie, coule depuis ses sources jusqu’à l’estuaire
Demi-vêtue quand vient le printemps, tu franchis ponts et passerelles.
Avec un brin d’audace et le mépris du danger, tu nargues parfois le merle siffleur et les moineaux de Paris.
Arrivée à la passerelle Simone de Beauvoir, tu deviens chef-d’œuvre raffiné portant sur les plats de ta reliure les gemmes, l’or et l’argent.
Au couchant, ta tranche s’orne de garance laissant par instant fleurir la dorure ciselée d’une fibule.
Habillée de bon vélin, tu vogues vers la pointe de l’île Saint-Louis.
Le croisement d’un regard, un frisson qui court sur la berge ; ainsi passe ta beauté, chatoyante dans ses éclats fugitifs.
De remous en remous, telle une fille sauvage, tu files au Pont de Sully.
A l’approche du Pont Marie, tu resterais bien dans la douceur bleue d’une Madone, mais il te faut saluer la gloire hautaine des grandes et nobles familles.
Vêtue de soie, tu fais un pas de danse au Pont d’Arcole.
Emplie de volupté au parfum délicat, tu laisses éclater ta joie.
Tu presses le pas pour arriver à l’heure au Marché aux fleurs.
En tablier bleu, le jardinier a cueilli pour toi, Sequana, jonquilles et tulipes multicolores.
Tu glisses la mieux épanouie dans ton livre d’heures.
Au Pont au Change, tu es éblouie par la Sainte-Chapelle, merveille de l’art gothique.
Tu empruntes un cheval de fiacre pour traverser l’île de la Cité et rejoindre les bouquinistes quai des Grands Augustins.
Le temps d’un soupir, tu croises les belles dames qui se poudrent aux miroirs chez Lapérouse. Vite lasse des plaisanteries salées et des propos musqués, tu retrouves le Pont Neuf.
Dans le bruyant concert des mouettes en exil, tu observes le perpétuel va-et-vient d’une foule sentimentale.
Tu caresses des yeux le Vert-Galant en son logis de verdure.
Là, sûre de toi, tu deviens Sirène aux écailles brodées.
Sous le pinceau de Paul Signac, tu arrives au Pont des Arts où le peintre néo-impressionniste fait, par ses harmonies et arrangements rythmiques, palpiter ton cœur.
Entre le musée du Louvre et l’Institut de France, tu apparais naïade aux yeux verts.
Insouciante, tu as la grâce dansante d’une indomptée.
A peine sortie d’un songe, tu portes une jonchée de roses aux Immortels de l’Académie.
Tu rêves des sources déjà lointaines qui, goutte à goutte, ruissellent jusqu’à Lutèce :
Sequana !
Sequana !
Avec les nouvelles clartés printanières, de légères demoiselles te contemplent de la balustrade des Tuileries.
Belle et scintillante dans ta nudité, tu fais une révérence au Pont Royal.
Jolie frimousse,
tu chantes au gai matin
sans t’inquiéter du lendemain.
Au Pont de la Concorde, tu dresses ta nappe de lumière, et les peupliers bruissent sur tes berges familières.
Seul, un anneau de fer attend le lourd chaland en provenance de l’estuaire.
Passent les jours, les semaines et se termine ta longue promenade : sept cent soixante seize kilomètres et six cents mètres je crois.
Mais ta curiosité demeure lorsque, de ta rive gauche, tu aperçois Honfleur, cité des peintres qu’il serait trop long de citer : Boudin, Daubigny, Jongking, Marquet, Seurat, Luce et bien d’autres.
Tu nous offres une dernière image avec une peinture de Félix Vallotton qui, depuis la Côte de Grâce, exécuta, en 1910, une huile sur toile : Vue d’Honfleur matin d’été.
La Seine déroule son ruban d’argent, ravie d’épouser l’immensité intime de l’estuaire.
VISUEL : Figuration de la Seine. Bas-relief de Jean Goujon, conçu à l’origine pour la fontaine des Innocents à Paris, et conservé aujourd’hui par le musée du Louvre.
Nuit profonde nuit nourricière
n’oublie pas de la terre tes enfants
Ils ont grand besoin de tendresse
Ils ont peur ils ont froid ils ont faim
Offre-leur ton sein bleu qu’ils redressent la tête
se grandissent de rayons qui émettent la vie
Déverse dans leurs âmes ta compassion de ciel
fais naître de tes doigts des lunaisons nouvelles
Unis-les berce-les de tes bras d’univers
Fais preuve en ta bonté de tolérance ouverte
qu’elle féconde régénère le fond des étangs lisses
Nuit éprise de silence calme nuit salvatrice
quémande notre salut promets-nous délivrance
car si l’humain s’oublie c’est qu’il ne se sait plus
depuis quand déjà, et si longtemps depuis
qu’il foule aux pieds l’amour… Use de bienveillance
guéris-le caresse-le rabaisse ses caquets
et lève de son sang versé
une semence d’étoiles.
On ne voit d’abord que la tension du corps
L’arc et les membres ont la même courbure
Celle de la course est de même allure
C’est l’ultime instant où se joue le sort.
Le regard, le bras, la flèche, sont alignés,
La cible, elle, encore ne sait rien,
Elle ne sait pas qu’a l’instant sa vie va basculer
Et qu’un autre monde s’ouvre que le sien.
L’arc est une métaphore
L’archer peut-être Eros ou Diane
Ce regard qui vous transperce le cœur
Ce coup de foudre qui vous a mis à mort
Fait de vous un autre homme ou une autre femme
Et vous ne voudrez plus que son bonheur.
Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...