Un poète voulait passer, chez lui
L’aspirateur à poussières
Tout sage qu’il fut, de jour ou de nuit
Voilà une besogne qui ne lui plaisait guère !
Mais voyez-vous, cœur largement ouvert
Bien qu’il fut à trois-quarts sourd
Il entendit soudain, crié en vers
Comme un appel au secours…
Vite, il chaussa ses lunettes de grand-père
Qui le faisaient tant ressembler au Père Noël
Que vit-il, alors qu’il n’avait point bu de bière ?
Un petit tas de poussières très exceptionnel…
Chose qu’il prit dans un premier élan
Pour simple détritus mal nettoyé
La dernière fois qu’il fit le ménage sous le divan !
Mais c’était quand ?... Souvenir déjà effacé…
Regardant de plus près avec sa loupe
Et ses appareils auditifs
Il remarqua, comme un petit groupe
Pour le moins démonstratif !
Il distingua une bouche bien dessinée
Et des yeux au regard très malin
Qui ne cessaient de l’implorer
Comme le feraient de tristes orphelins…
C’est que la chose voyait s’approcher
La gueule monstrueuse et menaçante
D’un horrible tuyau noir et biseauté
Qui avait une allure tellement arrogante !
Le petit tas tentait bien de résister au souffle
Ou plus exactement à cette aspiration mortelle
Il aurait voulu se cacher dans une pantoufle
Pour ne pas être aspiré par le tuyau cruel…
Le vieux poète approcha du mieux qu’il put
Ses vieilles oreilles terriblement ridées
Du petit tas de grains qui n’en pouvait plus
Et il écouta mieux, cette fois, par le cœur guidé…
Son âme de poète entendit la complainte
D’un petit tas de poussières qui ne voulait pas mourir
Les grains formaient entre eux une famille sainte
Aucun ne voulait être séparé des autres même pour rire…
Par tendre compassion, notre vieux poète à la barbe blanche
Renonça au ménage, mais il pris le tas avec moult précautions
Le posa dans sa main tremblante, l’autre posée sur sa hanche
Puis l’installa dans une vieille crèche pour une bonne intégration…
Prenant son chapeau rouge et ses grosses lunettes
Son pourpre pantalon, ses bottes noires et son bel anorak
Il partit pour une longue tournée, son char rempli d’amusettes
Pour les enfants, Noirs, Rouges, Blancs, bref, de toutes couleurs en vrac…
Survolant toits et cheminées, il songea à l’étrange famille dans la crèche
Composée au fil du temps par des rencontres mouvementées
Faites de poussières diverses, poils de chat, pollens, venus par mille brèches
Qui, depuis, vivaient d’amour et d’harmonie serrés les uns contre les autres…
Ainsi est la vie qui ne supporte que les grandes diversités
Soyez différents, ne cherchez surtout pas l’uniformité !
C’est seulement dans la différence que se trouve la richesse
C’est en l’acceptant qu’on trouve Dame Sagesse…
©Jean Dornac
Lyon, le 6 décembre 2015
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