18 mai 2016
3
18
/05
/mai
/2016
06:47
Au gré de l’astrolabe de Michel Bénard : entre poésie, peinture et critique d’art
Par Thierry Sinda*
Michel Bénard est un enchanteur, un chercheur de bonheur qui abolit les frontières en dérivant Au gré de l’astrolabe à la recherche de terres inconnues ; parmi celles-ci : la terre de l’Afrique subsaharienne, à laquelle il consacre toute sa dernière et deuxième partie placée sous l’intitulé « Terra Africa ».
En fait, « Terra Africa » constitue un sous-ensemble, - ou si vous préférez un détail - du grand tableau de dessins et visuels de multiples paysages naturels et humains qui fleurent bon l’ailleurs ; lequel est tout naturellement placé sous l’esprit de l’emprise de la « Terra Incognita ».
De prime abord, cela m’évoque L’invitation au voyage de Baudelaire : « Mon enfant, ma sœur, / Songe à la douceur / D’aller là-bas vivre ensemble !/Aimer à loisir /Aimer et mourir / Au pays qui te ressemble ! » Bénard écrit en écho aux vers baudelairiens : « Toutes ces îles de paradis, / De fleurs, de fruits et de conques, /Aux abords de la « Pointe de Vénus » / Où passionné j’écoutais, / La légende du « Trou du Souffleur, » / Et dans les palmes / La mélodie du vent. »(p .60).
Le poète Bénard à la différence de Baudelaire ne converse pas avec une fille des îles exotiques, il constitue un « herbier de la mémoire » (p.65), pour, continuera-t-il : « […] aller jusqu’à la sacralisation / D’une impression d’éternité / Aux senteurs d’une nuit africaine. »(p.65).
Au Spleen de Paris baudelairien, Bénard substitue le Spleen de Reims ; et aux paradis artificiels, il substitue le paradis du Champagne. C’est ainsi que Bénard écrit : « Je titube dans l’alcool de cristal, / Et rêve d’îles couvertes de chants » (p.51). Il évoquera aussi : « L’heure des longues solitudes, /Où doucement s’efface / La silhouette de la lune. » (p.96).
Michel Bénard est un poète, peintre et critique d’art qui s’est investi depuis une trentaine d’années dans ces domaines, lesquels se mêlent et s’entremêlent sans discontinuité. C’est ainsi qu’il écrit dans le poème Cendres : « Temps fort d’un signe graphique / Qui transcende les mots, / Se métamorphose du vert au gris / En passant par le rose premier » (p.40). Sur sa palette le peintre mélange non seulement les couleurs et les mots tel qu’on peut le déceler dans le poème central Astrolabe : « Le verbe aimer s’est enchâssé, / Les pages s’encrèrent de turquoise (p.33). Lorsqu’ il évoque « les lignes légères et colorées » (p.41), nous avons affaire au critique d’art.
C’est en cela que réside la spécificité marquante de la poésie ciselée de Michel Bénard.
Dans la poésie de Bénard on retrouve des réminiscences de nos poètes classiques : Baudelaire, mais aussi Senghor (p. 63, par rapport à Chants d’ombres ; et p. 98 le poème sans titre par rapport à Femme noire), et Césaire (p. 31, poème Migration par rapport au Cahier d’un retour au pays natal). Dans l’optique de Michel Bénard, la musique précède la parole (« Aux résonances d’une kora / Donnant naissance aux paroles des griots. » (p.74), et forcément la peinture précède le poème écrit. C’est ainsi que l’on ne peut étudier en profondeur la poésie de Michel Bénard sans nager dans l’essence de la peinture et de la critique d’art. Nous saluerons, en final, la belle préface à l’ouvrage de Bénard signée par l’écrivain béninois Bernabé Laye, en faisant remarquer, toutefois, qu’elle est trop ancrée (encrée) dans le champ littéraire.
Thierry Sinda
*Délégué général de la francophonie de la SFP
Auteur de Anthologie des poèmes d’amour des Afriques et d’Ailleurs (Orphie, 2013)