Marc Chagall : Le grand cirque – détail
Encombrées d’habitudes, mythes accumulés au seuil d’une nuit blanche
Les idées noires sont avalanche.
Sacrifié à mon sort
Je m’éloigne du port.
Je visite le ciel, dessine des étoiles.
Aguicheuse, la lune : Tu viens ? On met les voiles.
Depuis l’étage, le palier
Les débris de dialogue d’une série télé dévalent l’escalier.
Je referme la porte sur les voix et les cris, stigmates d’une autre vie
Vouée aux oubliettes d’une soirée d’ennui.
Égaré volontaire entre livre de chevet et table d’écriture
Je ne sais que choisir : la plume ou la lecture ?
Le canapé s’affale.
Inhospitalier, il s’effondre dans un râle.
De part et d’autre du crapaud
Les rayons de bouquins m’enserrent en étau.
Livres mémoire, muets, en deuil
Les étagères sont des cercueils grouillant de vers entre les feuilles.
Je n’aurai pas le cœur à troubler leur quiétude
Ça n’est pas dans mes habitudes.
À l’angle de la pièce, une platine trône.
Des pochettes cartonnées s’érigent en colonnes.
Chacune en son écrin cache le fruit, la pomme
Les baies acidulées qui fleurent à l’automne.
À l’affut de l’antienne pleurée par un quintette
Je saisis à l’aveugle une fine galette.
Piano voluptueux, trompette sur saxo
Contrebasse, caisse claire cadencent Chicago.
Succulence gourmande de lèvres rouge-vermeil
La voix soudain jaillit de Billie Holiday.
Ébloui, je la suis :
Jazz autour de minuit.
©Serge Lascar
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